Le monde de l’assurance fait sa «révolution» collaborative
assurance Les compagnies d’assurance se lancent doucement dans des offres collaboratives. Mais en France comme à l’étranger, ce modèle n’en est qu’à ses débuts...
Nous avons tous vécu cette sensation de payer une assurance «pour rien». Des centaines d’euros dépensés alors qu’on n’a souffert aucun sinistre dans l'année. L’assurance collaborative tente d'apporter une solution à cette frustration... Et les offres émergent petit à petit dans le monde.
Début mai, la filiale Altima de la Maif, dont 20 Minutes est partenaire, a lancé une offre d’assurance collaborative dédiée aux conducteurs de voitures électriques. Ce n’est pas le premier grand groupe français à tester l’aventure. En 2009, Generali avait été à l'initiative de la plateforme kontsurnous.fr, dont le principe était d’assurer à prix avantageux une «tribu» de deux à quinze personnes. Mais Generali n’avait pas trouvé son public et avait vite fermé son site.
Quelques années plus tard, le marché de l’assurance collaborative est encore timide, avec une quarantaine de projets dans le monde, «plus ou moins aboutis», précise Raphael Berger, cofondateur d’Otherwise, start-up pionnière sur ce type d’offre en France. En Allemagne, Friendsurance a été l’une des premières à se lancer, un an après l’échec de Generali en France.
Aujourd’hui, si la jeune pousse allemande ne souhaite pas dévoiler son nombre de clients, elle assure que «c’est un nombre à six chiffres». Elle compte aujourd’hui 80 employés et a levé 15,1 millions de dollars en mars 2016, selon le Financial Times. Friendsurance a même développé une licence australienne l’année dernière. De quoi s’interroger sur l’avenir de ce phénomène et l’intérêt des offres collaboratives.
La solidarité peut rapporter
«Il est vraiment difficile de donner une définition claire de l’assurance collaborative», poursuit Raphael Berger. Elle s’appuie en revanche sur un principe fondateur, quel que soit le type de produit proposé (auto, santé, protection juridique, produits nomades…): «On réunit des assurés dans un groupe, selon certains points communs. Les membres de ce groupe sont solidaires, et s’ils sont peu ou pas sinistrés à la fin de l’année, ils récupèrent une partie de leur cotisation», détaille Raphael Berger.
L’avantage de ce type d’assurance est donc surtout financier, à condition de faire partie d’un groupe peu accidentogène. Pour les assureurs et les courtiers du secteur, l’objectif affiché est d’être plus transparent vis-à-vis de leurs clients. «On s’adresse aux adeptes de l’économie collaborative et plus largement aux déçus du fonctionnement classique de l’assurance, qui voient chaque année augmenter leur cotisation et ne comprennent pas pourquoi. Là, on leur propose une contrepartie équitable», explique Cécile Mérine, cofondatrice de l’assureur français Otherwise.
Des modèles étrangers prometteurs
La start-up allemande Friendsurance est encore seule sur ce créneau, sept ans après sa création. Elle s’appuie sur des groupes que les assurés forment eux-même pour «plus de confiance» et qui s’engagent à s’épauler financièrement en cas de petit sinistre, grâce à une fraction de la prime versée dans un pot commun. Si le coût du sinistre dépasse les moyens de la communauté, l’assureur prend le relais au-delà de ce seuil. A la fin de l’année, dans le cas où la communauté n'a pas déclaré de sinistre ou en a eu peu, ses membres récupèrent une partie de leur argent, jusqu'à 50% des primes versées.
«Depuis le début, 80% de nos clients ont reçu un cash-back, (cette fameuse prime de fin d’année), s’élevant en moyenne à 30% de la cotisation», explique l’assureur. D’autres pays se mettent progressivement à l’assurance collaborative, comme les Etats-Unis, en pole position dans le domaine des technologies de l’assurance. La jeune pousse Lemonade a levé plus de 60 millions de dollars depuis sa création, fin 2016. Elle se place sur le secteur de la location d’appartement et sa particularité réside dans la redistribution de la prime d’assurance.
«Avec Lemonade, une partie revient aux membres de la communauté et une autre est reversée à des œuvres caritatives choisies par le groupe d’assurés», explique Jean-Claude Sudre, professionnel de l’assurance et auteur du blog Assurance du futur. La Nouvelle-Zélande s’est également mise à la page avec PeerCover, le Royaume-Uni avec Bought By Many, la Chine avec TongJuBao…
@daschreiber best of this afternoon's #WIREDMoney bringing end-to-end insurance claims & payout down to 3mins w/ @Lemonade_Inc #InsurTech pic.twitter.com/yu9dJ7kC3o
— James Birch (@jamesbirch240) 18 mai 2017
Si Jean-Claude Sudre est persuadé que ce type d’offre va décoller dans les années à venir, l'assurance collaborative ne représente pour l’instant qu’une infime part du marché mondial de l’assurance. Selon l’étude du cabine PwC, publié l’année dernière, les compagnies d’assurance ne semblent pas encore prêtes à investir massivement dans l’innovation.
Si 43% des acteurs du secteur affirment intégrer les assureTech au cœur de leurs stratégies, seuls 28% ont mis en place des partenariats avec ces nouveaux acteurs et moins de 14% d’entre eux ont participé à des levées de fonds ou à des incubateurs. «Sachant que l’assurance collaborative ne représente qu’une petite part de l’assureTech, il reste du chemin à parcourir», abonde Jean-Claude Sudre.
Un retour aux sources de l’assurance
Pourtant, le spécialiste persiste à croire que l’assurance collaborative se généralisera, grâce aux valeurs qu’elle véhicule. «C’est une transposition digitale du modèle originel de l’assurance. Au début, les gens se rassemblaient et étaient solidaires les uns des autres en cas de sinistre. Cela s’est perdu dans notre société de consommation où les rapports humains s’anonymisent.»
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Certaines assurances collaboratives, plus chères que l’assurance classique, suscitent cependant le scepticisme des consommateurs. Ces offres seront-elles réservées aux plus aisés? Peut-être au début, mais pas à l’avenir, d’après Jean-Claude Sudre. «Le prix est lié à la communauté dont les membres se répartissent la prime de risques. S’il y a peu de personnes dans la communauté, c’est logique que ce soit plus cher», explique Jean-Claude Sudre.
L’assurance collaborative n’en étant qu’à ses débuts, elle touche peu de monde. «A l’avenir, si la communauté s’élargit, ses membres pourront s’allier contre l’assureur pour faire pencher la balance en leur faveur». De quoi révolutionner le monde de l’assurance?