Villefontaine: Le suicide en prison de l'ex-directeur soupçonné de pédophilie aurait-il pu être évité?
PEDOPHILIE « 20 Minutes » a interrogé des professionnels des prisons…
Dans les premières années suivant son ouverture, Lyon-Corbas avait la triste réputation d’être la prison la plus suicidogène de France, avec 16 suicides enregistrés en 2011 et 2012. Une situation qui s’est nettement améliorée depuis, avec deux décès déplorés en 2015, de nombreuses mesures ayant été prises pour prévenir la mort volontaire des détenus.
Mais après le décès de Romain Farina, l’ex-directeur de Villefontaine soupçonné de pédophilie, retrouvé pendu avec son drap dans sa cellule par un gardien vers 5 h 40 ce mardi, lors de la dernière ronde de nuit, beaucoup de questions se posent sur la manière dont ce détenu, pourtant sous surveillance, a réussi à passer à l’acte.
Il était suivi par un psychiatre
En août, l’ex-directeur du Mas-de-la-Ras, soupçonné de viol sur une soixantaine d’écoliers de l’Isère et du Rhône, où il avait également enseigné ces dernières années, avait déjà tenté de mettre fin à ses jours en avalant des médicaments. « Il avait été pris en charge puis avait regagné sa cellule dans le quartier d’isolement. Il était depuis suivi régulièrement par un psychiatre », indique à 20 Minutes un surveillant de l’établissement pénitentiaire.
Lorsqu’ils sont placés en isolement, pour être protégés des autres détenus la plupart du temps, ou parce qu’ils présentent un risque d’évasion, les prisonniers ont la même cellule que dans le reste de la prison. « Ils ont les mêmes activités. Mais ils sont seuls. Ils ne croisent pas les autres », ajoute David Raymond, délégué de l’Ufap-Unsa à Lyon-Corbas. « L’isolement conduit à la dépression totale », estime Bernard Bolze, le fondateur de l’Observatoire International des prisons, qui a travaillé, il y a quelques années, sur la question du suicide à Corbas.
Trois rondes au lieu de quatre faute de personnel suffisant
Lorsqu’ils sont isolés, les détenus sont normalement davantage surveillés. A l’heure actuelle, pourtant, faute de personnels suffisants selon l’Ufap, trois rondes sont menées la nuit au lieu des quatre prévues. « Nous faisons le maximum avec le minimum de personnels », ajoute David Raymond.
« Entre deux rondes, ils s’écoulent un peu de temps. Et lorsque nous ouvrons ou que nous fermons la porte de la coursive, les personnes incarcérées nous entendent arriver ou repartir. De toute façon, un détenu qui veut mettre fin à sa vie, y arrivera. Il trouvera n’importe quoi, même un stylo-bille, pour se suicider. Nous n’avons aucun moyen d’empêcher cela, nous sommes impuissants », ajoute Emmanuel Chambaud, membre de l’Ufap et ancien surveillant à la maison d’arrêt de Corbas.
« Un détenu qui veut vraiment mourir ne le dit »
Lorsqu’un prisonnier « suicidaire » est repéré par le personnel de la prison, il peut également être placé, sur un temps très limité et sur décision de justice, dans une cellule « lisse », avec un drap et un pyjama en papier et un minimum de points d’accroche, pour limiter les risques de pendaison.
L’ex-directeur de Villlefontaine n’était pas dans une cellule de ce type. « Un détenu qui veut vraiment mourir ne le dit pas en général. C’est donc difficile de le repérer », ajoute Bernard Bolze, qui a suivi, de loin, la baisse des suicides observés à Corbas, où sont actuellement incarcérées près de 800 personnes, selon l’Ufap.
« Le fait qu’il y en ait nettement moins aujourd’hui est sans doute lié à la façon dont est aujourd’hui dirigée la prison. Son directeur est quelqu’un de très attentif. Il y a eu un effort collectif pour améliorer la prévention du suicide. Les personnels ont été formés pour mieux les repérer et mieux les surveiller », indique le militant lyonnais.
Une prison déshumanisée ?
Mais le risque zéro n’existe pas. « La vraie prévention, ce serait l’écoute, la rencontre et non pas de priver un détenu de tous les moyens de se suicider », ajoute-t-il. Mais à Corbas, réputée « déshumanisée » comme la plupart des établissements pénitentiaires nouvelle génération, les contacts humains sont limités. La présence de nombreuses portes automatiques et de la vidéosurveillance a ici considérablement réduit les échanges entre les prisonniers et avec les gardiens.