Jeu vidéo ou plateforme de spéculation, l'énigme CryptoKitties
Blockchain Une plateforme mêlant jeu et spéculation sur des crypto-chats connait un fort succès...
Il présente tous les inconvénients du chat. Il coûte cher, il est très indépendant, et pas particulièrement câlin. En prime, il est virtuel. CryptoKitties est un jeu de collection de félins digitaux fonctionnant sur la blockchain Ethereum. Lancé le 28 novembre dernier, il a rapidement connu un succès exponentiel avec plus de 150.000 utilisateurs en deux semaines d’existence.
En fonction de la rareté de leurs caractéristiques (taches, rayures, ailes de dragon…), les chats numériques, achetés et vendus par le biais de la crypto-monnaie ether, ont une valeur plus ou moins importante. Certaines transactions ont même dépassé les 100.000$. A la fois jeu et plateforme de spéculation, les CryptoKitties ont plus d’une vibrisse à leur moustache, au point de ne plus trop savoir ce qu’ils sont au juste.
C'est quoi les cryptokitties?
— Ghis (@___Chase___) 15 décembre 2017
De mon côté, mon père m'a demandé si je connais Crypto Kitties....
Je préfère pas savoir ce que c'est
— •`ᴥ´• (@LoupEnNeige) 16 décembre 2017
Comme tout ce qui se fait sur la blockchain, CryptoKitties n’est pas aussi simple qu’il n’y parait. Déjà, parce qu’il fonctionne sur blockchain. Afin de ne perdre personne en route, petite session de rattrapage. La blockchain, ou chaîne de blocs en français, est une base de données collaborative, car possédée par tous ses utilisateurs. Par exemple, chaque utilisateur de CryptoKitties possède sur son compte l’historique de toutes les transactions réalisées dans le jeu. Si vous voulez savoir pourquoi c’est révolutionnaire, notre collègue a relevé le défi d’expliquer la blockchain ici.
Certes ludique, mais pas un jeu
Mais revenons plutôt à nos chats. Maxime Hagenbourger, lead développeur de l’entreprise de conseil Blockchain partner, résume en quelques mots le principe. «Les CryptoKitties, ce sont des tokens, c’est-à-dire des unités de valeurs numériques, non interchangeables, [dans le jargon on dit "non fongibles"] et non divisibles. On peut y introduire des données qui les différencient les uns des autres.» C’est justement par cet aspect que les CryptoKitties se distinguent d’un autre token: si un bitcoin en vaut un autre, ce ne sera pas le cas d’un de nos chats virtuels, qui se distinguera par des caractéristiques particulières et un propriétaire spécifique.
eyes?? Have you seen them? pic.twitter.com/NvcrMZFoNW
— CryptoKitties (@CryptoKitties) 20 décembre 2017
Autre différence, son côté accessible. «CryptoKitties, c’est une manière divertissante de faire connaître la blockchain à plus de gens», souligne Maxime Hagenbourger. Il prévoit d’autres utilisations possibles dans des domaines aussi variés que la logistique ou la finance, voire d'appliquer le fonctionnement de collection des CryptoKitties à la licence Pokémon.
Pourtant, pour Lévan Sardjevéladzé, président du Syndicat national du jeu vidéo (SNJV), CryptoKitties n’est pas un jeu. «Il y a un côté ludique, un système de génétique comme on a pu le voir dans Creatures [jeu dont le premier opus sorti en 1996 s’articulait autour de l’évolution de petits êtres dont le joueur devait prendre soin] par exemple. Les graphismes sont mignons aussi. Il y a plusieurs marqueurs du jeu vidéo. Mais quand je vois ce qui pousse les gens à agir dans CryptoKitties, il me semble qu’une grande partie du "jeu" repose sur la spéculation. Il y a une limite très claire entre les deux.»
Après les cryptokitties place aux Etheremons ! J'ai déjà mon Chulember ! :D https://t.co/5dEa15YZO7! #ethereum #game $crypto #bitcoin — CoinPatrol (@CoinPatrolFr) 20 décembre 2017
De la spéculation pas toujours rentable
C’est sans doute pourquoi Stéphane Etjemesian a été déçu par son expérience du jeu. «J’en ai entendu parler lorsque les transactions ont congestionné la blockchain», se rappelle ce programmeur de formation. Et pour cause, lancé le 28 novembre, le jeu occupait environ 25% du trafic d’Ethereum pas plus tard que le 5 décembre. «J’avais un peu d’ether, donc j’ai pris deux chats pour 15€ et je les ai fait se croiser. Personne n’a acheté leur progéniture, je ne me suis plus reconnecté. Tu t’ennuies vite, il ne se passe pas grand-chose d’interactif», commente-t-il.
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L’intérêt serait donc purement économique? Après tout, le site CryptoKitties enregistrait plus de 5 milliards de dollars de transaction après sept jours d’existence, et plus de
15 milliards au bout de deux semaines. Une fois encore, Stéphane Etjemesian joue les empêcheurs de spéculer en rond. Pour vraiment se faire de l’argent sur CryptoKitties, «il faut fabriquer un robot qui scanne sur la blockchain tous les attributs les plus rares, acheter deux chats qui ont ces caractéristiques et les faire s’accoupler». Autant dire qu’il faut tout de même y consacrer du temps. Ni jeu, ni plateforme de spéculation, en fin de compte, CryptoKitties sert surtout à incarner la blockchain sous une forme (un tout petit peu) plus facile d’accès.