Emeutes à Marseille : Le point sur les deux enquêtes autour de possibles violences policières

récap' Le parquet de Marseille a ouvert une information judiciaire, ce mardi, après le décès de Mohamed, jeune père de famille de 27 ans, dans des conditions encore floues

M.P. avec AFP
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Lors des manifestations à Marseille, la police a interpellé de nombreux manifestants. De grands groupes de jeunes se sont affrontés avec la police, notamment autour du Vieux Port.
Lors des manifestations à Marseille, la police a interpellé de nombreux manifestants. De grands groupes de jeunes se sont affrontés avec la police, notamment autour du Vieux Port. — Sener Yilmaz Aslan
  • Les violences urbaines liées à la mort de Nahel avaient débuté jeudi à Marseille, avec un pic dans la nuit de vendredi à samedi qui s’est soldé par 95 interpellations et des dizaines de blessés côté forces de l’ordre.
  • Depuis le début des violences qui ont suivi la mort de Nahel, l’IGPN et son pendant pour la gendarmerie (IGGN) ont été saisis de dix enquêtes, a annoncé le ministre de l’Intérieur Gérald Darmanin mercredi.
  • L’une de ces enquêtes porte notamment sur la mort à Marseille de Mohamed, 27 ans, probablement victime d’un projectile de type « flash-ball ».

Deux enquêtes ont été ouvertes à Marseille sur de possibles violences policières dans la nuit de samedi à dimanche. Une nuit émaillée d’émeutes. Ces violences ont fait un mort, probablement victime d’un projectile de type « flash-ball », et un blessé. 20 Minutes revient sur ces deux enquêtes confiées à la police judiciaire et à la police des polices et alors qu’une enquête pour « tentatives de meurtre » a également été ouverte après l’agression de deux policiers en civil dans la nuit de jeudi à vendredi à Marseille.

Que s’est-il passé dans la nuit de samedi à dimanche à Marseille ?

Mohamed, un homme de 27 ans originaire d’Oran (Algérie) et livreur Uber Eats, a été retrouvé inconscient après avoir chuté de son scooter cours Lieutaud, à quelques centaines de mètres à peine du Vieux-Port de Marseille et des rues commerçantes où plusieurs centaines de commerces ont été vandalisées dans le week-end. Ces violences sont survenues sur fond de colère après la mort du jeune Nahel le 27 juin à Nanterre, en banlieue parisienne.

Mohamed a été retrouvé « après ce qu’un témoin avait qualifié d’accident de scooter » et alors que, semble-t-il, « il n’y avait pas de forces de l’ordre présentes » à proximité, toujours selon ce témoin, a précisé une source policière. Selon sa tante Samra Ammari, citée par Le Parisien et qui a témoigné sur BFMTV, les témoins auraient vu Mohamed descendre de son scooter « avant de s’écrouler au sol ». Selon elle, la victime « présentait un énorme bleu au thorax, d’abord présenté comme une conséquence du massage cardiaque, et une blessure à la jambe ».

Que montre la vidéo diffusée par BFMTV ?

« Quelques minutes avant d’être retrouvé mort en pleine rue, Mohamed a filmé des policiers en train de maîtriser un individu en marge des émeutes », avance BFMTV ce jeudi matin. Le site d’informations a diffusé une vidéo, présentée comme la dernière filmée par le jeune homme et transmise par la famille de Mohamed, montrant des policiers effectuer une arrestation, de nuit, devant un magasin du centre. La vidéo aurait été tournée vingt-six minutes avant la mort du jeune père de famille. Avant qu’il ne soit retrouvé inconscient, « au pied de l’immeuble de sa mère », avance BFMTV. « Il est alors en arrêt cardiorespiratoire, et l’intervention des pompiers ne suffit pas à le réanimer. »

Que dit la veuve de Mohamed ?

Interrogée mercredi par RTL et BFMTV, la femme du jeune père de famille, qui attend leur second enfant, a assuré que son mari n’avait « rien fait de mal ». « Depuis qu’il a eu un enfant, il a tout arrêté. Il n’est pas du genre qui casse. Il ne faisait rien, il regardait les gens, prenait des photos », a déclaré celle-ci sur RTL. « J’ai la vidéo qui prouve que mon mari n’a rien fait. […] A mon avis, c’est un policier qui lui a tiré dessus. Il l’a vu en train de le filmer, il a tiré avec un flash-ball. »

« Je veux savoir comment mon mari a été tué, je veux savoir », a encore avancé la femme de Mohamed, appelant sur BFMTV à ce que « la justice fasse bien son travail ». « C’est pitoyable de tuer des gens qui ont des familles. Ils auraient pu le mettre en garde à vue, parler avec lui, le décaler s’il gênait, a ajouté la jeune femme qui a reçu les médias, ce jeudi au pied de son immeuble de la cité Air-Bel. Mon mari était touché au thorax et aussi à la cuisse. Ce qui m’intrigue est que l’on me dit qu’il n’apparaît pas sur les caméras de surveillance alors qu’à 0h49, il était devant le Foot Locker de la rue Saint-Ferréol où il filmait. Même la procureure m’a dit que mon mari n’était pas avec les émeutiers. »

Où en est l’enquête ?

C’est lors de l’autopsie effectuée sur la victime, décédée à l’hôpital de la Timone, qu’a été confirmée « une sorte d’impact sur sa poitrine », a ajouté une source proche du dossier, en précisant que désormais l’enquête devra déterminer « le périple de ce jeune homme sur la soirée », notamment grâce au bornage de son téléphone et à l’analyse des images de caméras de surveillance. Selon le parquet, les enquêteurs doivent encore déterminer le lieu précis où le conducteur de scooter a reçu l’impact sur son thorax, sachant que le projectile n’a pas été retrouvé.

La procureure de la République de Marseille Dominique Laurens a souligné mercredi soir comme « probable un décès causé par un choc violent au niveau du thorax causé par le tir d’un projectile de "type flash-ball" », insistant sur le fait que si « des événements de type émeutes et pillages se déroulaient cette nuit-là dans le secteur », il était impossible de déterminer « si la victime y avait participé ou même si elle avait circulé dans cette zone ».

Une enquête a été ouverte pour « coups mortels avec usage ou menace d’une arme ». Elle a été confiée à la police judiciaire et à la police des polices (IGPN) par le parquet de la deuxième ville de France.

Une marche blanche où et quand ?

Selon les posts largement relayés sur les réseaux sociaux, une « marche blanche pour Mohamed, tué par la police dans la nuit du 3 juillet » doit se tenir ce jeudi soir, à 18 heures. La marche a été lancée à l’initiative des proches de la victime et commencera à la cité Air-Bel, dans le 11e arrondissement de Marseille. L’appel à la marche blanche précise que « la nuit de la mort de Mohamed restera gravée dans la mémoire des Marseillais·es comme celle d’un déchaînement répressif inédit ».


C’est quoi cette seconde enquête ?

Une seconde enquête a effectivement été ouverte pour « violence en réunion par personne dépositaire de l’autorité publique ayant entraîné une ITT supérieure à huit jours ». Elle a également été confiée à l’IGPN et à la PJ. Elle porte sur le cas d’un jeune homme de 21 ans, hospitalisé dans la même nuit de samedi à dimanche mais dont le pronostic vital n’est pas engagé.

Les faits qui « se seraient déroulés dans le centre-ville », toujours selon le parquet. Ce dernier n’a donné aucune autre précision et n’a pas fait de lien éventuel avec les émeutes alors en cours à Marseille.