Kayane : « Il faut plus d'équipes mixtes dans le jeu vidéo »

ESPORT La spécialiste du jeu de combat  donne sans langue de bois son avis sur le sexisme dans le jeu vidéo et sur l'évolution de la place de la femme, en studio, à l'écran, ou à la mannette

A. H.
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Joueuse professionnelle, animatrice TV, streameuse, Kayane est l'une des figures de proue du jeu vidéo en France.
Joueuse professionnelle, animatrice TV, streameuse, Kayane est l'une des figures de proue du jeu vidéo en France. — Chloé Ramdani

Quelle longévité ! Vingt ans après ses premières compétitions, Kayane, 31 ans, est aujourd’hui une référence incontournable dans le monde du jeu vidéo. Streameuse, animatrice sur Game One, mais surtout joueuse professionnelle, celle qui détient un Guinness Book Record (42 podiums dans des tournois mixtes de jeux de combats) a gravi les échelons à force d’entraînement et de passion. Animatrice d’un tournoi à l’ Occitanie Esports Montpellier 2021 les 9 et 10 octobre, la championne reste engagée dès lors qu’il s’agit de défendre la place des femmes dans l’univers vidéoludique.

Bonjour Kayane, vous participez à cette quatrième édition de l’Occitanie Esports Montpellier 2021. Quel sera le temps fort de votre présence ?

Je reviens pour animer les phases finales du tournoi Guilty Gear Strive. Les qualifications auront lieu sur ma chaîne Twitch, ce 26 septembre, dans le cadre de la Kayane Cup, un tournoi online que j’ai crée pendant le Covid-19. Les quatre premiers qualifiés participeront à Montpellier aux demi-finales ainsi qu’à la finale. L’Occitanie Esports 2021 sera le premier évènement esport en physique depuis un moment, donc j’espère que les joueurs seront présents en nombre !

Avec Soul Calibur, Dead or Alive… vous êtes devenue une spécialiste reconnue du jeu de combat. Comment vous êtes-vous imposée ?

J’ai commencé à jouer enfant, avec mes deux grands frères et leurs amis. Comme je me débrouillais, ils m’ont encouragée à aller vers la compétition. J’ai débuté la compétition à neuf ans puis j’ai progressé en gagnant. Plus tard, sur les conventions de jeu vidéo, les joueurs qui m'affrontaient ne me prenaient pas au sérieux, jusqu’à ce que je les batte ! Mais je m’entraînais, je voulais montrer que j’avais ma place. Malgré ma carrière, j’ai poursuivi des études de commerce (avec un mémoire sur l'esport, Ndlr) pour travailler dans l’industrie du jeu vidéo. Certains jeunes veulent tout sacrifier pour le esport, mais il y a peu d’élus donc il ne faut pas lâcher les études.

En vingt ans de carrière, avez-vous évoluer la place de la femme à travers les personnages de jeux vidéo, par exemple ?

Oui, avant, les développeurs estimaient que des personnages féminins ne seraient pas vendeurs mais le nombre de joueuses a évolué donc ils ont développé cela. Square Enix, a développé l’histoire de Lara Croft, mais on peut aussi citer Life is Strange, qui a deux femmes comme protagonistes principales. Ou même Horizon Zero Dawn, avec Aloy, qui n’est pas du tout une héroïne bimbo (rires). C’est super qu’un gros éditeur comme Sony ait fait ce choix car aujourd’hui, ce jeu est devenu une référence.

D’après le baromètre du jeu vidéo 2020, 53 % des esportifs sont des femmes, mais elles ne sont que 6% en compétition…

C’est sans doute dû à la peur de voir son niveau, son physique ou sa légitimité jugés. Certaines filles se voient dire que d’autres méritent davantage leur place : elles le prennent à coeur et ressentent un syndrome de l’imposteur. J’essaye de les rassurer, quand je discute avec certaines qui travaillent dans le jeu vidéo et qui sont hyper compétentes, mais ce n’est pas évident à encaisser.

Sur Twitch, des streameuses ont témoigné du harcèlement ou du sexisme. La plateforme fait-elle assez pour contrer ce problème ?

Non, Twitch n’est pas une plateforme « safe » : il y a très peu d’outils de modération et il y a régulièrement des « Twitch blackouts », pendant lesquels des streamers stoppent les diffusions pour protester contre le harcèlement. Malheureusement, la plateforme ne se bouge pas…

Dans les ligues d’esport, de plus en plus d’équipes 100% féminines voient le jour. Qu’en pensez-vous ?

Beaucoup de garçons ne veulent pas de joueuses car ils estiment qu’une fille suscitera des problèmes sentimentaux en équipe mixte. Sauf que les filles souhaitent juste jouer (rires). Il y a 20 ans déjà, je constatais ce rejet avec Counter Strike donc je comprends la démarche de ces joueuses de se regrouper entre filles : elles n’ont juste pas le choix ! Selon moi, il faudrait encore davantage d’équipes mixtes pour donner le bon exemple.