Robert Badinter, Jeune auteur d'opéra
De Victor Hugo, il connaissait Les Misérables ou Le dernier jour d'un condamné. Mais pas Claude Gueux. Lorsque Robert Badinter lui a longuement parlé de ce roman lors d'un dîner, Serge Dorny, directeur de l'Opéra de Lyon, s'est tout de suite précipité sur l'ouvrage. Et dès que l'ancien garde des Sceaux lui a fait part de son intention de faire de cette histoire un opéra, l'homme a aussitôt acquiescé. Quatre ans plus tard, le public va enfin pouvoir découvrir le fruit de cette collaboration puisque Claude sera joué dès ce mercredi soir à l'Opéra de Lyon. Six représentations seront données jusqu'au 14 avril.
L'histoire raconte celle d'un canut qui refuse de se faire remplacer par des machines anglaises et se révolte contre son patron. Pour avoir volé un pain, il est incarcéré pendant sept ans à la prison de Clairvaux. Et pour s'être ensuite opposé au directeur de l'établissement, il est guillotiné.
«Interpeller le public»
«Le sujet de cet opéra est de montrer que la justice peut devenir une machine à broyer l'homme, explique Serge Dorny. Qui d'autre que Robert Badinter pouvait apporter ce thème ? Cet homme est dans la filiation de Victor Hugo. Il a mené les mêmes batailles, il s'est frotté à l'injustice. L'abolition de la peine de mort est l'aboutissement du combat de Victor Hugo. Tous deux ont beaucoup de choses en commun.» «Je n'ai pas voulu faire une œuvre contre la peine de mort, se justifie néanmoins l'intéressé. Ici, la condamnation à mort est prononcée au bout de 15 minutes de délibération. Elle est l'issue inévitable de ce qui va advenir dès le départ. Je n'ai pas cherché non plus à faire une pièce ancrée dans l'actualité, mais plutôt une tragédie.» Cet opéra composé par Thierry Escaich se doit avant tout d'«interpeller le public», selon Serge Dorny. «Il doit inviter chacun à la réflexion sans pour autant donner de réponse, poursuit le directeur de l'Opéra. Un spectacle doit permettre de changer un homme, d'en ressortir différent par rapport au moment où on est entré dans la salle.»