COMPTE RENDUSix mois de prison avec sursis requis contre Jean-Marc Morandini

Affaire Morandini : « Le goût de la manipulation »… Six mois de prison avec sursis requis contre l’animateur

COMPTE RENDUSix mois de prison avec sursis ont été requis mercredi à l’encontre de l’animateur de télévision Jean-Marc Morandini, jugé devant le tribunal judiciaire de Paris pour « harcèlement sexuel » et « travail dissimulé »
Thibaut Chevillard

Thibaut Chevillard

L'essentiel

  • L’animateur de télévision Jean-Marc Morandini, 57 ans, condamné en décembre à un an de prison avec sursis pour « corruption de mineurs », est jugé depuis mardi pour « harcèlement sexuel » à l’encontre d’un jeune comédien.
  • Sa société de production, « Ne zappez pas ! production » (NZPP), dont l’animateur est l’unique gérant, est poursuivie de son côté pour le « travail dissimulé » de cinq plaignants. Le procès devant le tribunal judiciaire de Paris s’est déroulé sur deux journées.
  • L’animateur aurait encouragé de jeunes comédiens, âgés au moment des faits de 19 à 26 ans, à s’exhiber nus pour les castings d’une série qu’il produisait. Une pseudo « directrice de casting », Catherine Leclerc - en réalité Jean-Marc Morandini sous pseudonyme - avait envoyé deux mails à l’un d’eux, lui demandant s’il était prêt à faire une fellation à Jean-Marc Morandini « qui n’est pas n’importe qui ».

Au tribunal judiciaire de Paris,

Assis au premier rang près de ses avocats, jambes croisées, Jean-Marc Morandini regarde le sol. Depuis près d’une heure, la procureure, Anne Proust, déroule son raisonnement. Pour la magistrate, l’animateur de CNews, âgé de 57 ans, est coupable de harcèlement sexuel car il a exercé des « pressions graves » sur Gabriel, un acteur de 19 ans qui avait été choisi pour jouer dans la Web-série que l’animateur produisait courant 2015, « Les Faucons ». Objectif : obtenir de la part du jeune homme une fellation. Car le prévenu était « séduit ». « Les sollicitations sont explicites et réitérées », souligne-t-elle. A au moins trois reprises, Jean-Marc Morandini a tenté d’obtenir une faveur sexuelle de la part de la partie civile. Des demandes qui, contrairement à ce qu’il a assuré la veille à la barre, n’avaient rien à voir avec le scénario de la série, mais qui était « purement destinée à [le] contenter ».

La procureure souligne « le goût de la manipulation » du prévenu et observe le « décalage » qui existe « entre les deux hommes ». Jean-Marc Morandini est « un animateur célèbre, qui a une certaine aura, qui a de l’entregent ». Gabriel, lui, « a moins de 20 ans ». « Il n’est pas encore adulte, il n’est jamais venu à Paris, et il a les yeux qui brillent. Il est ambitieux, avide de notoriété, candide, naïf. » Le journaliste l’a invité un matin, avant un entretien, à se rendre dans les studios d’Europe 1 pour assister à la matinale qu’il animait. Le jeune acteur « n’est pas accompagné, il vient seul ». Pour lui, cette visite de la station, « ce n’était pas n’importe quoi », ajoute la magistrate. Gabriel, ce jour-là, n’en revenait pas : Morandini côtoyait professionnellement Cyril Hanouna. « Il a compris à qui il avait affaire. »

Un personnage imaginaire « au cœur de l’infraction »

Quant au personnage imaginaire de Catherine Leclerc, « il est au cœur de l’infraction », insiste Anne Proust. Cette directrice de casting est « son autre moi ». « Il lui permet de formuler des demandes, d’être assez cru, d’être directif, de tordre le bras de Gabriel sans exposer la personne connue, médiatique, en gardant la respectabilité de l’homme publique qu’est Jean-Marc Morandini. » Il lui a donné une existence « au moyen de détails : elle est mariée, elle a un enfant qui est un jeune homme de 15 ans ».

Le jeune acteur « lui fait confiance ». « In fine, il ne peut plus rien lui refuser. » Elle signe ses messages « Maman », « ce qui n’est pas anodin ». Catherine Leclerc « ne brusque pas » Gabriel « mais revient à la charge » plusieurs fois concernant cette histoire de fellation. « Ce n’est pas pour tester ses limites, ce n’est pas pour tester son jeu d’acteur », martèle la magistrate. « Lui, il n’en a pas envie, il résiste et il dit non. »



Elle rappelle que Jean-Marc Morandini a été condamné, en décembre dernier, à une peine d’un an de prison avec sursis assorti d’une obligation de soin de deux ans et son inscription au fichier des auteurs d’infractions sexuelles ou violentes pour des faits de « corruption de mineurs » commis sur trois adolescents entre 2009 et 2016. L’animateur a fait appel de cette condamnation. Mais la magistrate ne peut s’empêcher de remarquer que « les faits se ressemblent forts ».

Concernant l’affaire qui est jugée depuis mercredi, Anne Proust requiert à l’encontre de l’animateur une peine de six mois de prison avec sursis, l’indemnisation de Gabriel, le remboursement des sommes dues au Trésor public, une obligation de soins et une amende de 10.000 euros. A l’encontre de la société « Ne zappez pas ! production », dont l’animateur est l’unique gérant, poursuivie pour « travail dissimulé », la procureure a requis une amende de 50.000 euros. La décision du tribunal devra être diffusée par les grands titres de presse et les sites de casting, a également réclamé la procureure.

La faute à Fogiel

« Jean-Marc Morandini n’a jamais demandé à qui que ce soit de lui faire une fellation ou de la recevoir, jamais de la vie », assure Me Florence Rault, l’une des deux avocates de l’animateur. Selon elle, son client s’est contenté d’interroger le jeune homme « sur son jeu d’acteur » dans le cadre « d’échanges professionnels et courtois ». Le prévenu « n’est pas en train de draguer, il est en train de voir si l’un des acteurs est capable de tourner des scènes prévues dans cette série », ajoute-t-elle.

L’avocate tente ensuite d’expliquer que le prévenu n’était pas sous le charme de Gabriel et qu’il « n’a pas cherché à se faire plus que ça copain avec lui ». « C’est un très bon acteur, il ne dit rien d’autre que ça. » Pour Me Rault, Jean-Marc Morandini est juste la victime d’un complot fomenté par Marc-Olivier Fogiel. « La guerre entre les chaînes est très sale, de plus en plus sale », ose-t-elle. Le patron de BFM TV, comprend-on, aurait commandé un article à « la gentille journaliste des Inrocks » pour salir celui qui aurait été un rival.

Invité à s’exprimer après ses avocates, Jean-Marc Morandini redit au tribunal qu’il n’avait « jamais eu le moindre problème » avec le jeune homme avant la publication de l’article des Inrocks, « un papier de commande ». Au cours de son procès, « on n’a retenu que des morceaux épars » des échanges qu’il a eus avec Gabriel. « Nous avons eu beaucoup d’échanges et ils étaient constructifs. » Il n’a jamais fait « pression » sur le jeune acteur qui « savait bien » qu’il était derrière le personnage de Catherine Leclerc. Le tribunal rendra sa décision le 29 août.