Marseille: Les «coups d'éclats» permanents du FN contre la culture

POLITIQUE Les élus du Front national en PACA multiplient les offensives contre la culture et les artistes...

Mickael Penverne
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Le 25 novembre, à la Belle de la Friche de Mai à Marseille lors de la journée Prière de déranger: le public est invité à peindre des points rouges en réaction aux propos de Marion Maréchal Le Pen sur l'art contemporain.
Le 25 novembre, à la Belle de la Friche de Mai à Marseille lors de la journée Prière de déranger: le public est invité à peindre des points rouges en réaction aux propos de Marion Maréchal Le Pen sur l'art contemporain. — Vimeo/Lemon

Que ce soit pendant ou après la campagne électorale, le Front national ne relâche pas sa pression contre la culture et les artistes. Dans la région, l’offensive a démarré en juillet dernier quand le maire de Fréjus, David Rachline, a demandé aux artistes de sa commune occupant un local à loyer modéré d’accueillir, en échange, des enfants de maternelle et de primaire dans le cadre des activités périscolaires.

Quelques semaines plus tard, Stéphane Ravier, maire du 7e secteur, a pris la tête d’une manifestation organisée sous les fenêtres du conseil régional à Marseille pour protester contre une exposition du collectif Le Dernier Cri présentée à la Friche de la Belle de Mai. Une exposition qualifiée d’art « pédophile » par les élus frontistes qui ne l’avaient pourtant pas vue.

Siffler la Marseillaise

En septembre, c’est au tour de Marion Maréchal-Le Pen de résumer l’art contemporain à un « art d’élite » où « dix bobos font semblant de s’émerveiller devant deux points rouges sur une toile ». Après les régionales, l’offensive s’est poursuivie en 2016. En janvier, Stéphane Ravier a ainsi mis la main sur la programmation du centre de la Busserine, seul espace culturel des 13e et 14e arrondissements.

A Fréjus, David Rachline a critiqué la venue de Raphaël qui s’est produit le 12 mars au Théâtre du Forum au motif qu’il se serait « attaqué à maintes reprises dans son répertoire à nos valeurs fondamentales, sifflant la Marseillaise, enfourchant Jeanne d’Arc ou encore tournant en dérision le patriotisme ». L’élu fait référence à une chanson de l’album Pacific 231, baptisée Le Patriote.

« Pendons le négrillon »

Enfin, à Six-Fours-les-Plages, le conseiller municipal, Frédéric Boccaletti, proche de Marion Maréchal-Le Pen, s’est récemment insurgé contre le concert de JoeyStarr, prévu pour la prochaine fête de la musique, en rappelant que l’ancien rappeur de NTM avait été condamné « à plusieurs reprises pour avoir battu des femmes ». L’intéressé a préféré ironiser et lui répondre sur Instagram : « Pendons le négrillon ».

Cette offensive répétée contre le milieu culturel et les artistes n’étonne pas Christèle Marchand-Lagier, maître de conférences de science politique à l’université d’Avignon et spécialiste du vote FN. Selon elle, ces « coups d’éclats » à répétition visent surtout à mobiliser la base traditionnelle du parti contre des représentants, réels ou supposés, de la gauche.

Fan d’AC/DC

« Ils occupent le terrain, tout simplement. Ce sont des spécialistes du buzz, rappelle l’universitaire. C’est une manière d’exister qui leur permet d’imposer des thèmes et des langages. D’autant qu’ils n’ont pas une grande marge de manœuvre sur le plan local. Quand il s’agit de faire des coupes [budgétaires], le plus simple, quand on ne sait pas faire autrement, c’est de s’en prendre à la culture ».

Comme lors de ses premières victoires électorales dans la région en 1995, les élus FN se retrouvent ainsi à défendre la culture provençale en PACA alors que, dans le même temps, certains d’entre eux affichent des goûts un peu plus… contemporains. Stéphane Ravier est, par exemple, un fan du groupe de rock AC/DC et David Rachline n’a jamais caché son appétence pour la musique électronique.

Contradictions

« Les élus FN sont obligés d’envoyer des signaux contradictoires, analyse Christèle Marchand-Lagier. D’un côté, ils doivent envoyer des gages à la frange la plus radicale de leur électorat - c’est ce que fait Marion Maréchal-Le Pen avec les points rouges. Et de l’autre côté, ils essayent d’élargir leur base électorale dans la perspective d’une prise de pouvoir, comme le fait Marine Le Pen. »

Mais tenir deux discours simultanément (et contradictoirement) ne signifie pas pour autant que l’on a quelque chose à dire, souligne l’universitaire : « Il y a toujours eu une instrumentalisation du folklore dans la région alors que le débat culturel ne se situe pas là depuis bien longtemps. La défense de la tradition ne peut pas tenir lieu de programme culturel. En fait, je crois qu’ils n’ont pas de proposition en la matière ».