Accident de la route : Un avocat veut faire reconnaître « l’homicide involontaire » pour la mort d’un fœtus
vie in utero Une jeune femme a perdu son enfant à naître lors d’un accident la menant à la maternité, mais l’homicide involontaire ne peut être reconnu
- Alors qu’elle se rendait en voiture à la maternité pour accoucher en juillet dernier, une jeune habitante du le Pas-de-Calais a perdu son bébé dans une collision avec un autre véhicule.
- Or, pour la justice, cet enfant, qui n’était pas encore né, n’existe pas.
- Me Antoine Régley a, néanmoins, décidé de porter plainte pour homicide involontaire, « afin de faire bouger la jurisprudence ».
Un fœtus peut-il avoir une existence légale ? Un dramatique accident survenu en juillet relance le débat. Alors qu’elle se rendait en voiture à la maternité pour accoucher, une jeune femme de 23 ans a perdu son bébé dans une collision avec un autre véhicule. Or, pour la justice, cet enfant, qui n’était pas encore né, n’existe pas... juridiquement parlant. Me Antoine Régley a, néanmoins, décidé de porter plainte pour « homicide involontaire », « afin de faire bouger la jurisprudence ».
L’histoire commence par une première visite à la maternité d’Arras, dans le Pas-de-Calais, le jeudi 27 juillet. Angélique K. et Valentin S. s’apprêtent à découvrir les joies de la parentalité. Ils attendent une petite Jade, leur premier enfant. Ce sera finalement pour le lendemain. Le col n’est pas assez ouvert. Le personnel hospitalier les renvoie chez eux. Rendez-vous est pris pour vendredi, à 13 heures.
Inscrite sur le livret de famille
Le couple n’honorera jamais ce rendez-vous. Le lendemain, sur le trajet vers la maternité, peu avant midi, ils sont percutés par une Clio qui roulait à contresens sur la départementale entre Douai et Arras. « Je n’ai pas pu éviter le choc, raconte valentin S. à 20 Minutes. Et c’est ma femme qui a tout pris. » L’accident provoque la perte des eaux pour Angélique. Lorsque les secours arrivent, il est trop tard, l’enfant qu’elle porte depuis neuf mois est décédé. Elle-même est hospitalisée quinze jours, victime de quatre côtes cassés et de deux lombaires abîmées.
Or, lorsque Valentin S. se rend à la gendarmerie pour porter plainte, il découvre que l’homicide ne peut être retenu. « Nous avons pourtant organisé une cérémonie officielle pour Jade et elle est inscrite sur notre livret de famille avec la mention acte de naissance d’un enfant sans vie », s’interroge-t-il. « Les examens médicaux montrent aussi que le décès est la conséquence de l’accident », renchérit Me Antoine Régley, avocat du couple.
Ce que vit le couple de Nordistes fait écho à l’accident impliquant l’humoriste Pierre Palmade, survenu en février. Dans cette affaire, l’homicide avait été reconnu car le fœtus avait eu le temps de respirer, ne serait-ce que quelques secondes, avant de mourir.
« Incohérences » et « iniquités »
Or, dans la loi française, le décès in utero d’un fœtus ne peut pas être considéré comme un « homicide involontaire ». La jurisprudence est claire. Depuis un arrêt de la chambre criminelle de la Cour de cassation – qui représente la plus haute juridiction française – datant de 1999 et confirmé en 2001, la mort d’un fœtus ne peut être qualifiée d’homicide. Même si celui-ci était viable au moment du décès, même si le terme était imminent, même si, dans son arrêt de 2001, la Cour de cassation reconnaissait des « incohérences » et des « iniquités » dans cette distinction pénale. « Tant qu’un enfant n’est pas né, il n’est pas considéré comme un être humain à part entière, il n’a pas de personnalité juridique et ne peut donc pas être reconnu comme victime », avait déjà indiqué à 20 Minutes Me Franck Samson, avocat spécialisé dans les délits routiers.
« Notre plainte a pour objectif d’essayer de faire changer cette loi, insiste Me Antoine Régley. Il n’est pas logique de retenir l’homicide d’un fœtus de 7 mois et non celui de 9 mois uniquement parce que le premier aurait respiré avant de mourir. La vie humaine existe in utero. »
« Jade était déjà bien présente »
Constat confirmé par les recherches scientifiques de ces dernières décennies qui ont d’ailleurs mené à des pratiques sensorielles avec le fœtus, comme l’haptonomie. « Tous les soirs, quand je massais ma femme, je sentais les réactions de l’enfant qui venait se nicher au creux de mes mains », confirme, avec émotion, Valentin S. « Je savais à quelle heure elle se réveillait. Je lui parlais et elle partageait ses émotions avec moi. Jade était déjà bien présente, se souvient Angélique K., au bord des larmes. Alors, entendre que la conductrice qui nous a percutés ne sera pas poursuivie pour ''homicide'', c’est inaudible. »
Me Régley a décidé d’appuyer une plainte pour « homicide involontaire » d’une pétition. Selon, lui, « il est possible de concilier le droit à l’avortement, tellement important, et la reconnaissance de l’homicide de l’enfant à naître ». Et de rappeler que l’Organisation mondiale de la santé (OMS) a d’ailleurs défini qu’un fœtus était viable après 22 semaines d’aménorrhée : « Il serait donc possible d’utiliser cet argument et cette limite pour protéger l’enfant à naître, en prévoyant, bien sûr, des exceptions pour les interruptions médicales comme cela existe déjà. »
« Une partie de nous est partie avec Jade, poursuit Valentin S.. On souhaiterait que la justice considère que ce n’est pas simplement une ''blessure aggravée''. »
Condamnation infirmée
En 2014, pourtant, un automobiliste a été condamné par le tribunal correctionnel de Tarbes pour homicide involontaire sur un fœtus : cet homme qui suivait un traitement médical et avait bu deux verres de vin le jour du drame a perdu le contrôle de son véhicule et renversé une femme enceinte de 7 mois. Les expertises ont conclu que l’enfant à naître était « viable » et décédé à cause du « choc (…) contre la paroi utérine ». L’automobiliste n’a pas souhaité faire appel de cette décision, mais le parquet général, lui, l’a fait. L’année suivante, la cour d’appel de Pau a finalement infirmé cette condamnation.