Une jeunesse confrontée à la précarité et à la violence

REPORTAGE La violence et la précarité frappent de nombreux jeunes. Reportage dans la Maison d’enfants à caractère social (Mecs) Saint-Jean, dans le Val-d'Oise, où résident une soixantaine de jeunes de l'Aide sociale à l'enfance

W. B.
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Amel et Sébastien ont tous les deux été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et confiés à la Maison d'enfants à caractère sociale Saint-Jean, à Sannois. Un établissement Apprentis d'Auteuil où résident en moyenne une soixantaine de jeunes, âgés entre 13 et 21 ans.
Amel et Sébastien ont tous les deux été pris en charge par l'Aide sociale à l'enfance (ASE) et confiés à la Maison d'enfants à caractère sociale Saint-Jean, à Sannois. Un établissement Apprentis d'Auteuil où résident en moyenne une soixantaine de jeunes, âgés entre 13 et 21 ans. — B. Guigou / 20 Minutes
  • Précarité et violence, deux gros mots ? Plutôt deux réalités en France où un enfant sur cinq vit sous le seuil de pauvreté, d'après l'Unicef.
  • D'après le rapport parlementaire remis en octobre 2020, 700.000 enfants sont victimes de harcèlement scolaire chaque année en France. Une forme de violence parmi d'autres, familiale, institutionnelle et même numérique. En 2021, 20 % des 8-18 ans disent avoir été confrontés à une situation de cyberharcèlement.
  • La Fondation Apprentis d'Auteuil a publié un plaidoyer à l'attention des candidats à l'élection présidentielle : « Prendre le parti des jeunes : 24 solutions pour transformer leur avenir »
  • En parallèle, Apprentis d'Auteuil organise une conférence, dont 20 Minutes est partenaire (voir encadré), le 17 mars à la Maison de la radio, à Paris. Sur le thème : « Génération assistée ou génération oubliée ? »

Amel n’a pas la langue dans sa poche. À 18 ans seulement, la jeune femme est passée par ces galères qui délient la langue et forgent le caractère : « J’avais des problèmes relationnels avec ma mère. Je faisais des bêtises et je fuguais souvent. » Amel finit par être confiée la Maison d’enfants à caractère social (Mecs) Saint-Jean, un établissement de la Fondation Apprentis d’Auteuil, à Sannois, dans le Val-d’Oise. Comme elle, près de 138.000 enfants ou adolescents sont confiés à l’Aide sociale à l’enfance (ASE).

Carences éducatives et violences 

Un public particulièrement exposé à la violence, physique comme psychologique, et à la précarité. Deux points au cœur du plaidoyer «  Prendre le parti des jeunes : 24 solutions pour transformer leur avenir » publié par Apprentis d’Auteuil, à l’attention des candidats à l’élection présidentielle. Dans la Mescs Saint-Jean, Pauline Spinas-Beydon, sa directrice, accueille en moyenne soixante jeunes, âgés de 13 à 21 ans. Avec un point commun : « Ils sont là parce qu’ils ont subi des violences, des carences éducatives de la part de leurs parents ou sont en proie à des maladies psychiques », explique-t-elle.

Parmi ses nouveaux arrivants, la directrice note également un nombre significatif de victimes de violences en ligne : « De plus en plus de jeunes que nous recevons sont touchés par le cyber-harcèlement. Pour les filles, c’est aussi les problématiques de photos intimes diffusées », ajoute-elle.

Devenir adulte... Et précaire? 

Chez les jeunes placés, le fameux cap des dix-huit ans est accueilli avec angoisse. Si la situation évolue positivement sur ce sujet ces dernières années, le couperet de la majorité signifie encore pour une partie d’entre eux la fin des dispositifs de prise en charge par l’ASE et le début d’une grande précarité. En effet, selon un rapport de la fondation Abbé Pierre, plus d’un sans-abri sur quatre est ancien enfant passé par les services de l’ASE. « C’est une pression supplémentaire. Il faut vite trouver une alternance et un contrat de travail. Certains s’en sortent mieux que d’autres. On devrait plus s’adapter à nos besoins », explique Sébastien, 17 ans, en baccalauréat professionnel.

Depuis 2016, Apprentis d’Auteuil soutient les jeunes majeurs de l’ASE grâce à La Touline : « Ce dispositif nous permet de proposer un accompagnement aux sortants. On va continuer à les aider dans leur recherche d’emploi et de logement », déclare Pauline Spinas-Beydon. Mais tous n’ont pas cette chance. Si la majorité ne signe pas la fin de l’accompagnement pour Sébastien et Amel, ce n’est pas le cas pour tous les enfants de l’ASE : « les règles sont différentes d’un département à un autre. À certains endroits, avoir 18 ans signifie être à la porte », détaille Pauline Spinas-Beydon. En 2019, 1,5 million de jeunes de 15 à 29 ans étaient classés comme Neets, soit « ni en emploi, ni en études, ni en formation ».

Rendez-vous le 17 mars

«Le scandale de notre société, c’est de laisser vivre chaque année des millions de ses enfants dans la pauvreté, des centaines de milliers sans formation et sans perspective d’emploi. Il y a urgence d’agir », martèle Apprentis d’Auteuil dans son plaidoyer. Ce recueil de 24 solutions expérimentées avec succès sur le terrain est le fruit d’une concertation réalisée auprès de plus de 5 000 jeunes et de leur famille. Il a vocation à être repris par les candidats à la présidentielle dans leur programme pour redonner aux jeunes générations des perspectives d’avenir.
Et pour interpeller les politiques, la fondation catholique a accompagné ce plaidoyer d’un grand événement gratuit ouvert au public, jeudi 17 mars de 17h30 à 20h à la maison de la radio à Paris. 20 Minutes, partenaire de l’événement, y animera une table ronde intitulée « Génération sacrifiée ou génération assistée ? ». On vous y attend nombreux… (inscription sur prendrelepartidesjeunes.fr)