Affaire Palmade : « Ce n’est pas une pré-peine »… Comment le placement en détention provisoire est-il décidé ?
PRISON Pour prendre leur décision, les magistrats doivent s’appuyer sur plusieurs critères définis par la loi
- Plus de deux semaines après le grave accident qu’il est soupçonné d'avoir provoqué sous l’empire de la cocaïne, l’humoriste Pierre Palmade saura lundi s’il échappe ou non, en appel, à la détention provisoire.
- Le débat sur son assignation à résidence a eu lieu pendant une heure vendredi matin, à huis clos devant la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris. Le parquet général a requis son placement en détention provisoire. La décision a été mise en délibéré à lundi à 11h30.
- Pour prendre leur décision, les magistrats doivent s’appuyer sur les critères définis par l’article 144 du code de procédure pénale.
Pierre Palmade saura lundi s’il échappe à la détention provisoire. Depuis vendredi dernier, l'humoriste, soupçonné d'avoir provoqué un grave accident alors qu'il était sous l’empire de la cocaïne, est assigné à résidence dans le service addictologie d’un hôpital de la région parisienne. Mais le parquet de Melun qui avait requis son placement en détention provisoire après sa mise en examen pour « homicide et blessures involontaires par conducteur ayant fait usage de produits stupéfiants en état de récidive légale » avait immédiatement fait appel. C’est désormais à la chambre de l’instruction de la cour d’appel de Paris qu’il revient de trancher. Les magistrats, qui ont débattu à huis clos durant une heure ce vendredi, ont mis leur décision en délibéré à lundi matin.
Dans l’affaire Palmade, comme dans d’autres moins médiatiques, les juges doivent motiver leur décision en s’appuyant sur l’article 144 du code de procédure pénale. « Le principe, c’est la liberté. La détention provisoire n’est envisageable que si un contrôle judiciaire ou un placement sous bracelet électronique n’est pas possible. Par exception, il peut y avoir un placement en détention provisoire si certains critères définis dans la loi sont respectés », souligne Me Mandine Blondin, avocate pénaliste au barreau de Versailles (Yvelines).
Une mesure « très encadrée »
Dans le cadre d’une information judiciaire, la loi prévoit en effet qu’une personne mise en examen puisse être incarcérée afin de « conserver les preuves ou les indices », d’être « protégée », de « garantir » sa présentation à la justice, d’empêcher qu’elle se concerte avec des complices, ou qu’elle exerce des pressions sur des témoins ou des victimes. La détention ne peut être ordonnée que si elle encourt « une peine criminelle », « une peine correctionnelle d’une durée égale ou supérieure à trois ans d’emprisonnement », ou si elle se soustrait aux obligations de son contrôle judiciaire.
Le parquet pourra alors, en premier, requérir la détention provisoire d’un suspect en expliquant pourquoi elle est nécessaire. « Le juge d’instruction n’est pas obligé de suivre les réquisitions du parquet et peut décider d’une remise en liberté ou d’un placement sous contrôle judiciaire », indique Ludovic Friat, président de l’USM (Union syndicale des magistrats). « En revanche, s’il estime que la détention est nécessaire, il renvoie le dossier devant le juge des libertés et de la détention. Ce dernier prendra sa décision à l’issue d’un débat contradictoire. Elle doit être motivée en droit et en fait, c’est-à-dire qu’il doit expliquer en quoi les critères prévus par la loi s’appliquent au dossier, poursuit-il. C’est très encadré. »
Appel ou remise en liberté
Si elle est incarcérée, la personne mise en cause peut toujours interjeter appel ou déposer une demande de remise en liberté. S’il la refuse, le magistrat instructeur doit, là encore, motiver sa décision. Le juge d’instruction pourra toujours, au cours de la procédure, ordonner sa libération s’il estime que sa détention n’est plus nécessaire.
Autre cas de figure : la détention provisoire peut également être décidée dans le cadre d’un procès en comparution immédiate. « Une audience peut être renvoyée, soit parce que le prévenu demande un délai pour préparer sa défense, soit parce qu’il y a trop de dossiers à juger le même jour. Un débat s’ouvre alors pour savoir ce qu’on fait du prévenu dans l’attente de la prochaine audience, observe Me Mandine Blondin. Il est soit remis en liberté sous contrôle judiciaire, soit assigné à résidence ou placé en détention provisoire. C’est le tribunal correctionnel qui statue, en se basant sur les critères définis dans le code de procédure pénal. » Le juge de la liberté et de la détention n’est pas saisi dans ce cas.
« Incarcérations massives »
Selon les chiffres de l’OIP (Observatoire international des prisons), près de 20.000 personnes étaient placées en détention provisoire à la fin de l’année 2022. « Ces incarcérations massives contribuent largement à la surpopulation carcérale et soumettent prévenus comme condamnés à des conditions de vie particulièrement indignes », écrit l’association. Ainsi, en 2021, plus de 30.000 personnes ont été incarcérées « le plus souvent pour quelques jours, dans l’attente d’une audience », ajoute l’OIP. La même année, 25.000 personnes ont été envoyées derrière les barreaux après qu’un mandat de dépôt a été décerné dans le cadre d’une instruction.
« Ces dernières années, on a essayé de développer les alternatives à l’incarcération, au niveau de l’instruction ou dans l’attente du jugement, mais avec un succès modéré », reconnaît le président de l’USM. Et Ludovic Friat d’insister : « Il ne faut pas oublier que les gens en détention provisoire sont présumés innocents et non présumés coupables. Ce n’est pas une pré-peine. En cas de condamnation par la suite, la durée de détention déjà effectuée sera néanmoins imputée de la peine qu’il faudra purger. » Enfin, si la personne qui avait été incarcérée est relaxée, acquittée ou fait l’objet d’une ordonnance de non-lieu, elle pourra demander à l’Etat d’être indemnisée.