Une plateforme pour donner une seconde jeunesse à nos films cultes

Cinéma Celluloïd Angel permet à tout un chacun d’investir dans la restauration des grands classiques du cinéma français…

Juliette Bonneau
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Sur Celluloid Angels, vous pouvez désormais financer la restauration des Tontons flingueurs.
Sur Celluloid Angels, vous pouvez désormais financer la restauration des Tontons flingueurs. —

«Des films vont disparaître s’ils ne sont pas restaurés dans les standards d’aujourd’hui», prévient Audrey Birrien, directrice de restauration des laboratoires Éclair. «Lorsque l’on voit l’état de certains films datant du début du 20ème siècle, il y a de quoi s’inquiéter. Les négatifs sont en état de décomposition avancée», poursuit cette passionnée, qui milite inlassablement pour la restauration du catalogue du cinéma français.

Pour donner une nouvelle vie numérique à ces œuvres et les restaurer en 4 K (super-haute résolution), le groupe Ymagis et sa filiale Eclair ont créé une plateforme de financement participatif. Mise en ligne le 8 juin, Celluloid Angels a déjà lancé sept campagnes de crowdfunding.

Sur le site, les grands classiques du cinéma comme Les Tontons flingueurs de Georges Lautner ou Le Grand bleu de Luc Besson côtoient des productions plus méconnues à l’image de Je chante de Christian Stengel, sorti en 1938. «L’objectif de Celluloid Angels est aussi de restaurer des films d’art et d’essai ou des films expérimentaux», précise ainsi Audrey Birrien.

7 campagnes ont d'ores et déjà été lancées./Celluloid Angels

Encore une restauration?

Avant de lancer la plateforme, il a d’abord fallu convaincre les sceptiques. «Les gens nous disaient, c’est bizarre, on a restauré ces films il n’y a pas très longtemps et on les voit souvent à la télévision», confie Sébastien Arlaud, directeur général adjoint chez Eclair Inside et instigateur du projet Celluloid Angels.

«J’essaye d’expliquer qu’on est passé du VHS au DVD, du DVD au Blu-ray et maintenant du HD vers l’image 4K», explique-t-il. «Les diffuseurs télé sélectionnent d’abord les programmes compatibles avec la norme du moment. Le risque si on ne restaure pas ces films en 4K c’est qu’à terme ils ne soient plus diffusés.»

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La perspective de ne plus voir Les Tontons Flingeurs, un «crève-cœur» pour Céline Poli, qui a investi 350€ dans la campagne de financement participatif. «C’est un film que j’ai vu au moins vingt fois. On le regardait entre copains. Ça représente une époque de ma vie», raconte-t-elle.

En contrepartie, cette cinéphile sera invitée à une projection privée une fois le film restauré. «Ça permet de créer une communauté autour des fans de ces films», se réjouit-elle.


Avoir son nom au générique de fin

En fonction de la somme investie, Celluloid Angels propose en effet aux généreux contributeurs des «packs de contreparties»: coffret collection, scénario original, visite des laboratoires Eclair et, récompense ultime pour les dons supérieurs à 1000€, son nom au générique de fin du film restauré.

«Je trouve positif de faire entrer les gens dans le monde très fermé du cinéma», confie Céline qui admet avoir été surprise lorsqu’elle a appris que l’ayant droit des Tontons Flingueurs n’était autre que la société Gaumont. «Sur le coup ça m’a fait réfléchir. Je me suis demandé pourquoi les producteurs ou les réalisateurs ne peuvent pas investir?»

«On essaye d’être honnête dans notre démarche», réplique de son côté Sébastien Arlaud. «Gaumont est une des sociétés qui investit le plus dans le catalogue du patrimoine. Ils ont un catalogue gigantesque avec plus de 1.000 films dont 300 ont un besoin urgent d’être restaurés. C’est un coût très important», tient-il à rappeler.

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Faire connaitre les métiers de la restauration cinématographique

Si les collectes rencontrent le succès escompté, les équipes de restauration pourront se mettre au travail d'ci à la fin de l’été. «On va s’assurer que l’on peut manipuler les pellicules, vérifier leur état. Puis nous allons les numériser. Le film partira ensuite en étalonnage pour pouvoir remettre les lumières de l’époque», détaille Audrey Birrien.

Derrière le projet Celluloid Angels, les métiers peu connus de la restauration cinématographique/Agnès Janin

L’opération nécessite habituellement des dizaines de personnes pendant plusieurs mois et un investissement de 60.000 à 100.000€. Une somme conséquente mais nécessaire pour la directrice de restauration: «La 4K permet de décupler la résolution de l’image. Ça donne une image beaucoup plus belle, avec plus de définition. Avec ce format, on peut retranscrire toutes les informations et se rapprocher du rendu original de l’époque», explique-t-elle.

Au-delà de la restauration, l’aventure Celluloïd Angel est aussi l’occasion de mettre en valeur des métiers peu connus. «En fonction de la somme investie, il y aura des visites du laboratoire de restauration et des vidéos sur les coulisses de notre travail», détaille Audrey Birrien. «Le crowdfunding peut nous permettre de faire sortir de l'ombre notre savoir-faire et notre passion.»

En attendant, les équipes d’Eclair espèrent mettre en ligne prochainement d’autres campagnes. «Nous allons travailler sur des publicités télévisées. Et nous espérons pouvoir lancer une campagne pour un film disparu qui a été retrouvé. Si nous y parvenons, ce serait formidable!», conclut, enthousiaste, Sébastien Arlaud. Peut-être le Sherlock Holmes de William Gillette, retrouvé par hasard, en 2014, dans les collections de la Cinémathèque française…