Grasse : Nouveau rebondissement dans l’affaire du « Château Diter », un palais contesté à 57 millions
DECISION Condamné à démolir son « château » jugé illégal, le propriétaire a obtenu du tribunal administratif de Nice le rétablissement de son permis de construire
En quelques années, Patrick Diter avait transformé une modeste bastide de 200 m2, acquise à Grasse (Alpes-Maritimes), en un palais de style Renaissance de 3,000 m2, avec piscine et héliport, estimée par le fisc à 57 millions d’euros. Condamné, après un arrêt de la Cour de cassation, à démolir son « château » jugé illégal, le propriétaire a finalement obtenu du tribunal administratif de Nice le rétablissement de son permis de construire.
Rendu le 31 mai, la décision reconnaît en substance que « l’élément intentionnel de la fraude n’est pas caractérisé » dans la demande de permis de construire déposée en 2006. Cette décision a pour effet d’annuler un arrêté de 2017 de la mairie de Grasse qui l’annulait pour fraude, et donc de le rétablir.
Seuls 70 % des constructions concernés
Le jugement concerne environ 70 % de la surface bâtie par Patrick Diter, c’est-à-dire tous les bâtiments construits à partir de 2005 et concernés par ce permis de régularisation de 2006. Celui des 30 % restants, notamment une route ou les galeries d’un cloître érigées ultérieurement, avait, lui, été annulé par la cour administrative de Marseille en 2012.
La cour d’appel d’Aix-en-Provence, en mars 2019, puis la Cour de cassation, en décembre 2020, avaient confirmé une décision prise en première instance à Grasse qui condamnait ce propriétaire à démolir son bien, jugeant que le permis de 2006 avait été obtenu de manière frauduleuse.
La démolition, qui devait intervenir dans les dix-huit mois à compter de l’arrêt de la Cour de cassation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard passé ce délai, n’a jamais été entreprise par le propriétaire, pas plus que par les services de l’Etat, du fait de la procédure en cours devant la justice administrative. Philippe Soussi et Louis Ribière, avocats de Patrick Diter, estiment que la divergence d’interprétation entre la justice pénale et la justice administrative « interdit, pour l’heure, d’envisager toute démolition ».
Le tribunal des conflits bientôt saisi ?
Le tribunal administratif de Nice semble pourtant confirmer le recours à des bulldozers sur le terrain de Patrick Diter : « Ce jugement n’a pas pour effet de revenir sur les démolitions ordonnées par le juge pénal », précise-t-il.
« Il y a un principe de droit, la Cour de cassation a pris une décision irrévocable qui est exécutoire et définitive, et l’Etat a toujours l’autorisation judiciaire pour remettre en état le terrain », a commenté de son côté Virginie Lachaud-Dana, conseil de voisins du propriétaire. La prochaine étape de ce micmac judiciaire pourrait être un recours devant le Conseil d’Etat, une option « étudiée » aujourd’hui par l’avocate.
Vu les divergences entre ces deux décisions de droit, l’affaire pourrait être renvoyée devant le tribunal des conflits chargé de résoudre les conflits de compétence entre juridictions administratives et judiciaires, selon Louis Ribière.