Comment les créateurs de jeux savent déjà tout ce que va faire le joueur

Conception de jeu Les «game designers» définissent ce qui est possible ou pas dans leur jeu et prévoient certaines des actions des joueurs...

Thierry Weber
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Les concepteurs d'un jeu bac à sable comme Minecraft ont laissé un maximum de liberté au joueur. Impossible de prévoir tout ce qu'il peut y faire.
Les concepteurs d'un jeu bac à sable comme Minecraft ont laissé un maximum de liberté au joueur. Impossible de prévoir tout ce qu'il peut y faire. —

Tout joueur a un jour ressenti une certaine fierté en découvrant un passage secret dans son jeu vidéo du moment. Impressionnant? Pas vraiment, cela veut juste dire que les créateurs du jeu avaient prévu que certains «gamers» chercheraient le passage en question. Et quand on voit le nombre de possibilités d’action dans un jeu, on se dit que toutes les anticiper, ça c’est impressionnant.

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Savoir ce que va faire le joueur avant même que le jeu ne soit sorti, c’est le travail de l’ergonome. «Il s’intéresse aux interactions entre les humains et les systèmes», définit Loïc Caroux, chercheur en ergonomie cognitive. «Grâce à sa connaissance du raisonnement humain, l’ergonome va donner des recommandations au "game designer" pour faire en sorte que le joueur agisse comme prévu.»

Des tests tout au long de la conception

Pour l’aider dans cette tâche, des «gamers» mettent la main à la manette tout au long de la création du jeu. «On fait toujours essayer un prototype», décrit Loïc Caroux. D’après Emmanuel Guardiola, ancien concepteur de jeu chez Ubisoft, aujourd’hui professeur de cette même discipline, «lors des tests, on voit émerger des stratégies de joueurs. Elles vont peut-être influencer le développement du jeu. Dans un jeu de stratégie en temps réel par exemple, si le joueur adopte une stratégie toujours défensive, ce n’est pas bon».


Pour Dinga Bakaba, «lead game designer» de Dishonored 2, il est possible de déterminer les «façons de jouer les plus fréquentes». Et de lister, «le combat, l’infiltration non létale…». Ces profils types permettent donc d’anticiper en partie le comportement du joueur. Emmanuel Guardiola rappelle que de toute façon, «on doit penser tout le temps au joueur. Mais on n’essaie pas de deviner tout ce qu’il va pouvoir faire dans le jeu», nuance-t-il.

Une liberté encadrée

En effet, le «game designer» n’est pas omniscient. «Quand on conçoit un jeu, on construit un espace de liberté dans lequel le joueur va interagir, mais où il sera soumis à des règles», insiste Emmanuel Guardiola. Ces règles peuvent être variées, cela va de «définir à quelle hauteur l’avatar saute quand le joueur appuie sur un bouton», à «déterminer que la plante carnivore sort des tuyaux toutes les 5 secondes dans les jeux Mario».

 [ TUTO express ] Plante Piranha (Carnivore) - Mario Bros.: https://t.co/JFeQZ1JKKo via @YouTube
— Bildosake (@bildosake) 26 août 2016

Dinga Bakaba le dit lui aussi, «nous ne pouvons pas tout anticiper, mais nous essayons de créer des règles et un monde cohérent pour que le joueur expérimente et découvre la solution par lui-même. Ça nous arrive parfois d’être surpris dans les phases de tests!». Après, tous les jeux ne sont pas des bacs à sable où le joueur peut faire ce qu’il veut.

 Minetest est un clone libre de Minecraft, un jeu dit « bac à sable ». Imaginez un monde fait de cubes : terre,... https://t.co/9pKy7WnVS6 — belline (@Belline) 2 septembre 2016 


L’important, s’amuser

«Tout dépend de l’objectif du concepteur du jeux, détaille Loïc Caroux. Dans certains cas, on voudrait que le joueur fasse telle ou telle action, dans d’autres on fixe un but à atteindre mais on laisse différentes façons de faire.» Dans un jeu d’infiltration par exemple, le joueur doit éviter de se faire repérer. C’est l’objectif, mais la manière dont il l’atteindra est laissée à son libre arbitre dans le cadre des règles fixées par les concepteurs. A l’inverse, dans un niveau plus dirigiste, le joueur sera obligé d’agir comme le designer l’a prévu.

Tous sont d’accord sur un point: le créateur d’un jeu ne peut pas tout anticiper. Ce qui compte au final, souligne le chercheur en ergonomie cognitive, c’est que «le joueur ait une belle expérience de jeu. Ce n’est pas grave s’il met du temps à trouver une bonne solution», du moment que ce n’est pas trop long et qu’il ne se lasse pas. Eh oui!, dans le jeu comme à l’extérieur, un gamer reste imprévisible.

>>>Retrouvez l'intégralité de notre dossier "Les secrets du jeu vidéo", réalisé dans le cadre de la sortie de Dishonored 2, le 11 novembre, sur PC, PS4 et Xbox One.