Au septième jour de son procès, « Mr WaynZ » tente de défendre « sa prise de conscience »

compte rendu Ce mercredi, le septième jour du procès de Yannick N., accusé de viols, tentatives de meurtres et séquestration par quatre jeunes femmes, était consacré à l’interrogatoire du streameur

Manon Aublanc
— 
Back view of young gamer playing FPS video games at home
Back view of young gamer playing FPS video games at home — DR
  • Accusé de tentative d’homicide, viols et violences sur quatre de ses ex-compagnes, Yannick N., un streameur de jeu vidéo connu sous le nom de « Mr WaynZ » est jugé du 31 janvier au 10 février, par la cour d’assises de Paris.
  • Coups de pied et de poing, menaces de mort, séquestration, étranglement… Les quatre plaignantes décrivent toutes des scènes d’une grande violence.
  • Ce mercredi, le septième jour du procès était consacré à l’interrogatoire du streameur.

A la cour d’assises de Paris,

C’est debout, droit comme un « I », les mains posées sur le pupitre de son box vitré, que Yannick N., a répondu, ce mercredi pendant près de six heures, aux questions de la cour d’assises de Paris. La septième journée du procès de ce streameur, plus connu sous le nom de « Mr WaynZ », était entièrement consacrée à son interrogatoire. L’homme, aujourd’hui âgé de 34 ans, est jugé depuis une semaine pour tentative de meurtre, viols et séquestrations sur quatre anciennes compagnes.

Car depuis le 30 janvier, parties civiles, témoins et experts se succèdent à la barre. Et tous dressent le même portrait, celui d’un homme impulsif, d’une extrême violence. « A la moindre frustration, il explosait en rage, il devenait incontrôlable », avait raconté l’une des plaignantes la semaine dernière. Coups de pied et de poing, étranglement, viols… Au fil de leurs passages à la barre, ces anciennes petites amies ont décrit des scènes quasi similaires.

« Je n’avais pas l’intention de lui faire du mal »

D’une petite voix, demandant l’autorisation de parler avant de formuler ses réponses, Yannick N. tente de justifier chacun des actes de violences dont l’accusent ses ex-petites amies. A commencer par la tentative de meurtre sur Cécilia*, que l’homme conteste. Ce jour de janvier 2019 dans son appartement du 19e arrondissement, son ancienne compagne est sauvée in extremis par la police, qui a entendu ses appels à l’aide depuis le balcon du cinquième étage. L’homme vient de tenter, à plusieurs reprises, de l’étranger à deux mains et de l’étouffer avec un oreiller. « J’ai appuyé avec ma main sur sa bouche, oui, mais c’était uniquement pour qu’elle arrête de crier », justifie le streameur, jean gris et veste noire, expliquant que ça lui « rappelait quand son beau-père frappait sa mère ». La présidente lui rappelle alors qu’il a violemment tiré son ancienne compagne du balcon quand elle appelait au secours. « J’ai cru qu’elle allait sauter. Je lui ai dit "Tu ne vas pas de suicider pour une dispute !" », donne-t-il comme réponse.

Et Fiona, qui l’accuse de l’avoir séquestré ? Il a effectivement enfermé la jeune femme dans l’appartement en 2017, à l’époque où elle était sa petite amie. Mais « c’était juste pour avoir une discussion avec elle », plaide-t-il. Plusieurs des plaignantes ont décrit la même scène : à la moindre dispute, le trentenaire fermait la porte de l’appartement et gardait les clefs dans sa poche, les empêchant de sortir. « Qu’est-ce qu’une discussion avec une personne retenue contre son gré » ?, lui demande alors la présidente. « Je voulais juste parler », répond-il. « En donnant des coups de marteaux dans la porte de la salle de bains où elle s’était réfugiée ? », enchaîne la présidente, visiblement agacée. « Je n’avais pas l’intention de lui faire du mal. Je voulais juste qu’elle me prenne en considération », murmure-t-il.

« On était des beaufs »

En revanche, sur la fellation qu’Oriane, gameuse et mineure à l’époque, lui reproche de lui avoir imposée, Yannick N. « n’a pas de souvenir ». « Elle l’a fait d’elle-même », assure-t-il. « Elle dit pourtant que vous avez appuyé sur ses épaules pour qu’elle se mette à genoux, que vous avez mis une main sur sa tête et sorti votre sexe avec l’autre », l’interroge la présidente. « Je ne m’en rappelle plus », répond-il.

« Vous lui auriez dit "Chut, ça fait du bien d’avoir une abonnée en tant que plan cul " », poursuit la présidente. « C’est possible que j’ai dit ça. A cette époque j’étais condescendant par rapport aux relations avec les femmes », justifie le gameur. « Et la phrase "J’aimerais bien baiser avec une Noire pour voir ce que ça fait" ? Vous l’avez dite sur Twitch », insiste la présidente. Silence de l’accusé. « Sur Twitch et YouTube, c’est une communauté qui me ressemblait, on était des beaufs, ils parlaient comme ça aussi, c’est pour ça qu’ils continuaient à regarder », ajoute-t-il.

« Ça se passe toujours comme ça la relation sexuelle quand vous avez envie : c’est immédiat et sans préambule ? Les femmes sont un objet ? », enchaîne la présidente. « Pas du tout, j’exprime mes envies avant », assure l’accusé, qui ne reconnaît que certains viols, dont celui sur Iriane, la mère de son enfant.

« La méthode n’était pas la bonne »

Mais quelques heures après le début de son interrogatoire, Yannick N. change de stratégie et défends « sa prise de conscience » : « Aujourd’hui, je peux venir devant vous et dire que oui, j’ai été un salaud, oui, j’ai fait du mal à ces femmes », explique le streameur. Les séances de psychothérapies, entamées en août 2019 et poursuivies chaque semaine depuis son placement en détention en octobre 2019, l’ont fait « évoluer », assure-t-il.

Sur la séquestration de Fiona, « la méthode n’était pas la bonne », répète-t-il à plusieurs reprises. « A cette époque, je me disais que la seule manière de la faire réagir, c’était de l’enfermer. Avec l’homme que je suis aujourd’hui, ça n’arriverait jamais ». « Je n’ai pas à imposer, c’est quelque chose que j’ai appris en thérapie », répond l’homme aux avocats des parties civiles qui remettent en cause « sa prise de conscience ».

« Vous nous dites que vous avez changé ? », lui demande l’une des vice-présidentes. Yannick N. débute sa réponse et s’interrompt brutalement. « Excusez-moi, vous pouvez me regarder s’il vous plaît ? », lance-t-il à la magistrate. Il reprend. « Avant, je disais que ces femmes étaient folles. La prise de conscience, c’est de se rendre compte que c’était moi le problème », poursuit-il, avant d’ajouter : « Je n’essaie pas de me dédouaner. Je veux rendre à ces femmes ce qui leur a été fait ». Les dernières journées seront consacrées aux plaidoiries et aux réquisitions. Le délibéré, lui, est attendu ce vendredi 10 février.

*Les prénoms ont été modifiés.