Amour, argent et panne de plume au programme du «Pacte», notre feuilleton
SERIE Retrouvez les épisodes de la semaine du feuilleton littéraire Le Pacte, à lire dans chaque numéro de «20 Minutes»...
Dans chaque exemplaire de 20 Minutes, vous retrouvez désormais un feuilleton écrit par la team Rocambole. Rocambole, c’est l’app (Android, iOS) sur laquelle vous êtes déjà plus de 60.000 à aimer lire tous les jours ! Elle propose des histoires 100 % exclusives, en épisodes de 5 minutes, sur votre smartphone.
Dans « Le Pacte », écrit par Emily Chain et Anaël Verdier, quatre amis se font la promesse de tout faire pour réaliser leur rêve. Si vous avez raté le début, rendez-vous sur notre site ou téléchargez l’app Rocambole ! Voici les épisodes de la semaine du 28 juin pour celles et ceux qui les ont ratés…
Épisode 9 – La vérité blesse.
– M’sieur, vous pouvez nous montrer un exemple ?
– Oh oui !
Assane fixe ses élèves sans répondre. Une heure qu’il tente de les aider à écrire la suite d’une histoire. Il leur a parlé forme, fond et vocabulaire à choisir sans réussir à les intéresser. Puis Malik a proposé au reste de la classe qu’il s’y colle à son tour. Depuis ils l’observent, attendant un miracle qui n’arrive pas. Le souci c’est qu’hier soir Assane a essayé d’écrire la suite de « Lorenzaccio », mais rien n’est venu, si ce n’est une pâle copie de l’original.
– Ce n’est pas à moi de faire votre travail, souffle-t-il.
– Vous êtes comme M. Larouille !
– Pardon ?
– Oui, c’est vrai ! Il dit « courez hop hop » mais il fait rien.
Ils font référence à leur professeur d’EPS, pas réputé pour mouiller le t-shirt. Assane est mal à l’aise devant le tribunal improvisé par ses élèves.
– Ça s’trouve, vous savez même pas écrire !
Incapable de savoir qui a dit cela à cause des masques, Assane fixe une partie de ses élèves avec fermeté.
– Ce n’est pas à vous de décider. Vous écrivez. Sinon demain j’écrirai de jolies notes sur vos carnets de correspondance. On verra si vous aimez toujours me voir écrire !
L’autorité ne colle pas à la peau d’Assane mais il n’a pas le choix. Déjà que le reste de sa vie part en sucette, hors de question de se faire traiter d’incapable par sa bande de mille-pattes.
Déprimé, il s’imagine dans sa librairie préférée et se souvient que Louise l’y attend. Pour parler d’un roman qui n’existe pas.
Épisode 10 – La bourse ou la plume ?
– Monsieur l’Auteur, taquine Louise, va faire une lecture publique.
– Wahou ! le félicite Samia.
Gêné, Assane esquisse une moue timide :
– C’est pas grand-chose, tempère-t-il.
– Tu rigoles, c’est énorme ! Ce sera chez Elias ? demande l’architecte.
Assane hoche la tête en avalant une gorgée de soda.
– Par contre, ça sera en journée, à cause du couvre-feu. J’espère qu’il y aura quand même un peu de monde.
Louise picore ses frites, une lueur soudaine dans le regard.
– T’as pensé à ce que t’allais leur vendre ? demande-t-elle. Un public captif comme ça…
Assane lève les yeux au ciel :
– Et c’est reparti…
– Quoi ? s’étonne Louise.
– Il a raison, t’es reloue, remarque Samia. T’es toujours à penser au fric.
– Excusez-moi de voir les opportunités où elles se présentent. Il ne me semblait pas que ton salaire de prof t’offrait de réjouissantes perspectives d’avenir.
Assane repousse son assiette dans un geste mélodramatique.
– C’est bon, tu m’as coupé l’appétit.
Louise n’en revient pas :
– T’es sérieux, là ?
– Arrête, Louise, intervient Samia. Tu sais que l’écriture d’Assane s’inscrit dans une recherche artistique.
– Et ?
– Laisse tomber Samia, elle ne peut pas comprendre.
– Si vas-y, explique-moi. Je suis super curieuse de savoir comment tu vois les choses.
Assane soutient son regard sans desserrer la mâchoire. Louise sent venir le vieux discours sur l’argent qui salit l’art, le fantasme de l’artiste pur, détaché des contingences matérielles, mais Assane finit par se lever :
– Ce n’est pas la peine, conclut-il écœuré.
Épisode 11 – Le feu d’artifice de l’amour
Allongés sur le lit, nus après l’amour, Samia et David entremêlent leurs doigts dans un rayon de soleil.
– Qu’est-ce qu’ils ont tous, là, avec leur question : “T’es enceinte ?”, s’agace Samia. D’abord ta grand-mère, maintenant ma mère. On n’est plus dans les années 50, merde ! Si on ne se réapproprie pas des institutions comme le mariage, ça dit quoi de nous comme société ? Notre mariage c’est une célébration, un cri qu’on élève pour dire : “L’amour, c’est un feu d’artifice !”. Rien à foutre des papillons dans le ventre, nous ce qu’on veut c’est des déflagrations de dynamite dans les mines de nos souvenirs et de nos sentiments ! Que tout s’écroule de nos histoires d’avant, parce qu’on s’est trouvés dans notre envie de faire un gros fuck à la vie en pavillon. Ça va même plus loin que ça. C’est un manifeste. Un dogme au sens noble, celui d’une exigence : que le paysage de nos vies soit ponctué de monuments, à l’image de ceux dont je rêve d’émailler l’espace urbain. Non, je ne suis pas enceinte. Non, je ne me marie pas pour payer moins d’impôts. Ni à cause du pacte. Je le fais pour une rencontre. De celles qui font trembler les fondations de ton identité. Quand je dirai “oui” devant le maire, vous entendrez : “Oui, je suis cette femme qui choisit de s’inscrire dans la vie avec audace. Oui, je crois à une existence marquée par de Grands Gestes symboliques !”
Transporté par ce monologue, David embrasse Samia avec passion : “Qu’est-ce que je t’aime, toi !”, s’exclame-t-il.