« Trop longtemps, on a amené dans les quartiers populaires des équipements de seconde zone », estime Grégory Doucet
INTERVIEW Le maire EELV de Lyon Grégory Doucet s’est entretenu avec la rédaction de « 20 Minutes » afin d’évoquer son action dans les quartiers populaires
- Alors que la mairie de Lyon doit dévoiler ce vendredi le dernier volet de l’îlot Kennedy – projet urbanistique dans le 8e arrondissement –, Grégory Doucet s’est entretenu avec 20 Minutes.
- Le maire de Lyon revient sur son action dans les quartiers populaires.
- « Dans les quartiers populaires, on doit faire l’effort d’amener les meilleurs équipements possibles. Les gens le méritent », estime l’élu écologiste.
Ce vendredi matin, la mairie de Lyon doit dévoiler le dernier volet du projet de l’Ilot Kennedy (8e arrondissement), à savoir la présentation du futur complexe sportif qui regroupera un gymnase, un dojo, un mur d’escalade, une aire cyclable et une piscine municipale. A cette occasion, le maire EELV de Lyon Grégory Doucet s’est entretenu avec la rédaction de 20 Minutes afin d’évoquer plus largement son action dans les quartiers populaires.
L’îlot Kennedy est l’un de vos projets phares en matière d’urbanisme. Il sera réalisé dans le 8e arrondissement, le vôtre. Pourquoi avez-vous choisi ce quartier-là pour y implanter des équipes de services publics ?
Mon ambition est simple : les quartiers populaires méritent le meilleur. L’îlot Kennedy est un de nos projets fondateurs qui inscrit la transition écologique dans un quartier populaire et participe aux engagements de Lyon 2030 visant la neutralité climatique. Ce projet est la plus grosse opération inscrite au PPI (plan pluriannuel d’investissement) puisque 60 millions d’euros sont investis sur l’îlot Kennedy. Il y aura la réalisation des Ateliers de la danse qui est un projet phare, hérité de la précédente mandature et qui devait être initialement au musée Guimet. Finalement, pour des raisons économiques et afin de faciliter le travail avec la Maison de la danse, on a choisi de les remettre sur l’îlot Kennedy avec des studios et salles de création.
Il y aura un nouveau groupe scolaire puisque l’école, la dernière encore construite sur le modèle « Pailleron », doit de toute façon disparaître, n’étant plus aux normes. Et puis, il y aura un complexe sportif.
Cet îlot est emblématique parce qu’il illustre complètement ce que nous voulons faire en matière de transition écologique et de transition solidaire. On est dans un quartier populaire, où il y a un fort besoin d’équipements culturels et sportifs, notamment de piscines. Dans ce secteur, il n’y a que la piscine de Mermoz mais elle ne permet pas l’apprentissage de la nage. L’idée de ce projet est de réaliser des équipements de service publics de très grande qualité. Le message que l’on souhaite envoyer aux quartiers populaires est le suivant : Vous méritez le meilleur, comme tout le monde. Vous faites partie de notre collectif. Ce message, nous l’avons déjà véhiculé à plusieurs reprises, notamment lors des inaugurations du centre social Gisèle-Halimi et de la maison solidaire de l’alimentaire (dans le quartier Mermoz-Santy).
Pour vous, s’agissait-il de l’un des quartiers où il fallait intervenir en priorité ?
Nous devions intervenir sur l’école, c’était nécessaire. La dette patrimoniale que nous avons trouvée en arrivant nous obligeait à agir. A partir de ce moment-là, on a lancé la réflexion. On a cherché à savoir comment on pouvait combiner les réponses aux besoins divers sur un foncier important qui nécessitait d’être valorisé puisqu’il était assez mal occupé. Nous commençons par celui-là mais ce ne sera pas le seul !
Ces équipements sportifs seront-ils réservés aux scolaires et associations ou seront-ils ouvert à tous ?
Les ouvrir aux associations, c’est déjà les ouvrir à la population. Nous avons sur la ville une grosse carence d’équipements sportifs : piscines, gymnases, crèches ou même écoles. Quand on ouvrira ce nouveau gymnase, on sait déjà que toutes les associations sportives vont nous demander des créneaux. Et nous n’aurons aucun mal à les remplir. Il y a une très forte demande de l’ensemble des clubs. En tant que père de famille et habitant du 8e arrondissement, je peux en témoigner. Quand j’emmène mes enfants au handball, je suis régulièrement et gentiment interpellé : "Monsieur le maire, quand est-ce que vous nous faites un gymnase ? Il arrive !" (rires), même s’il faudra patienter quelques années jusqu’à son ouverture [prévue en septembre 2026].
Dans ce complexe sportif, il y aura notamment un dojo et un mur d’escalade. Vous avez fait le choix de ne pas mettre un énième stade de foot. Était-ce volontaire de favoriser ces disciplines plutôt que d’autres, plus répandues ?
Les arts martiaux et l’escalade sont des disciplines très populaires et très répandues. Aujourd’hui, les clubs d’arts martiaux ont besoin de créneaux, de lieux pour pratiquer. Il y a une forte demande, de la même façon que pour l’escalade. Les écoles sont très en demande de pouvoir pratiquer ce genre de sport qui nécessite de la concentration, de la force, de l’agilité. Mais dans ce complexe sportif, il y aura également un gymnase classique qui permettra de pratiquer des sports collectifs comme le basket, le hand, le volley ou le foot en salle. Nous avons la volonté de répondre à toutes les attentes qui sont très nombreuses. Et je ne vous parle pas du savoir nager qui est une obligation légale, et du savoir rouler.
