Pape François à Marseille : Les vagues de migrations ont façonné la ville, selon le pape
migrations Le pape se rend à Marseille pour évoquer le sort des migrants traversant la Méditerranée pour rejoindre l’Europe
- Le pape François arrive à Marseille ce vendredi pour deux jours.
- Côté sécurité, 5.000 policiers vont être déployés, notamment aux abords du stade Vélodrome et sur le parcours de la « papamobile ». Le diocèse attend d’ailleurs jusqu’à 100.000 personnes sur ce parcours.
- Le pape, lui, a saisi l’opportunité de rencontres entre des évêques et des jeunes de tout le pourtour méditerranéen, organisées par le diocèse de Marseille du 18 au 24 septembre autour des thèmes comme les inégalités économiques, les migrations et le changement climatique.
Marseille, où le pape François est attendu vendredi, est un des grands ports de la Méditerranée, façonné depuis sa fondation par des vagues de migrations et où cohabitent communautés et religions. Deux thématiques fortes de cette visite. « J’irai à Marseille, pas en France », a insisté le chef de l’Eglise catholique à plusieurs reprises, expliquant : « Le problème qui me préoccupe c’est le problème méditerranéen ». En premier lieu le sort des migrants, lui qui fit son premier voyage pontifical sur l’île italienne de Lampedusa, où ils arrivent par milliers depuis des années et qui connaît actuellement un nouvel afflux.
Le pape dénonce régulièrement « l’indifférence » face aux naufrages dramatiques, qui ont fait plus de 28.000 disparus en Méditerranée depuis 2014 selon l’Organisation internationale des migrations. « Le principe fondateur de cette ville, c’est un alliage entre gens d’ailleurs et gens d’ici », résume Thierry Fabre, fondateur des « Rencontres d’Averroès » qui depuis trente ans rassemblent à Marseille intellectuel et artiste pour « penser la Méditerranée des deux rives ». Et de rappeler l’origine mythique de la « cité phocéenne », l’union entre Protis, marin grec arrivé il y a 2.600 ans de Phocée (dans l’actuelle Turquie), et Gyptis, fille du chef d’une tribu locale. « Quand on regarde sur le temps long, cette histoire se maintient, elle se métamorphose mais elle se maintient », poursuit-il.
« Ville sismographe »
Une histoire façonnée par le commerce, notamment colonial, qui a fait la richesse de la ville, mais aussi par les guerres, la pauvreté, les catastrophes… « A chaque fois qu’il y a une grande secousse historique, il y a une réplique à Marseille, c’est la ville sismographe », relève M. Fabre. Elle a ainsi accueilli successivement - et sans exhaustivité - Grecs, Italiens, Arméniens, Juifs d’Europe centrale ou d’Afrique du Nord, Maghrébins, Comoriens, plus récemment Ukrainiens ou Africains « subsahariens », rescapés de la périlleuse traversée de la « grande bleue ».
Le pape François est « un des seuls à avoir une parole aussi forte (…), il n’a de cesse de dénoncer cette tragédie » dans cette Méditerranée devenue cimetière, « et de rappeler que ça doit s’arrêter », souligne François Thomas, président de SOS Méditerranée, ONG basée à Marseille qui affrète l’Ocean Viking, navire portant secours aux migrants en détresse, notamment au large de la Libye.
« Depuis le Moyen Age il y a une présence étrangère importante »
Mais à Marseille comme ailleurs l’installation des migrants ne se fait pas sans heurts, même si « depuis le Moyen Age il y a une présence étrangère importante, de commerçants mais aussi de populations plus modestes, qui ont nourri l’économie et l’expansion de la ville », souligne Stéphane Mourlane, maître de conférences en histoire contemporaine à l’université d’Aix-Marseille.
« Ce cosmopolitisme a aussi été ressenti comme menaçant », rappelle le chercheur, qui a codirigé un « Atlas des migrations en Méditerranée ». La ville a ainsi connu des poussées de violences xénophobes, contre les Italiens en 1881 par exemple. Sans freiner les arrivées, puisque « à la veille de la Première Guerre mondiale, un cinquième de la population de Marseille était italien ». D’autres épisodes violents ont visé en 1973 les Maghrébins. « Après les indépendances, Marseille a refusé très fortement la pluralité de sa population », analyse Thierry Fabre.
Pour autant Marseille est « une ville assez bonhomme, humaine, où les gens cohabitent », relève Blandine Chelini-Pont, professeure d’histoire contemporaine à l’université d’Aix-Marseille, spécialisée dans les questions de religion. « Est-ce que pour autant ça fabrique de l’accueil et de la tolérance religieuse » ou simplement « un agrégat de communautés qui ne se fréquentent pas » ?
La ville, qui compte entre autres les communautés juives et musulmanes parmi les plus importantes de France, est en tout cas dotée depuis 1990 d’une instance regroupant autour du maire des représentants des principales religions, « Marseille espérance », pour favoriser le dialogue et désamorcer d’éventuelles tensions. Car la deuxième ville du pays ville souffre aussi « de beaucoup de problèmes et de discriminations », rappelle Mme Chelini-Pont.
« Tout le monde sait que dans l’identité il y a toujours un facteur d’altérité »
La cité phocéenne compte des quartiers parmi les plus pauvres d’Europe, souvent à forte population d’origine étrangère. Elle a cet été, pour la première fois, été touchée par les violences urbaines qui ont secoué la France. Marseille est célébrée pour ses valeurs « d’ouverture et de brassage » mais traîne aussi une « mauvaise réputation » de violence, relève Stéphane Mourlane.
Et pour Thierry Fabre, « toute la question c’est celle du trait d’union. C’est cette invention-là que peut être Marseille ». Car ici « tout le monde sait que dans l’identité il y a toujours un facteur d’altérité », estime Jean-Marc Aveline, l’archevêque de Marseille, qui a lancé l’invitation au pape. On vient d’ailleurs, mais « vous arrivez, vous aimez cette ville, très vite vous êtes Marseillais, vous pouvez être fier de l’être, et tant pis si vous n’avez pas vos papiers, vous les aurez plus tard. Vous avez une identité, et ça, ça compte. On est quelque part, on fait partie ».