Lille est-elle vraiment plus insécuritaire que Saint-Denis ?
insécurité•Au cours de la Braderie de Lille, un groupuscule de femmes identitaires a affiché des banderoles pour dénoncer l’insécurité à Lille. Trois activistes ont été interpellées et la mairie a déposé plainteMikaël Libert
L'essentiel
- Samedi, lors de la braderie de Lille, les identitaires de Némésis ont déployé deux immenses banderoles.
- L’une évoquait l’enseignement du salafisme dans « les lycées » et l’autre, l’insécurité.
- Trois suspectes, dont la cheffe du mouvement, ont été interpellées et la mairie a déposé une plainte.
L’édition 2023 de la Braderie de Lille a été un succès. Du monde, un temps idéal, des moules-frites à volonté. Mais cette belle fête populaire a aussi été l’occasion pour les femmes identitaires de Némésis de faire parler d’elles, du moins sur « X ». Trois membres du groupuscule, dont sa cheffe, Alice Cordier, ont déployé d’immenses banderoles pour dénoncer ce qu’elles estiment être une politique sécuritaire défaillante de la ville.
Samedi après-midi, depuis le balcon d’un appartement de la rue Nationale, les identitaires de Némésis ont déployé une première banderole affirmant « Lille devient Saint-Denis, qui est la cause de nos soucis ? ». Puis une autre, depuis le balcon d’une suite de l’hôtel Carlton, toujours dans le centre-ville. Sur celle-ci, on pouvait lire : « Lectures salafistes dans les lycées de votre ville, vous sentez-vous en sécurité à la Braderie de Lille ? ». C’est d’ailleurs cette dernière action qui vaudra à Alice Cordier et deux autres activistes de passer 18 heures en garde à vue. Auparavant, la cheffe du mouvement avait piégé le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin, lui demandant de poser pour un selfie avant de se présenter.
Un classement sur des données officielles mais incomplètes
Bref, dans la foulée, la maire de Lille, Martine Aubry, avait annoncé qu’une plainte allait être déposée, assurant aux identitaires : « Vous n’avez pas de place dans notre ville, avec ces idées contraires à l’ADN des Lillois ». Il n’en fallait pas davantage pour enflammer « X » et voir les activistes de Némésis soutenues par des personnalités ou des anonymes de l’extrême droite. Beaucoup dénonçaient la garde à vue et d’autres brandissaient un classement érigeant Lille au premier rang des villes les plus dangereuses de France, devant Saint-Denis. D’où la référence dans l’une des banderoles.
Alors c’est un peu vrai, mais il faut relativiser. L’un des sites présentant ce classement avertissant lui-même du « côté incomplet par nature des données sur les crimes et les délits qui reposent sur les faits enregistrés par les services de Police et de Gendarmerie ». D’un autre côté, comparer Lille à Saint-Denis n’est pas pertinent, la capitale des Flandres comptant deux fois plus d’habitants que la ville de région parisienne. Sauf si l’on se réfère au taux pour mille habitants. Dans ce cas, selon les chiffres de la « base statistique communale de la délinquance enregistrée par la police et la gendarmerie nationales », que 20 Minutes a consultée, le bilan n’est pas flatteur.
L’effet Covid-19 et des confinements successifs
Pour les faits de cambriolages de logements enregistrés en 2022, par exemple, Lille enregistre un taux de 8 pour 1.000 habitants contre 7/1.000 à Saint-Denis et 1/1.000 à Marseille. Sur les faits de « coups et blessures volontaires » et « destructions et dégradations volontaires », les taux de Lille et Saint-Denis sont équivalents (1/1.000), contre 8/1.000 dans la cité phocéenne. Pour le même type de faits, mais dans le cadre familial, Saint-Denis (5/1.000) est au-dessus de Lille (4/1.000).
Il est par ailleurs faux, ou du moins malhonnête, d’affirmer que la délinquance augmente de manière générale à Lille. Pour les cinq types de faits détaillés dans la base statistique communale, on constate en effet que les chiffres augmentent entre 2021 et 2022, exception faite des « destructions et dégradations volontaires ». A nos confrères de la Voix du Nord, l’adjoint à la Sécurité de Lille rappelle l’effet Covid-19 et les confinements successifs qui biaisent les chiffres de 2020 et 2021. Le fait est que si l’on compare 2019 à 2022, l’augmentation des chiffres est moins marquée. On passe d’une augmentation de 22 % des coups et blessures entre 2021 et 2022 à une augmentation de 14,5 % entre 2019 et 2022. Mieux encore, si les cambriolages de logements ont augmenté de 0,24 % entre 2021 et 2022, ils ont en revanche baissé de 24,3 % entre 2019 et 2022.
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