Nous aurons également une aire cyclable qui va être la première dédiée à l’apprentissage du vélo. Le savoir rouler est une compétence fondamentale que l’école doit apporter. Or aujourd’hui, et Lyon n’est pas la seule ville concernée, les équipements pour apprendre à rouler sont quasiment inexistants. Faire des tours de vélo dans une cour n’est pas suffisant. Il faut apprendre à manœuvrer, à s’arrêter, à connaître la signalisation. Ce circuit aura pour vocation d’apprendre aux enfants le vélo dans des conditions sécurisantes et de leur apprendre à évoluer en ville.
Sur la piscine, nous aurons deux bassins de 25 mètres dédiés prioritairement à l’apprentissage de la nage.
En dehors des périodes scolaires, notamment l’été, est-ce que cette piscine sera accessible au grand public ?
On a déjà beaucoup de demandes de la part des associations pour récupérer des créneaux afin de pouvoir y donner des cours. Aujourd’hui, on a clairement un déficit d’équipements aquatiques sur la ville. La vocation première de cette piscine restera l’apprentissage de la natation. C’est une nécessité mais aussi une obligation légale qui nous est faite. L’été, quand il fait très chaud, il y a la piscine Mermoz qui, elle, est un bassin aquatique ludique, assez bien utilisé.
Lors des précédents étés, il y a eu quelques tensions et épisodes d’incivilités à la piscine de Mermoz. Est-ce que cela s’est calmé ?
Oui, ça s’est calmé car nous avons mis en place un certain nombre de mesures, comme des dispositifs pour accéder à la piscine avec des créneaux de réservations. Lorsque les files d’attente sont longues et que les esprits s’échauffent, nous avons également fait en sorte de faire patrouiller la police municipale afin de calmer les ardeurs de certains.
Je voudrais revenir sur la dimension écologique de ce projet. On a pris l’énorme soin de réaliser des équipements avec les plus hautes normes environnementales possibles en matière de construction. Nous avons fait le choix de matériaux biosourcés (matériaux naturels utilisés localement), recyclés. Ce qui n’est pas encore extrêmement pratiqué aujourd’hui dans le secteur de la construction. Nous aurons également une grosse part de végétalisation dont une cour-nature, 30 % de surfaces et 470 m2 de toiture végétalisées tout en désartificialisant la parcelle. Nous apporterons un soin particulier sur l’isolation thermique avec un bâtiment bas carbone. Sur l’école, c’est 600 m² de toitures photovoltaïques qui vont être implantés. Le bâtiment, qui sera raccordé au chauffage public, va produire de l’électricité, plus qu’il n’en consomme.
Pour vous, est-ce un modèle à dupliquer ailleurs dans la ville ?
Absolument. Mais c’est déjà ce que l’on fait dans d’autres quartiers comme la Confluence ou la Part-Dieu, où l’on a des bâtiments de très haute qualité environnementale. Cette expérience, on la concentre sur l’îlot Kennedy mais bien évidemment, c’est notre façon de faire la ville aujourd’hui.
Vous avez annoncé que vous étiez partant pour un second mandat, avez-vous déjà ciblé un ou d’autres endroits de Lyon où vous pourriez dupliquer le concept de l’îlot Kennedy ?
Oui, il y a d’autres endroits…
Lesquels ?
(Rires) Je ne vais pas encore tout vous révéler tout de suite (rires). Ce qui est certain c’est que l’îlot Kennedy est un projet que j’adore. Et ce n’est pas l’habitant du 8e arrondissement qui le dit mais le maire de la ville. Je suis très fier de ce projet. Dans les quartiers populaires, on va envoyer le message suivant : On vous apporte les meilleurs équipements possibles. On vous apporte du très qualitatif car vous le méritez. Trop souvent, trop longtemps, on a amené dans les quartiers populaires des équipements de seconde zone. Or, justement, dans les quartiers populaires, on doit faire l’effort d’amener les meilleurs équipements. Pour moi, c’est essentiel. Et j’en suis d’autant plus fier qu’on arrive à combiner plusieurs usages.
Avez-vous l’impression que l’on n’en a pas assez fait pour les quartiers populaires lors des mandatures précédentes ?
Il y a un déficit d’équipements dans la ville qui est indéniable. On a aussi des gymnases qui ont besoin d’investissements considérables. D’ailleurs, nous avons les plus gros investissements sur les équipements sportifs que la ville n’a jamais connus puisque nous mettons plus de 100 millions d’euros sur la réhabilitation des équipements publics existants. Il y a eu un déficit d’investissements dans la maintenance de ces équipements qui ne sont plus en état de fournir les services souhaités. Dans les quartiers populaires, oui il y a un déficit, même s’il y a eu de belles réalisations comme la halle Diagana à La Duchère. Je ne vais pas dire qu’avant nous, rien ne se faisait. Ce n’est pas le cas. Mais il faut intensifier les efforts et aller beaucoup plus loin. Ce qui m’importe, c’est d’apporter les meilleurs équipements car les gens de ces quartiers le méritent.
Vous habitez dans le 8e arrondissement, n’avez-vous pas peur que l’on vous reproche de le prioriser au détriment d’autres quartiers ?
Ces derniers temps, j’ai beaucoup inauguré d’écoles dans tous les arrondissements de Lyon. Certains pourraient dire que je passe mon temps dans le 7e, mais beaucoup de constructions y sont réalisées. Certains pourraient penser que je passe beaucoup de temps dans le 9e car nous avons de nombreux projets d’écoles, et il y a des besoins dans ce secteur. Les 7e, 8e et 9e arrondissements sont, sur le plan démographique, ceux qui sont les plus dynamiques. Et comme, il y avait du foncier de disponible, il y a eu beaucoup de réalisations. Je reste le maire des Lyonnaises et Lyonnais et de tous les arrondissements alors continuons de nous occuper de Lyon !