Incendie meurtrier à Paris en 2019 : Dix morts, des dizaines de blessées… « J’ai mis le feu pour embêter mon voisin »
proces Atteinte de troubles psychiatriques, Essia Boulares, 44 ans, est jugée à partir de lundi pour avoir incendié, en février 2019, l’immeuble de la rue Erlanger (Paris 16e) dans lequel elle habitait
- Dans la nuit du 4 au 5 février 2019, un incendie se déclare au deuxième étage d’un immeuble de la rue Erlanger, dans le 16e arrondissement de Paris. Dix personnes sont tuées, 47 autres blessées.
- Essia Boulares, qui habite cet immeuble, est interpellée – en état d’ébriété et après avoir consommé du cannabis et de la cocaïne – alors qu’elle tente de mettre le feu à une voiture. Cette femme atteinte de troubles psychiatriques, dont le procès démarre ce lundi, est accusée d’avoir mis le feu à l’immeuble de 8 étages après s’être disputée avec des voisins dans la nuit du drame.
- Quelques jours auparavant, elle était sortie d’un séjour de deux semaines en hôpital psychiatrique, le treizième en dix ans. Les experts qui l’ont examinée soulignent la « personnalité borderline » de la mise en cause. Mais ils estiment que ses troubles psychiatriques ont « altéré » – et non aboli – son discernement.
La maman de Myriam n’a pas la force d’affronter le procès qui s’ouvre, ce lundi, devant la cour d’assises de Paris. Seul le père de cette experte comptable de 23 ans, décédée dans l’incendie de l’immeuble de la rue Erlanger (16e) en février 2019, viendra témoigner à la barre. « Il est serein. Il a la volonté de prendre la parole pour dire qui elle était et à quel point il était fier d’elle », explique à 20 Minutes l’avocat de ses parents, Me Manuel Abitbol. En attendant son tour, le père de Myriam prendra place sur les bancs des parties civiles, aux côtés des proches des neuf autres victimes qui ont perdu la vie dans cet incendie, le plus meurtrier dans la capitale depuis août 2005.
« Mes clients attendent aussi des explications concernant l’état psychiatrique » de l’accusée, indique pour sa part Me Deborah Meier-Mimran, qui représente une vingtaine de parties civiles. Dans le box, Essia Boulares, 44 ans, est jugée pour « destruction par incendie de nature à créer un danger pour les personnes, destruction par incendie de biens, destruction par incendie ayant entraîné la mort et destruction par incendie ayant entraîné des blessures ». Cette femme atteinte de troubles psychiatriques est accusée d’avoir mis le feu à l’immeuble de 8 étages dans lequel elle habitait après s’être disputée avec des voisins, dans la nuit du 4 au 5 février 2019.
« Calme et courtoise »
Ce soir-là, peu après minuit, le couple qui habite au deuxième lui demande de baisser le volume de la musique qu’elle écoute. Elle refuse, les insulte, se montre agressive. Alors Quentin L. appelle la police à trois reprises. Une patrouille de la Bac se rend sur place à 0h13. Face à eux, cette femme ne semble pas en pleine crise psychologique, bien qu’elle tienne des propos incohérents. Elle leur indique spontanément qu’elle sort de l’hôpital psychiatrique. Mais ils n’estiment pas nécessaire de l’emmener car elle leur semble « calme et courtoise », diront-ils plus tard. Les fonctionnaires repartent à 0h37 après avoir reconduit Essia B. à son domicile. Ils conseillent à ses voisins d’aller passer la nuit ailleurs et de contacter le syndic pour gérer le problème.
Quentin L. recroise pourtant Essia Boulares un quart d’heure plus tard dans les escaliers, au 1er étage. Loin d’être apaisée, elle lance à ce pompier de profession : « Regarde-moi dans les yeux, toi qui aimes les flammes, ça va te faire tout drôle quand tout va exploser. Moi personnellement je me casse. » Le feu s’est déclaré au 2e étage. Dans leur ordonnance de mise en accusation, consultée par 20 Minutes, les juges d’instructions expliquent que la quadragénaire a « positionné un morceau de bois, un linge et des morceaux de papier » au pied de la porte de son voisin et y a mis le feu à l’aide d’un briquet, avant de partir en courant. Les flammes ravagent le bâtiment. Les habitants qui dormaient sont pris au piège. Trois perdent la vie en sautant par la fenêtre. Sept autres corps seront plus tard retrouvés carbonisés dans les décombres.
« Je n’aurais jamais dû sortir de Sainte-Anne »
Essia, elle, est interpellée par une patrouille de police à proximité de la rue Erlanger alors qu’elle tente de mettre le feu à une poubelle et à une voiture. Placée en garde à vue, elle est examinée aux urgences médico-légales. Les médecins constatent que cette mère d’un enfant de 10 ans présente des « troubles mentaux manifestes ». En outre, elle est positive à l’alcool, au cannabis, et à la cocaïne. Ils estiment qu’elle représente « un danger imminent » pour elle et pour les autres et décident de la placer à l’infirmerie psychiatrique de la préfecture de police.
Quelques jours avant le drame, Essia était sortie de l’hôpital psychiatrique Sainte-Anne, où elle était restée douze jours. Elle y a fait 13 séjours entre 2009 et 2019. « Il aurait fallu me garder, j’étais encore délirante dans ma tête, a-t-elle expliqué aux enquêteurs en juin 2020. Je pense que je n’aurais jamais dû sortir de Sainte-Anne mais après, je ne suis pas docteur. » Le jour des faits, elle s’était sentie perdue et triste, sans raison. Elle était, a-t-elle assuré, « encore délirante ». « J’étais dans un état psychotique, je me prenais pour le messie, en délire de persécution. J’ai mis le feu pour embêter mon voisin, sans penser aux conséquences. »
« Personnalité borderline »
Mais les experts qui l’ont examinée ne sont pas tout à fait du même avis. Ils estiment que ses troubles psychiatriques ont « altéré », et non aboli, son discernement. Même s’ils soulignent dans leur rapport la « personnalité borderline » de la suspecte, ils excluent « un comportement induit par des hallucinations ou une activité délirante ». Selon eux, les faits peuvent être « rattachés à l’impulsivité, à l’intolérance aux frustrations et à l’effet de l’alcool consommé ». Leur conclusion : Essia Boulares est accessible à la sanction pénale.
« Mes clients attendent que les médecins qui ont pu la suivre avant les faits nous expliquent pourquoi son hospitalisation sous contrainte a pris fin, ils ont besoin de comprendre », souligne Me Deborah Meier-Mimran. Mais aussi de savoir « pourquoi les experts ont estimé que son comportement était altéré et non aboli, comment elle se situe, quatre ans après les faits, face à la maladie psychiatrique et face à sa consommation de stupéfiants, notamment de cannabis ».
Essia Boulares encourt la réclusion criminelle à perpétuité et 150.000 euros d'amende. Contacté par 20 Minutes, son avocat, Me Sébastien Schapira, n’a pu être joint.