Lille: «Les directions de laboratoire sont tenues, en grande majorité, par des hommes», regrette une chercheuse
INTERVIEW Récompensées par la Fondation L'Oréal-Unesco, deux chercheuses lilloises aimeraient voir plus de femmes intégrer la recherche scientifique...
- Alicia Mayeuf-Louchart et Stéphanie Challita sont lauréates 2018 de la Fondation L'Oréal et l'Unesco en faveur des femmes dans la recherche scientifique.
- Les deux chercheuses travaillent à Lille dans le domaine de la biologie, pour l'une, et de l'informatique, pour l'autre.
Comme chaque année depuis vingt ans, la Fondation L’Oréal et l’Unesco récompensent des jeunes chercheuses en France. Objectif : créer une émulation pour que la recherche scientifique se féminise. Rencontre avec deux lauréates qui travaillent à Lille : Alicia Mayeuf-Louchart, 32 ans, originaire d’Isbergues, dans le Pas-de-Calais et Stéphanie Challita, 26 ans, originaire du Liban.
Quel est votre thème de recherche ?
Alicia Mayeuf-Louchart : J’ai produit une thèse sur les cellules-souches. Cette expertise me permet aujourd’hui d’intégrer une équipe de recherche à l'Institut Pasteur de Lille. Nous étudions les propriétés des cellules-souches et le rôle de l’horloge biologique pour éventuellement trouver des thérapies capables de régénérer les muscles dans le cas de maladies génétiques comme la dystrophie, par exemple.
Stéphanie Challita : Les nuages informatiques, appelés aussi clouds computer, sont un environnement virtuel qui permet de stocker des données. Plusieurs fournisseurs de nuage informatique ou cloud proposent des services similaires, mais qui utilisent un vocabulaire et un accès différents. Ces services sont ainsi difficilement comparables. Dans le cadre de ma thèse à l'université de Lille, je définis fclouds, un langage informatique dédié aux nuages pour représenter précisément leurs services et propriétés, et donc mieux comprendre leurs enjeux et comment migrer d'un fournisseur à l’autre.
Est-ce plus difficile de faire de la recherche quand on est une femme ?
A. M.-L. : J’ai eu la chance de toujours travailler avec des femmes, ce qui représentait pour moi un modèle de réussite. En biologie, on retrouve beaucoup de femmes. Par exemple, la parité est respectée dans mon équipe. C’est au niveau des directions de laboratoire que ça change. On n’y trouve quasiment que des hommes. Les préjugés sont toujours très ancrés. En Europe, dans les hautes fonctions académiques, il n’y a que 11 % de femmes. Il faut aussi que les femmes croient davantage en leur capacité et osent afficher leurs ambitions.
S. C. : L’informatique est un domaine essentiellement masculin. Mais personnellement, je n’ai jamais connu de problèmes pour en arriver là. Je n’ai jamais été traitée différemment et j’ai toujours été bien entourée. C’est vrai qu’il n’y a pas assez de femmes dans la recherche. C’est dommage. Elle apporterait une autre vision sur les travaux qui, du coup, pourraient être mieux adaptés à la société tout entière. Ce combat égalitaire me tient à cœur.
Pourquoi avoir choisi la recherche comme voie professionnelle ?
A. M.-L. : J’ai toujours aimé les sciences. Petite, j’étais déjà très curieuse. Au fur et à mesure de mes études, j’ai été conforté dans mon choix de faire de la biologie. C’est passionnant car plus on avance, plus on découvre des réponses et plus on se retrouve face à de nouvelles questions.
S. C. : J’avais un esprit logique et matheux. J’étais très attirée par les nouvelles technologies. J’avais de très bons résultats à l’école. C’était une vraie passion. Je suis venue en France pour poursuivre mes études. D’abord à Dijon, puis à Lille où je dois passer ma thèse dans quelques mois. Ensuite, j’irai ailleurs pour continuer des recherches post-doctorantes. Il est recommandé de changer de laboratoire pour confronter son travail.