Le hip-hop ou l’expression d’une génération street
FOCUS - A l'occasion du festival « Juste Debout » ce week-end à Bercy, état des lieux de la culture hip hop. De sa naissance dans les années 70 au boom de sa popularité des années 2010, le mouvement a su s’imposer…
18 février 2014, une vidéo fait vibrer la toile. De l’autre côté de l’Atlantique, le charismatique présentateur Jimmy Fallon s’est illustré aux côtés de Will Smith dans un sketch pour son émission, Late Night. Les deux hommes y décortiquent l’évolution de la danse hip-hop en salopettes et Caterpillar, la panoplie des hip-hoppers et des smurfeurs des 90’s, âge d’or du mouvement. L’esthétique nous est familière, et pour cause, elle est désormais partout.
Un art démocratisé
« Je ne pensais pas que, trente ans après, le hip-hop en serait là et continuerait de se développer », confie Sidney, ex présentateur d’H.I.P.H.O.P, première émission internationale sur le sujet diffusée en 1984 sur TF1. « C’est entré dans les mœurs. On le voit dans le street wear, la musique, les spectacles comme Robin des Bois et les publicités », poursuit-il. En témoignent les bébés Evian assurant un b-boying show au son de Rapper Delight et Sugarhill Gang dans une reprise de Dan The Automator en 2009. Puis revenant en 2013 avec une performance axée sur le locking sur le titre Kamoze remixé par Yuksek. Même combat pour promouvoir les dernières teintes de vernis OPI. La marque s’est servie du principe des battle pour interpeller les « nailistas » dans une vidéo.
De leur côté, des artistes comme Jay-Z et Beyoncé, Exhibit ou KRS-One (« la bible du hip-hop aux USA » selon Sidney) ont promu musicalement cette culture. Tout comme Ice-T, qui l’a également mis sur le devant de la scène cinéma et télévisuelle. Alors que le Wu-Tang Clan se chargeait de la dégaine et du style en forçant sur le business du merchandising. En France, on retiendra surtout NTM, dont l’un des fougueux membres, Didier Morville (alias Joey Starr), aura aussi bien exploré la danse que le graffiti et la musique hip-hop.
Partage et introspection
Si certains comme Joey Starr ont le « hip-hop belliqueux » (cf son titre Jour de Sortie), le mouvement ramène avant tout à un esprit de fête et de partage. « Le hip-hop c’est fun, c’est pour s’éclater », explique Sidney. Depuis son émergence dans les ghettos noirs du Bronx à New York à la fin du XXème siècle, où l’on descendait dans la rue pour en faire sa scène, son lieu d’exposition, rien n’a changé. Les codes du hip-hop sont intacts. « C’est d’abord un travail sur soi-même », ajoute l’animateur.
« Il exprime une urgence de vivre, d’être, d’exister. C’est une danse, une musique, un nuage graffiti qui s’est ouvert au grand public mais qui continue d’exprimer une rage de vivre », décrit Mehdi Slimani, danseur et chorégraphe de la Compagnie No MaD. Conformément à sa description plurale du hip-hop, l’artiste explore toutes les possibilités qu’offre son art. Dans son ouvrage Touriste, il raconte au travers d’un texte, à mi chemin entre le roman et la poésie urbaine, comment un hip-hopper partage sa découverte du monde au travers de sa passion.
Une affaire de passionnés
« Il y en a qui sont la pour l’argent, d’autres pour la fame… Mais le mouvement pur est fait par des protagonistes passionnés. C’est ce noyau qui a permis un renouveau du genre et qui a ancré la culture hip-hop dans le paysage actuel », décrypte Bruce Ykanji, danseur et fondateur de Juste Debout. Depuis sa création en 2002, son festival international de danses hip-hop (dont la tournée passe par Paris-Bercy ce dimanche 2 mars) rencontre un immense succès. « On a une cote incroyable. Notamment parce que c’est une pratique pure et instinctive, pas intellectualisée et ouverte à tous : petit, grand, gros, mince, arabe, black… La danse hip-hop fédère un message de paix », raconte l’artiste.
Moteur d’une constante créativité, ce sont belles et bien les racines du hip-hop qui le maintiennent sur le devant de la scène. « Même s’il est intégré, ça reste un art de la rue », affirme Sidney qui anime conférences sur le sujet et battles aux quatre coins de la France. Un avis partagé par Mehdi Slimani : « On a préservé cette envie de transformer l’énergie négative en énergie positive. Cela passe par des réalisations artistiques très techniques et esthétiques. » L’essence même d’une culture so fresh !