Lyon: Sophie Thomas, la styliste des patineurs français
JEUX OLYMPIQUES La jeune de 29 ans, qui a installé son atelier dans un appartement de Villeurbanne, habille désormais la majorité des patineurs de l’équipe de France…
- Sophie Thomas, fondatrice de la société Astraée, commence à se faire une sérieuse réputation dans le milieu du patinage artistique.
- La jeune styliste de 29 ans habille désormais presque tous les patineurs de l’équipe de France, qui participeront aux JO de PyeonChang.
- Gabriella Papadakis et Guillaume Cizeron, grands favoris pour la médaille d’or en danse sur glace, ont été les premiers à lui faire confiance.
Des heures de travail qu’elle ne compte plus. Et des nuits qui s’apparentent davantage à des courtes siestes d’une vingtaine de minutes. En ce moment, Sophie Thomas dort « en moyenne 5 à 6 heures par semaine ». Une dernière commande vient de s’ajouter. Impossible de la refuser. La patineuse Ivett Toth, qui défendra les couleurs de la Hongrie lors des Jeux Olympiques de PyeongChang, lui a demandé de lui confectionner deux costumes. Pas étonnant qu’elle fasse appel à elle.
Sophie Thomas est la styliste qui monte dans le cercle du patinage artistique. Et de la danse sportive. Discrète, cette jeune femme de 29 ans, a réussi à s’imposer dans un milieu pourtant fermé, où le kitch est souvent roi. Les tenus qu’elle réalise dans son atelier, niché au cœur d’un appartement de Villeurbanne, font des merveilles sur la glace. C’est elle qui habille désormais presque toute l’Équipe de France. À commencer par Guillaume Cizeron et Gabriella Papadakis, les doubles champions du monde de danse sur glace et quadruples champions d’Europe.
La première à habiller Papadakis et Cizeron
Ils ont même été les premiers à lui faire confiance. Bien avant qu’ils ne trustent les podiums. C’était il y a quasiment 8 ans. Ils s’entraînaient à la patinoire Charlemagne de Lyon et Sophie partageait son temps entre ses études en design de mode et sa passion, la danse sportive. Pas facile de choisir à l’époque. C’est l’une de ses professeurs de danse qui lui mettra finalement le pied à l’étrier et lui fera opter pour les machines à coudre.
« Elle avait été contactée pour chorégraphier des programmes et travailler en parallèle avec les patineurs du pôle. C’est elle qui a suggéré mon nom pour leur faire des tenues », explique la jeune femme. Tout s’est alors enchaîné. Celle qui ne pensait pas « monter aussi tôt son entreprise », se lance en juillet 2010 dans l’aventure. Quelques semaines seulement avant la Summer Cup. Astraée est née.
Propulsée par le bouche-à-oreille
Le bouche-à-oreille fonctionne rapidement. En 2014 pour les Jeux de Sotchi, la styliste réalise les costumes de Florent Amodio. Depuis, le carnet de commandes s’est étoffé. Entre deux Olympiades, le chiffre d’affaires de l’entreprise est passé de 120.000 à 160.000 euros.
« Certes, j’ai davantage de clients. Mais surtout des clients connus dans le monde du sport. Avant, je n’habillais pas forcément des têtes d’affiche », expose Sophie, consciente d’avoir gagné en notoriété. Et de poursuivre : « C’est extrêmement gratifiant de voir les athlètes porter nos créations lors des Jeux. On sait pourquoi on se démène mais la satisfaction est la même quand il s’agit de jeunes anonymes ».
Pas de sous-traitance
Depuis quelques mois, Sophie Thomas travaille avec une jeune modéliste, Fanni, 26 ans. Leur credo : « la qualité ». « Du premier coup de crayon à la dernière pause de strass, tout est fait à la main ». Et à Villeurbanne. Pas question de sous-traiter la fabrication des costumes, vendus entre 500 euros et 3.000 euros selon les modèles.
« On a acquis des techniques de travail qui nous sont propres. Je ne confierai pas cette tâche à une personne qui n’a pas l’habitude de faire du sur-mesure ». La robe portée par Gabriella Papadakis lors du programme de danse originale, a nécessité 30 heures de travail. La patineuse savait déjà ce qu’elle voulait.
La musique, principale source d’inspiration
Pour le reste, il faut compter en moyenne 20 heures. Les modèles les plus simples sont parfois les plus difficiles à confectionner. « Il faut que tout tombe parfaitement ». « Les dégradés de couleurs prennent aussi beaucoup de temps à réaliser », poursuit-elle. Sa source d’inspiration ? La musique.
« Je demande aux patineurs de m’envoyer les musiques sur lesquelles ils vont danser, de m’expliquer le thème, le déroulé du programme, l’histoire… », explique Sophie. Penchée sur sa machine à coudre ou sa table de dessin, la jeune femme laisse ensuite libre court à son imagination. Avec le même rituel : les écouteurs vissés dans les oreilles et la bande-son qui tourne en boucle. Elle traduit parfois les paroles pour s’imprégner davantage du thème. Elle regarde aussi beaucoup les défilés de mode pour dénicher quelques idées. Mais pas question de lorgner sur le travail des autres stylistes de patineurs. Sophie entend se démarquer, garder son originalité.
Pour faire la différence, la créatrice mise sur des tenues élégantes qui « laissent suggérer le corps au lieu de le montrer ». Elle préfère mille fois une robe moulante et fermée qu’un ensemble ouvert. « C’est tellement plus classe. Une tenue sexy ne se résume pas à la nudité », plaisante-t-elle. Elle aime aussi « le sobre », « l’épuré » mettant en valeur « la fluidité et les mouvements du corps ». Un petit regret toutefois : son emploi du temps ne lui permettra pas d’aller en Corée pour suivre en direct les exploits de ses modèles. « Mais je croise très fort les doigts pour qu’ils ramènent au moins une médaille d’or », conclut-elle tout sourire.