Huile de palme, un scandale qui n’a pas lieu d’être?
DÉBAT – La proposition d’une «taxe Nutella» en novembre 2012 avait lancé la polémique autour de l’huile de palme. Pointée du doigt comme un véritable danger, qu’en est-il vraiment de ses incidences sur notre santé?
«Il y a zéro poison dans l’huile de palme», annonce d’emblée Philippe Legrand, professeur de biochimie et de nutrition humaine à l’école d’agronomie de Rennes et expert à l’Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail (Anses). Issue d’un fruit comme l’huile de l’olive, elle est extraite par pression à chaud de la pulpe des fruits du palmier à huile.
«Quand on regarde sa composition, elle contient autant d’acide palmitique que d’autres huiles ou beurres», décrypte le professeur. L’huile de palme comporte cependant un taux important d’acides gras saturés: « Cela ne la rend pas très intéressante, mais il y a une grande nuance entre dire qu’elle est toxique et qu’elle est calorique».
L’huile de palme a même un avantage à en croire certains. «Elle a remplacé les matières grasses hydrogénées qui étaient très nocives pour la santé», rappelle Jean-Michel Lecerf, nutritionniste à l’Institut Pasteur de Lille. Et les acides gras sont parfois plus élevés dans d’autres huiles, comme celle de coprah: «Ce n’est pas idéal mais aucune huile ne l’est.»
Une question de proportion
Biscuits, gâteaux apéritifs, pâte à tartiner ou encore plats préparés, l’huile de palme est dans de nombreux produits alimentaires. «Elle donne une certaine texture nécessaire à ces produits industriels», explique Philippe Legrand. Nous n’en mangeons pourtant pas autant que nous le pensons d’après le nutritionniste Jean-Michel Lecerf: «Il s’agit d’une quantité entre 5 et 10 grammes par jour.» Cette consommation moyenne reste, selon ce médecin, assez faible.
La consommation excessive d’huile de palme est cependant mauvaise pour notre santé. «Ce n’est pas souhaitable d’avoir trop d’acides gras, il y a un facteur mineur de risques cardio-vasculaire et une grande quantité peut faire augmenter le bon et le mauvais cholestérol», ajoute Jean-Michel Lecerf. Comme d’autres aliments ou boissons, l’huile de palme est donc à consommer avec modération.
Un problème d’étiquetage
Pour l’expert de l’Anses, il s’agit aussi d’une question de proportion: «il faut essayer de ne pas trop en manger mais le problème, c’est qu’elle est souvent cachée. Il y a des progrès à faire sur l’étiquetage.» Adrien Gontier, doctorant en géochimie, a vécu un an sans huile de palme et déplore également ce manque d’informations: «Nous en mangeons sans le savoir, elle n’est pas toujours mentionnée.»
Par exemple, la mention «huile végétale» sur certains produits signifie qu’ils contiennent de l’huile de palme. «On nous survend ces produits. Le Nutella n’est pas composé que de noisettes et de lait», complète Adrien Gontier. Avant d’ajouter: «Les produits alimentaires ne sont jamais un poison, mais ça peut le devenir quand on additionne tout ce qu’on mange.»
Colette Dupuis