Ultragauche : Entraînements militaires, explosifs… Sept personnes jugées pour un projet terroriste
procès Six hommes et une femme sont jugés à compter de mardi devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir projeté de s’attaquer à des policiers et militaires
- Six hommes et une femme sont jugés du 3 au 27 octobre devant le tribunal correctionnel de Paris, pour « association de malfaiteurs terroriste » et pour avoir refusé « de remettre une convention secrète de chiffrement d’un moyen de cryptologie ». Ils encourent jusqu’à dix années de prison.
- Florian D., un anarcho-autonome de 39 ans, est accusé d’avoir constitué un groupe de militants qu’il entraînait en vue de s’attaquer à des policiers et des militaires.
- Ce dossier terroriste d’ultragauche est le premier à être jugé en France depuis ceux des membres du groupe Action directe, dont le dernier remonte à 1995.
Ce n’était plus arrivé depuis vingt-huit ans. Sept personnes, proches de l’ultragauche, vont comparaître à partir de mardi devant le tribunal correctionnel de Paris, pour « association de malfaiteurs terroriste » et pour avoir refusé « de remettre une convention secrète de chiffrement d’un moyen de cryptologie ». Le dernier procès terroriste qui concernait cette mouvance date de 1995. A l’époque, plusieurs membres de la branche lyonnaise du groupe Action directe avaient été condamnés à de lourdes peines par la cour d’assises spécialement composée, pour avoir commis une trentaine d’attentats à l’explosif dans la région parisienne, entre 1982 et 1986.
Depuis, il y a bien eu l’affaire dite du groupe de Tarnac. Mais le dossier, qui s’était dégonflé au fil des investigations, avait viré au fiasco judiciaire. La qualification de terrorisme avait in fine été écartée par la Cour de cassation en 2017. Et tous les prévenus ont été relaxés l’année suivante.
« Perspective révolutionnaire »
Cette fois-ci, les juges d’instruction du pôle antiterroriste du tribunal judiciaire de Paris semblent certains que les prévenus préparaient « des actions violentes à l’encontre notamment de membres des forces de l’ordre et de militaires », comme ils l’expliquent dans leur ordonnance de renvoi, consultée par 20 Minutes. Leur but ? « Déstabiliser les institutions républicaines par l’intimidation ou la terreur », le tout dans « une perspective révolutionnaire », estiment les magistrats.
Le personnage central du dossier est un certain Florian D., âgé de 39 ans. Décrit comme un militant anarcho-autonome, il a passé dix mois en 2017 au Rojava - le Kurdistan syrien –, où il a combattu au sein d’un bataillon anarchiste, intégré aux Unités de Protection du Peuple (YPG) kurdes. Sur place, il a reçu une formation militaire, notamment de sniper. Lorsqu’il rentre en France, en juillet 2018, il est discrètement suivi par les agents de la DGSI. Pour le service de renseignement, il n’y a pas de doute : Florian D. cherche à constituer un groupe pour commettre des actions de guérilla sur le territoire.
« Mouvance punk anarchiste »
Parmi ses membres, on trouve Loïc M., le président d’une association d’airsoft ; Camille B., qui fut un temps la compagne de Florian D., et qui est présentée comme « l’idéologue » du groupe ; ou Simon G., un artificier suspecté par la justice d’appartenir « à la mouvance punk anarchiste ». Il y a aussi William D., Loïc M. et Bastien A., que Florian D. a rencontrés sur la ZAD du barrage de Sivens, dans le Tarn. Certains membres, comme Manuel H., se seraient même déjà procuré des armes et tenteraient d’en obtenir d’autres.
L’information est transmise au parquet national anti-terroriste, lequel ouvre une enquête préliminaire du chef de participation à une association de malfaiteurs terroriste. Les téléphones des suspects sont alors placés sur écoute et géolocalisés. Mais ces derniers se montrent très prudents et utilisent pour communiquer des messageries cryptées. Les policiers vont jusqu’à placer des micros dans le Renault Master qui sert d’habitation à Florian D..
« Exercices de progression tactique »
En écoutant ses conversations, ils découvrent que Florian D. et plusieurs suspects ont fabriqué et essayé des explosifs. Selon un expert, il s’agirait d’Anfo, un composé de nitrate d’ammonium et de gazole, et de TATP, un produit souvent employé par les djihadistes.
Les enquêteurs apprennent aussi que les suspects pratiquent des « exercices de progression tactique » avec des répliques de fusils d’assaut, et s’entraînent à tirer. Enfin, ils sont informés que Florian D. cherche à se procurer d’autres armes pour tuer des sangliers… ou des « poulets ». Le 8 décembre 2020, les autorités décident d’interpeller 11 suspects et de les placer en garde à vue dans les locaux de la DGSI, à Levallois-Perret. Plusieurs d’entre eux refusent alors de fournir les codes de déverrouillage de leurs téléphones ou de leurs ordinateurs.
« Gros pétard »
Sept d’entre eux sont mis en examen le 11 décembre. Florian D., qui ne fait pas mystère d’être un militant anarchiste, dément devant les magistrats instructeurs que lui et les autres suspects se soient exercés aux techniques militaires. Il préfère parler de parties d’airsoft entre amis. Les explosifs ? Ils se sont simplement amusés à fabriquer un « gros pétard », dans un simple but ludique.
Les enquêteurs lui rappellent qu’il voulait acquérir un terrain pour s’entraîner discrètement à lutter contre les « chiens de garde et l’armée ». Florian D. leur assure qu’il ne souhaite pas une escalade de la violence. Il milite pour ce qu’il appelle une « révolution démocratique ». Il estime néanmoins nécessaire que le milieu anarchiste puisse disposer d’une force militaire pour se défendre, au cas où les fascistes prennent de force le pouvoir.
« C’est mort, le mec, il est là, je le bute »
Il y a bien ces conversations entre lui et Simon G., dans lesquelles chacun évoque ce qu’il ferait à un policier qui tomberait au sol après une charge de manifestants. « C’est mort, le mec, il est là, je le bute », lance notamment Florian D.. Mais pour lui, il ne s’agissait que de propos tenus par deux personnes ayant un peu trop bu, de plaisanteries.
Contactés par 20 Minutes, les avocats des prévenus n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Leur procès doit se dérouler jusqu’au 27 octobre. Ils encourent dix ans de prison.