Trois questions que pose le rapport du Sénat sur l’économie collaborative

Analyse Taxer les revenus de l’économie collaborative est moins simple qu’il n’y parait…

Benjamin Benoit
Le rapport pose notamment la question de l'identification des contribuables sur les plateformes collaboratives.
Le rapport pose notamment la question de l'identification des contribuables sur les plateformes collaboratives. — 20 minutes - Magazine

Instaurer une franchise de 5.000€ pour les revenus liés à l’économie collaborative. C’est la principale conclusion d’un rapport du Sénat dévoilé le 17 septembre. Les sénateurs proposent aussi que les plateformes transmettent les revenus des utilisateurs à un «Central», une autorité chargée de vérifier si chaque contribuable dépasse ou non la franchise et doit payer un impôt. 20 Minutes se penche sur les réactions et les conséquences possibles de ce rapport.

> 1- Les plateformes collaboratives sont-elles prêtes à jouer le jeu ?

Pour Marion Carette, fondatrice de Zilok et de Oui Car, «les utilisateurs nous demandent tous les jours ce qu’ils doivent faire au niveau de leur déclaration de revenus. A partir du moment où l’on simplifie les règles, c’est toujours mieux.» Mais selon elle, laisser aux plateformes le choix de participer ou non au système est une mauvaise idée: «Il y aura sûrement des sites qui ne voudront pas y adhérer. Il ne faudrait pas que cela oriente les gens vers les mauvais élèves qui ne participent pas.»

Du côté d’Airbnb, on se montre prudent. Pour Nicolas Ferrary, le directeur France, «à ce stade, on ne peut pas encore s’engager formellement car on ne connait pas les implications concrètes du projet, même si de manière générale, on est d’accord pour participer à ces dispositifs fiscaux. On le prouve avec la taxe de séjour qu’on collecte à la source à Paris.»

Le rapport prévoit de toute manière la possibilité d’obliger les plateformes à transmettre leurs données.

> 2-Une franchise de 5.000€, n’est-ce pas un cadeau fiscal fait aux acteurs de l’économie collaborative ?

Selon Michel Leclerc, avocat spécialisé dans l’économie collaborative, «la franchise respecte les codes de l’économie collaborative. La plupart du temps, les gens gagnent très peu d’argent et sont bien loin d’être des professionnels.» Une analyse partagée par Paulin Dementhon, fondateur de Drivy: «Le revenu médian d’un propriétaire de voiture inscrit chez nous est de 280€ par an. En général cela sert à payer l’assurance et les réparations.»

Même les organisations professionnelles ne sont pas choquées par ce seuil. Pour Didier Chenet, le président du Groupement national des Indépendants qui représente 26.000 établissements (hôtels, restaurants, cafés), «en-dessous de cette franchise, on est vraiment dans l’occasionnel. Tant qu’il y a un minimum de règles, ça ne me pose pas de problème.»

> 3-Un rapport c’est bien, mais comment le mettre en pratique ?

L’une des questions du rapport qui reste à éclaircir, c’est celui de l’identification des utilisateurs. Il est en effet possible de s’inscrire sur les plateformes avec plusieurs identités, ce qui pourrait compliquer la tâche du fisc au moment de la collecte de données. Pour Marion Carette, «ce n’est pas à nous de faire le boulot de l’administration. Je ne suis pas prête à modifier la manière dont on s’inscrit sur le site. Si on demande plus d’informations, on perdra des utilisateurs.»

Autre souci, les plateformes comme Zilok ou Le Bon Coin, où le paiement ne se fait pas en ligne mais en liquide. Difficile alors de quantifier les revenus des internautes. Pour Thierry Carcenac, l'un des auteurs du rapport, «il faudrait qu’à terme, tous les paiements se fassent via les plateformes. Les transactions seraient plus facilement repérables».

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