Les « Indigènes » oubliés de la Mulatière

Frédéric Crouzet- ©2007 20 minutes
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   Ils sont tombés au front. Puis dans l'anonymat. Au cimetière de la Mulatière, le caveau des « soldats musulmans morts pour la France de 1914-1918 » n'a pas vu l'ombre d'une fleur ou d'un drapeau depuis plus de cinquante ans. Et les honneurs militaires se sont tus il  y a longtemps. Hier pourtant, des ouvriers s'affairaient à nettoyer cette grande stèle carrée. 

Dimanche 11 novembre, jour de commémoration de l'Armistice, un hommage sera rendu pour la première fois depuis 70 ans aux 113 soldats et 88 travailleurs de la Mulatière, oubliés des autorités religieuses, militaires et municipales. Et cela grâce aux recherches publiées l'été dernier par un historien local. Passionné d'archives et de généalogie, Frédéric Couffin, 61 ans, a retrouvé les noms de ces soldats et exhumé l'histoire de ce caveau méconnu. « Personne n'était capable de m'expliquer qui y était enterré et ce qu'ils faisaient là, loin du front », raconte ce membre de la Fontanière, une association locale de sauvegarde du patrimoine. Les archives municipales révèlent que cette stèle a été voulue par le maire (radical), Paul Nas. Cet ancien poilu, épaulé par la mosquée de Paris, a dû se battre pendant dix ans contre l'Etat pour construire ce monument en 1937, afin de rendre hommage au courage de ces soldats. « Après, il y a eu une autre guerre, d'autres morts et ces musulmans sont tombés dans l'oubli », explique Frédéric Couffin, qui a retrouvé les noms de presque tous les soldats enterrés grâce aux archives des hôpitaux militaires. La plupart avaient moins de 26 ans et venaient d'Algérie. Les autres étaient originaires du Maroc, de Tunisie, de Guinée, du Sénégal. « Ils sont morts entre 1916 et 1919, à l'hôpital militaire d'Oullins. La Mulatière a accepté de les enterrer. ». Frédéric Couffin a fait part de ses découvertes à la mosquée de Lyon, qui ignorait l'existence de ce caveau. La liste des morts algériens a été transmise au consulat. L'an prochain, pour les 90 ans de l'Armistice, le ministère des Anciens combattants devrait rendre hommage à ces soldats en inscrivant leurs noms sur une plaque.