Marseille : La candidature à l’Unesco peut-elle tomber en rade ?
DEUXIEME CHANCE La ville avait déjà, sans succès, déposé la candidature de sa rade en 2002. Or, l’Unesco interdit de les renouveler « sauf circonstances exceptionnelles »
- Benoît Payan, le maire de Marseille, a annoncé sa volonté de classer la rade de la ville au patrimoine mondial de l’Unesco.
- En 2002, une première tentative avait échoué, la ville a de nouveaux arguments à faire valoir.
L’idée n’est pas neuve, mais la voilà relancée. « Nous portons le projet de classer la rade de Marseille au patrimoine mondial de l’ Unesco », a déclaré Benoît Payan à l’occasion de la cérémonie d’ouverture du congrès mondial pour la nature (UICN) qui s’est tenu à Marseille. En 2002, déjà, la municipalité de Jean-Claude Gaudin avait tenté l’aventure. Le projet visait alors à classer l’ensemble de la façade maritime de Marseille, de Corbières au nord à la Madrague de Montredon, au sud, soit juste avant les calanques. Certains secteurs de l’arrière façade y figuraient également, tels le quartier du Panier, la Canebière, le boulevard Longchamp et son palais. Les îles de l’archipel du Frioul ainsi que celle du phare du Planier étaient concernées. Une candidature retoquée par la succursale de l’ONU.
« En 2002, les conditions n’étaient pas réunies », considère Hervé Menchon, actuel adjoint au littoral et à la biodiversité du maire de Marseille. « Aujourd’hui le regard sur la ville a changé et cette demande vient s’inscrire logiquement en conclusion », estime l’élu dont l’équipe entend remettre la mer au cœur de Marseille. « Trop longtemps, on a considéré que seul le littoral sud [les calanques] était digne d’intérêt », regrette-t-il. Avec l’ambition d’un coup double en cas de classement : « le remarketing » de l’ensemble du littoral et donc le désengorgement des calanques. Ardu pari.
« La proposition d’inscription ne peut pas être de nouveau présentée »
Ceci dit, il n’est pas certain que la ville ait le droit à une seconde candidature. « Si le comité décide qu’un bien ne doit pas être inscrit sur la liste du patrimoine mondial, la proposition d’inscription ne peut pas être de nouveau présentée au comité, sauf dans des circonstances exceptionnelles », est-il écrit dans les textes fondamentaux de l’organisation. Des circonstances exceptionnelles qui peuvent inclure « de nouvelles découvertes, de nouvelles informations scientifiques sur le bien, ou différents critères non présentés dans la proposition d’inscription initiale », précise l’Unesco.
Pas de quoi démonter la municipalité qui doit se réunir ce jeudi autour du maire pour travailler à cette candidature, jugée sévèrement par Didier Réault, président du parc national des calanques et vice-président en charge de la nature et de la biodiversité à la métropole. « Une annonce sortie du chapeau » qui « faisait bien dans le discours », faite qui plus est « sans en avoir parlé, ni aux collectivités locales, ni aux acteurs économiques et associatifs », ajoute-t-il.
« Notre tour Eiffel à nous ne se voit pas, elle est sous l’eau »
Mais au rayon des « circonstances exceptionnelles », la nouvelle administration pourrait toutefois avoir quelques cartes à jouer, à commencer par une nouvelle définition du périmètre. Avec, éventuellement l’intégration du Parc national des calanques, créé en 2012. Ensuite, celui d’un parc de près de 400 récifs dont le dernier comptage, réalisé le 4 septembre dernier, montre « une croissance extraordinaire de la biomasse », avance Hervé Menchon. Un ouvrage qui lui fait dire : « notre tour Eiffel à nous ne se voit pas, elle est sous l’eau ». Enfin la perspective des JO de 2024, dont Marseille accueillera les épreuves nautiques et qui donnera lieu à la création du stade nautique du Roucas Blanc et d’un « bassin vivant », nurserie pour poissons et refuge pour la biodiversité. Aussi, l’ambition de faire du quartier un Frioul un écoquartier.
Quoi qu’il en soit, la constitution d’un dossier de candidature de classement à l’Unesco est un long processus qui peut prendre 10 ans pour aboutir. La prochaine session du comité en charge de les étudier se réunira en juillet 2022 et se penchera sur les candidatures déposées avant le 31 janvier 2020. Rien ne presse donc, et cela d’autant que si la ville de Marseille a le droit à une deuxième chance pour sa rade, il ne faudra certainement pas compter sur une troisième.