Marseille: Alteo ouvre ses portes pour changer son image
ENVIRONNEMENT Alteo organise avec l'office du tourisme des visites guidées de son usine à Gardanne...
On ne peut pas la manquer quand on arrive à Gardanne. L’usine Alteo se dresse à l’entrée de la ville, dans sa robe rouge. L’usine fabrique de l’alumine de spécialité, un produit stratégique que l’on trouve notamment dans les écrans de téléviseurs et de téléphone. Pendant des décennies, elle a aussi « produit » des boues rouges. Aujourd’hui, elle rejette encore des effluents liquides au large de Cassis.
Mise sous pression par les associations de défense de l’environnement, les pêcheurs des calanques et les médias, Alteo tente de changer son image. Elle vient d’annoncer le financement d’une campagne scientifique en mer pour mesurer « l’impact écologique et sanitaire » de ses rejets dans le parc des Calanques. Elle s’est aussi lancée dans la recherche de nouvelles technologies pour limiter la pollution en mer.
Des gens du coin
A terre, aussi, elle s’essaye à la transparence en ouvrant ses portes au grand public. Elle organise pour la première fois cette année des visites commentées de l’usine, en partenariat avec l’office du tourisme de Gardanne. La prochaine visite se déroulera le samedi 24 septembre. Ce sera la cinquième en cinq mois et à chaque fois, « c’était complet, signale-t-on à l’office de tourisme. Vraiment, ça marche très bien ».
Parmi les visiteurs, on trouve des anciens employés « qui veulent savoir ce qu’elle est devenue », « des gens du coin, mais pas seulement, qui veulent se faire leur propre opinion sur l’usine » et puis des Gardannais qui vivent à côté de cette usine depuis des années, voire des décennies, sans savoir grand-chose sur elle, son activité et ses retombées.
« Qu’on arrête de nous dire qu’on ne risque rien »
La polémique qui a suivi l’autorisation préfectorale, les reportages d’Envoyé Spécial et de Thalassa, mais aussi , semblent avoir réveillé quelques craintes chez certains habitants de la cité industrielle qui n’hésitent plus à remettre en cause le discours de l’industriel.
Comme cet agent immobilier du boulevard Carnot qui, depuis qu’il vit ici, a « souvent l’impression d’avoir le nez pris ». « Pourtant, je sais ce que c’est les industries : Je suis né en Lorraine et j’ai vécu à Dunkerque. Mais même là-bas, je n’ai jamais eu ça ». De l’autre côté de la rue, c’est la pharmacienne qui s’inquiète de l’odeur dégagée par l’usine, une odeur « âcre, un peu comme le chlore ». Et puis, il y a cette poussière rouge qui envahit les rues de la ville, « surtout quand il y a du mistral ».
« Quand on voit ce qui retombe sur nos voitures ou sur les tables de jardins… Qu’on arrête de nous dire qu’on ne risque rien et que ça ne fait rien à nos poumons », peste-t-elle. Les abords de l’usine donnent une idée des poussières qui retombent : le bitume, les trottoirs, les panneaux de signalisation, et même les feuillages des végétaux sont rouges.
L’emploi d’abord
Sur le cours de la République, la gérante d’une boutique de prêt-à-porter évoque à son tour les poussières balayées par le mistral, ainsi que les odeurs « très fortes qui piquent la gorge et qui grattent ». « Il y a toujours eu comme une sorte d’omerta autour de cette usine, poursuit-elle. Tout le monde en ville savait pour les rejets en mer mais personne n’en parlait. Aujourd’hui, on est sûr qu’il y a une catastrophe écologique. Mais je peux vous le dire : ça ne se passe pas qu’en mer ».
Malgré ces critiques, il n’est pas question pour ces Gardannais de réclamer la fermeture de l’usine qui emploie plus de 400 personnes dans la région. « Les gens veulent garder leurs emplois, c’est évident et c’est normal, poursuit l’agent immobilier du boulevard Carnot. Si demain, il y avait un référendum pour ou contre l’usine, tout le monde voterait pour. Moi y compris ». « Evidemment, personne ne veut de licenciement mais qu’ils fassent au moins les choses dans les règles », conclut la pharmacienne.