Pape François à Marseille : Il y a 490 ans, c'était mariage, lion et diplomatie au menu

Roaaaar Marseille n’a pas accueilli de pape depuis 1533 quand Clément VII y fit un séjour aux enjeux surtout diplomatiques

20 Minutes avec AFP
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Le pape François.
Le pape François. — Cecilia Fabiano/LaPresse/Shutter
  • Le pape François arrive à Marseille ce vendredi pour deux jours.
  • Côté sécurité, 5.000 policiers vont être déployés, notamment aux abords du stade Vélodrome et sur le parcours de la « papamobile ». Le diocèse attend d’ailleurs jusqu’à 100.000 personnes sur ce parcours.
  • Cette visite est la première à Marseille depuis près de 500 ans.

490. C’est le nombre d’années qu’aura dû voir défiler Marseille avant recevoir de nouveau la visite du pape. Sa sainteté François est attendu ce vendredi dans la cité phocéenne, qui n’a pas accueilli de pape depuis 1533 quand Clément VII y fit un séjour aux enjeux surtout diplomatiques, avec en point d’orgue le mariage de sa nièce Catherine de Médicis au fils du roi François Ier. Une visite fastueuse, à l’image de son arrivée par la mer, décrite par l’apothicaire Honorat de Valbelle dans son Histoire journalière d’un bourgeois de Marseille (1498-1539) : « Le 11 octobre, le Pape arriva à Marseille vers huit heures du matin sur la galère de Monsieur le Grand Maître qui était orné, en particulier, d’un auvent de brocard d’une telle richesse qu’on n’en saurait dire plus ».

Le pape, né Jules de Médicis, et le roi de France sont à l’époque en mauvaise posture face à l’empereur Charles Quint, au sortir de la septième guerre d’Italie (1526-1529). « François Ier a dû abandonner ses territoires en Italie, il faut qu’il se reconstruise et va peu à peu s’allier avec tous les ennemis de Charles Quint, raconte Didier Le Fur, historien spécialiste de la période. Le pape de son côté est complètement coincé et va devoir choisir ente Charles Quint et (l’alliance des) Français et des Anglais, ce qui est plus avantageux pour lui. »

Le pape marie sa nièce Catherine

Quoi de mieux qu’un mariage pour sceller l’accord ? Justement, le pape est tuteur de sa nièce Catherine, 14 ans, dont les parents sont morts alors qu’elle avait un mois à peine. Représentants du Saint-Siège et du roi de France négocient donc, pour « faire d’une alliance matrimoniale une alliance diplomatique ». La « petite Médicis » est « l’instrument de la diplomatie, ça fait partie de la politique » à l’époque, souligne Didier Le Fur. D’ailleurs, depuis sa naissance et au gré des rebondissements, Catherine a été « promise à quasiment tous les princes d’Europe ». Et c’est donc finalement au deuxième fils de François Ier, Henri, 14 ans lui aussi, qu’elle sera mariée le 28 octobre à Marseille.

La cérémonie est somptueuse, comme l’accueil du pape et de sa délégation au son d’une canonnade qui fit, selon un autre mémorialiste, le religieux Guillaume Paradin (1510-1590), « si infernal bruit, que plusieurs jours après ce tintamarre, l’on ne peut prendre ni voir aucun poisson à l’entour du port ». Clément VII fut logé dans « un palais dressé par exprès, si superbe et somptueux qu’il n’est possible en estimer le prix et la beauté ». Et quand « le Roy très chrétien fit entrée en la ville de Marseille, ce fut (encore) en bien plus grand appareil et compagnie que le Pape », s’émerveille Guillaume Paradin.

Un lion et des bijoux offerts au pape

« Il s’agit de montrer qu’on est riche, d’autant qu’à l’époque les papes voyagent peu », décrypte Didier Le Fur. Le pape reçoit en cadeau des bijoux, et même un lion, comme en témoigne un dessin d’Antoine Caron (1521-1599), « Les présents échangés entre Clément VII et François Ier à Marseille », conservé au musée du Louvre. De son côté, Clément VII a mis dans la corbeille de mariage « une dot de 200.000 livres et rajoute en cadeau au roi de France (les droits sur les villes de) Parme et Plaisance (dans le nord de l’Italie actuelle), ce qui permettrait de prendre Milan (tenue par Charles Quint) en étau », détaille Didier Le Fur.


« Un projet sur le papier formidable, qui permet au roi de France de reprendre pied en Italie et au pape d’être protégé. Mais toute cette belle construction s’est cassé la figure, car le pape est mort quelques mois après »… d’un empoisonnement aux champignons. Son successeur change de politique et « le rêve immense caressé par le roi de France de redevenir maître de l’Italie a été réduit à néant ». 

Dernière suite inattendue de cette visite, la place controversée de Catherine de Médicis dans l’Histoire de France. Car Henri, qui ne devait pas régner, devient héritier du trône en 1536, quand son frère aîné meurt. Couronné en 1547, il décède à son tour en 1559, à 40 ans à peine, laissant à sa veuve un rôle singulier auprès de leurs trois fils qui seront rois. « Catherine a appris peu à peu. Mais si Henri II avait vécu elle n’aurait été qu’une reine comme les autres », souligne Didier Le Fur.