Eric Ospital: «Un cochon c’est comme un être humain, il doit manger de bonnes choses»

Marion Buiatti
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Eric Ospital est un aficonados du cochon.
Eric Ospital est un aficonados du cochon. — credit magazine

INTERVIEW - L’artisan charcutier Eric Ospital est un spécialiste du porc dont les produits sont sollicités par les plus grands restaurants et chefs français. Co-auteur de Tout est Bon Dans Le Cochon (éd. First), il met son expertise au service de nos interrogations.

Pourquoi le cochon est-il si présent dans notre alimentation?


C’est un met populaire. L’animal a longtemps été présent dans toutes les fermes de France. Son élevage n’est pas très onéreux, et la quantité de viande produite est assez importante. On peut tout utiliser dans le cochon. On peut en faire de la saucisse, du pâté,  en faire des réserves pour l’hiver, et l’été le consommer en jambon sec. Il fait partie de la culture française.

Comment doit-être nourrit l’animal afin que sa viande soit optimale à la consommation et peu gras?

Simplement. Des céréales françaises. Un cochon c’est comme un être humain, il doit manger de bonnes choses et avoir une alimentation équilibrée. Il faut le laisser fouiner, notamment s’il est élevé aux alentours d’un bois. C’est un animal qui a besoin de faire du sport et d’être heureux. Il aura toujours du gras, s’il n’y en pas la viande n’a pas de goût! Elle chargée de PH, donc d’acidité, le gras est indispensable sinon ce serait immangeable.

Doit-on faire confiance aux industriels qui préparent le porc?

Je respecte leur travail. Il faut bien qu’il y en ait pour nourrir la population mondiale qui ne cesse de grossir. Ce sont des créateurs d’emplois et des vecteurs puissants de richesses pour les régions. Aujourd’hui, ils sont à peu près sérieux, notamment à cause des scandales sanitaires réguliers. Mais ce que je trouve inadmissible, c’est que pour ne pas perdre une bête, certains la piquent aux antibiotiques! Après on s’étonne que les hommes ne réagissent plus aux médicaments. Leur corps est habitué parce qu’ils mangent le cochon qui a été traité. C’est de la saloperie, et on va très bientôt en entendre parler, ça va éclater car ça concerne aussi les vaches.

Alors comment bien choisir son jambon en grande distribution?

Il ne faut pas faire confiance aux labels apposés. Quand j’entends des gens dire qu’ils font attention à leur santé parce qu’ils achètent du Label Rouge ça me fait péter les plombs! C’est de la merde marketing créée pour relancer la consommation et vendre plus cher. Lorsque mon père, Louis Ospital, a fondé le label Ibaiona en 1985, il y avait trente charcutiers qui souhaitaient adhérer. A la lecture du cahier des charges, vingt-sept se sont rétractés! Aujourd’hui, nous sommes seulement trois à pouvoir l’élaborer car c’est beaucoup de travail et de contraintes pour faire un produit de qualité à l’affinage naturel.

Avez-vous d’autres recommandations?

Choisissez des barquettes qui comportent la mention «jambon blanc cuit supérieur». Pour avoir le droit de mettre le mot «supérieur» il y a des règles de fabrication. Vous êtes sûr qu’il n’y a pas de poly phosphates à l’intérieur. Cette poudre d’origine organique permet de fixer l’humidité sur la viande… Elle devient plus lourde et au final on vous vend de l’eau! En revanche, même si vous prenez du supérieur, vous n’êtes pas assuré de la provenance et de l’origine de la viande. C’est encore un autre problème.

Au final, il vaudrait mieux acheter sa viande chez un artisan comme vous… Mais les consommateurs sont-ils prêt à payer plus cher pour une meilleure qualité dans l’assiette?

Qui a dit qu’il fallait manger de la viande tous les jours? Je suis fils de boucher et ce n’était pas le cas à la maison. Il y a vingt ans, est-ce tout le monde avait un téléphone portable et l’abonnement téléphonique qui va avec, les quarante chaînes Canal Satellite, un écran plat et deux voitures en moyenne par habitation? Le budget pour l’alimentation s’est réduit parce qu’on s’est créé d’autres besoins. Je ne crois pas me tromper en disant que coût de la vie n’est pas passé du simple au triple. Alors certes, parfois je dois augmenter un peu le prix de mes produits, notamment à cause de celui des transports, mais je ne suis pas là pour m’enrichir sur la tête des autres. C’est un peu hypocrite de dire «si on veut bien se nourrir ça coûte cher»!

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Propos recueillis par Petunia James