Pas-de-Calais : Cette usine permet à Lille de ne pas manquer d’eau

Ressources Si la métropole de Lille n’est soumise à aucune restriction d’eau, elle le doit à une usine mise en service en 1973 à Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais

Gilles Durand
La salle de pilotage de l'usine de traitement de l'eau d'Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais. C'est cette installation qui fournit 40% de son eau potable à la métropole de Lille.
La salle de pilotage de l'usine de traitement de l'eau d'Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais. C'est cette installation qui fournit 40% de son eau potable à la métropole de Lille. — G. Durand
  • Le Nord vient ainsi d’être placé en situation de vigilance sécheresse, et le bassin-versant de l’Escaut reste toujours en situation d’alerte.
  • La métropole de Lille ne connaît aucune restriction d’eau grâce à une usine de traitement de l’eau construite il y a cinquante ans dans le Pas-de-Calais.
  • Depuis une dizaine d’années, les nappes phréatiques lilloises ne parviennent plus à se recharger correctement.

D’où vient l’eau que l’on boit au robinet ? A Lille, la question est longtemps passée sous silence tant la ressource semblait abondante. Or, la préfecture du Nord doit, à nouveau, prendre des mesures face à la sécheresse qui continue de frapper le département. Le Nord vient ainsi d’être placé en situation de vigilance, et le bassin-versant de l’Escaut reste toujours en situation d’alerte.

Une décision qui rappelle que l’été pluvieux que vient de connaître la région est loin d’avoir réglé un problème récurrent : l’approvisionnement en eau, notamment de la métropole de Lille et son million d’habitants. Et si ce territoire n’est soumis, aujourd’hui, à aucune restriction d’eau, il le doit à une usine mise en service en 1973. Il y a cinquante ans, des élus ont été visionnaires en installant dans le Pas-de-Calais un site capable de rendre potable l’eau de la rivière Lys.

La nappe peine de plus en plus à se recharger

« Au début, c’était la roue de secours de la métropole, c’est devenu le point d’équilibre », assure Daniel Defives, directeur du site. Ainsi, au début des années 2010, 80 % de l’approvisionnement des métropolitains provenait encore de la nappe souterraine et notamment du « calcaire carbonifère ».

Daniel Defives, directeur de l'usine de traitement de l'eau à Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais.
Daniel Defives, directeur de l'usine de traitement de l'eau à Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais. - G.Durand / 20 Minutes

Or, l’exploitation désordonnée de cette ressource avec les territoires belges, a fini par tarir la source. Sous terre, pas de frontière, et il a fallu des décennies pour trouver un terrain d’entente sur un partage équitable de cette eau. Trop tard ? Peut-être, car chaque année, la nappe peine de plus en plus à se recharger. « La période de recharge a démarré en décembre l’an dernier, c’est très tard, note Daniel Defives. Il n’y a pas mieux que la neige pour recharger les nappes, mais il en tombe de moins en moins. »

Comment en est-on arrivé là ? « On a vécu dans le confort pendant des années, témoigne Daniel Defives. Lille était alimentée par des forages qui puisaient dans cette nappe. Et on fermait chaque forage dont la qualité de l’eau se dégradait. Il était trop onéreux de construire une usine de traitement pour chacun des forages. »

La crainte du retour des vacances scolaires

Cette usine de traitement, c’est donc à Aire-sur-la-Lys, près de Saint-Omer, qu’elle a été construite, mais pour purifier une eau de rivière. Située à une soixantaine de kilomètres de Lille, le site fournit désormais environ 40 % de l’eau potable de la métropole via un vaste réseau de transport. Un service public essentiel, géré par le Smael (Syndicat mixte d’adduction des eaux de la Lys), qui doit jongler, surtout à l’automne, avec les aléas de la météo.

« La métropole de Lille se vide d’une bonne partie de ses habitants en été, ce qui évite d’éventuels problèmes d’approvisionnement », reconnaît Daniel Defives. Ce dernier craint également chaque retour de vacances estivales. « Si l’été a été particulièrement sec, il faut s’adapter à un niveau de la rivière bas et à une consommation d’eau qui doit augmenter d’un coup », indique-t-il.

Or, depuis une dizaine d’années, l’équation devient de plus en plus compliquée à résoudre. « Heureusement que nous venons de connaître un été pluvieux », avoue le directeur. Et pour cause. En 2019, au plus fort de la sécheresse estivale, le niveau d’eau de la Lys était tombé si bas qu’il a été question de stopper les pompages. Or, une telle mesure serait quasiment impossible à compenser par les autres ressources disponibles.

Quarante jours sans pluie en janvier et février

Pourtant, dans les années 1960, la Lys avait été choisie pour son débit torrentiel qui peut passer de 2 à 50 m3/h en quelques heures. A l’époque, un projet de barrage sur la Canche, une rivière un peu plus au sud, avait même été envisagé pour soutenir le débit de la Lys et anticiper l’urbanisation galopante de la métropole lilloise. Mais une levée de boucliers des pêcheurs l’avait fait capoter, la baie du port d’Etaples risquant, à juste titre, d’être ensablée.

La vérification de la qualité de l'eau est une activité essentielle au sein de l'usine de traitement d'Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais.
La vérification de la qualité de l'eau est une activité essentielle au sein de l'usine de traitement d'Aire-sur-la-Lys, dans le Pas-de-Calais. - G.Durand

Pour compenser, cinq forages souterrains ont été réalisés pour alimenter la Lys. « Il faut maintenir un débit minimum de 300 litres à la seconde, on ne peut pomper que le surplus or on est déjà descendu à 600 ou 700 litres », s’inquiète Daniel Defives. Les quarante jours sans pluie, en janvier et février, ont rendu la situation encore plus problématique. « C’était un phénomène inédit dans la région », insiste-t-il.

D’autant que l’usine de traitement doit également, depuis quelques années, fournir les 250.000 habitants de la communauté d’agglos Lens-Liévin et que l’usine est installée sur un territoire qui compte environ 650 agriculteurs, victimes eux aussi de la sécheresse. Une convention a été signée, en juin, avec l’association de promotion de l’agriculture durable (Apad) et la Chambre d’agriculture pour limiter le labour et l’irrigation.

« Labourer les terres entraîne la multiplication de matière en suspension dans la rivière, ce qui dégrade la qualité des sols et entraîne des coûts supplémentaires considérables pour traiter l’eau », précise Daniel Defives. Rendre l’eau potable devient, plus que jamais, un défi technologique quotidien. A Aire-sur-la-Lys, une vingtaine de personnes y travaillent. « La santé publique n’a pas de prix, mais elle a un coût », glisse Daniel Defives pour qui un jour de pluie n’est jamais vraiment une mauvaise journée.

Des poissons pour surveiller la pollution

Ce sont les sentinelles de la rivière. Une centaine de vairons se relaient pour surveiller la qualité de l’eau de la Lys à la station d’alerte à la pollution de Mametz, dans le Pas-de-Calais. Ces petits poissons participent à la surveillance de la qualité des eaux. Lorsque l’usine a été inaugurée, c’était une truite qui était chargée de ce travail. La légende veut que l’animal soit mort de vieillesse tant la qualité de l’eau était bonne.