Pénurie de carburant : Les pompistes trompent l’ennui en attendant d’hypothétiques livraisons
PANNE SèCHE Alors que le mouvement social se durcit dans les raffineries et s’étend même à d’autres branches de l’énergie, les stations-service restent désespérément vides. Reportage dans plusieurs d’entre elles, à Lille, avec des pompistes résignés
- Le mouvement de grève, initié dans les raffineries par la CGT, il y a deux semaines, se poursuit.
- Malgré les premières réquisitions du gouvernement, les stations-service peinent toujours à se faire livrer du carburant.
- A Lille, même si les stations sont vides, la consigne donnée est de les garder ouvertes.
En attendant gazole… Le gouvernement a signé, mercredi, les premières réquisitions de personnel dans les raffineries et les dépôts pétroliers de TotalEnergies et d’Esso-ExxonMobil. Une mesure de la dernière chance pour tenter d’endiguer la pénurie d’essence qui touche de plus en plus de stations-service sur le territoire français. Sauf que ces réquisitions, même si elles étaient appliquées immédiatement sur le terrain, n’auront pas un effet instantané. Alors, en attendant l’arrivée d’une citerne providentielle, les pompistes s’ennuient. Reportage dans plusieurs stations à Lille, dans le Nord.
Le bras de fer tripartite se durcit, ce jeudi, entre les syndicats, les groupes pétroliers et le gouvernement. A coups de grève reconduite, de négociations rompues et de réquisitions. Impliqués malgré eux dans cette guerre des nerfs et de l’essence, les employés des stations-service subissent, absorbant l’ire des automobilistes excédés, ou l’ennui de journées longues comme un jour sans pain. « Ça fait 18 jours que je n’ai plus une goutte d’essence et malgré tout, Total veut que je reste ouvert. Je peux juste fermer à 19 heures au lieu de 21 heures », lâche, dépité, le salarié d’une station de la rue de Turenne, à Lille.
« J’ai décidé de répondre à tous les appels téléphoniques »
Dans une autre station de la même enseigne, à Moulins, un quartier populaire de Lille, la boutique est ouverte par-delà les pompes vides, cernées de rubalises. « On m’a dit qu’un camion allait peut-être passer aujourd’hui. Je n’ai pas eu d’heure, ce n’est même pas sûr qu’il arrive. Il faut juste attendre », se résigne le jeune employé avant de se replonger dans son portable. Boulevard Robert Schuman, une troisième station TotalEnergies est, elle aussi, vide. « La livraison de samedi est partie en une journée. Là, je n’attends rien », assure le gérant. Lui pourrait fermer, mais il s’y refuse pour ne pas pénaliser ses salariés : « On s’occupe comme on peut. L’autre jour, j’ai décidé de répondre à tous les appels téléphoniques, j’en ai eu 123 en sept heures, toujours pour demander si on avait de l’essence », explique-t-il.
Dans les rares endroits où il reste de l’essence, hors du réseau Total, les clients patientent dans le calme. « Avant la pénurie, les gens râlaient s’ils devaient attendre quelques minutes. Aujourd’hui, ils peuvent faire la queue une heure sans rien dire tellement ils sont contents de trouver une pompe ouverte », s’étonne le gérant de la station Schuman. « J’ai vu quelques bagarres, des automobilistes qui s’insultaient. Mais ça, c’était au début de la remise Total », assure un employé d’une pompe lilloise. « Nous avons été livrés hier et la police est venue pour mettre un peu d’ordre dans la circulation. Ils sont repartis 2 heures plus tard parce que tout se passait bien », nous raconte-t-on dans une station à La Madeleine, près de Lille.
A défaut de clients à servir, hormis quelques habitués qui viennent pour un lavage, les employés bricolent, lisent, scrollent sur leur portable ou font du nettoyage. Outre le moral des troupes, le manque d’activité pèse aussi sur le chiffre d’affaires des stations. « Je n’ai même pas fait cent euros en une semaine de caisse », lâche le salarié d’une station de Lille. « Même avant les grèves, on faisait moins de chiffre parce que les livraisons ne suivaient pas. Depuis le début de la remise, en septembre, mon chiffre d’affaires a plongé à 27 % », explique à 20 Minutes un gérant de station TotalEnergies.