Drogue à Marseille : Comment Kamel Meziani, « éminent narco », a longtemps échappé à la justice

Procès Surnommé « Souris », le narco-bandit de 38 ans s’était distingué par sa violence réputée et sa capacité à se faufiler pendant près de 10 ans entre les mailles de la police et de la justice

Alexandre Vella
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Kamel Meziani, narco-bandit marseillais, était l'un des fugitifs les plus recherchés de France.
Kamel Meziani, narco-bandit marseillais, était l'un des fugitifs les plus recherchés de France. — Interpol
  • Kamel Meziani 38 ans est jugé, sauf renvoi pour des motifs de procédure, à partir de lundi par la cour d’assises d’Aix-en-Provence.
  • Il est suspecté d’être le commanditaire d’au moins deux doubles assassinats.
  • Chef d’un des plus importants réseaux marseillais de vente de stupéfiants, celui qu’on surnomme « Souris » a longtemps échappé à la justice.

Les enquêteurs voient sa patte sur au moins deux doubles assassinats, qu’il aurait respectivement commandités en 2016 et 2021. Kamel Meziani, 38 ans, décrit comme un « membre éminent du narco-bandistisme marseillais » par les services de police de la ville, est attendu, seul, ce lundi dans le box des accusés de la cour d’assises d’Aix-en-Provence.

Voilà bientôt dix ans que juges et enquêteurs courent derrière celui que le milieu surnomme « Souris ». Après de multiples condamnations pour des délits dès 2002, (conduite sans permis, vols, trafic…) disons modestes au regard des accusations auxquelles il fait face aujourd’hui, le chef suspecté du lucratif réseau de vente de stupéfiants de la cité des Oliviers A change de braquet au début des années 2010. Avec son associé Ali Sadoni, toujours introuvable pour sa part, il est dans les petits papiers de l’OCRTIS (Office central pour la répression du trafic illicite des stupéfiants). Dans un document que 20 Minutes a pu consulter, les enquêteurs rappellent qu’ils ont « déjà été impliqués dans deux affaires de règlements de comptes en février et mars 2013 et mis en examen sous contrôle judiciaire avec versement d’une caution de 150.000 euros dans une triple tentative d’assassinats perpétrée en août 2013 ».

Libéré deux jours avant de prendre quatorze ans

Mais la « Souris » profite en 2016 de son contrôle judiciaire pour filer une première fois. Direction Oran, en Algérie, via Barcelone, où Kamel Meziani entendait s’installer définitivement si l’on en croit des écoutes téléphoniques datant de juin 2017. Un mandat de recherche puis d’arrêt international est lancé contre lui le 24 août 2018. Le 1er février 2019, il est arrêté à l’aéroport de Marrakech et extradé vers la France le 31 décembre de la même année.

Et une fois encore, le « boss » des Oliviers A parvient à s’extraire des filets de la justice avec l’aide de ses avocats. L’un de ses conseils, maître Raphaël Chiche, conteste la procédure d’extradition et obtient le 8 juillet 2020 la levée d’écrou de son client à la faveur d’un arrêt de la chambre criminelle de la cour de cassation. Une libération in extremis. Quarante-huit heures plus tard, le 10 juillet, il était condamné, en son absence, à quatorze ans de prison dans un vaste procès du plan stup des Oliviers. Six mois plus tard, il écopait de trente ans de prison, dont vingt ans de sûreté, dans un verdict rendu par la cour d’assises d’Aix-en-Provence pour « complicité de meurtres » dans le double règlement de comptes du KFC de Plombières, datant d’octobre 2016. Deux affaires pour lesquels il sera jugé. Mais « Souris » courre encore et les règlements de comptes l’opposant depuis près d’une décennie au clan des « Blacks », implantés dans la cité voisine des Lauriers continuent d’ensanglanter la ville.

Dans la nuit du 21 au 22 août 2021, deux hommes sont assassinés, cité de la Marine bleue, ponctuant un été de sang au cours duquel une quinzaine de personnes avaient été tuées. Rapidement, par le biais de surveillances antérieures aux faits, les enquêteurs relient le véhicule qui a servi à ces exécutions à Kamel Meziani. Étonnamment, le chef et fugitif est resté (ou revenu) en France et à Marseille, mener ses troupes à la guerre. Une guerre qui continue aujourd’hui encore d’endeuiller les quartiers : ce conflit pèserait, selon la police, pour neuf des 31 morts sous fond de trafic de stupéfiants de l’année 2022.

Défendu par l’avocat de Redoine Faïd

Continue-t-il à tirer les ficelles depuis sa cellule ? Reste qu’en 2022, Kamel Meziani était sous les verrous. Il avait été arrêté le 31 août 2021, soit dix jours après le double homicide de la Marine bleue, à la barrière de péage de Fleury-en-Bière, remontant depuis le sud. A commencé alors pour lui et ses avocats un long marathon judiciaire. Et ils ont visiblement des ressources et quelques cartes à jouer. En avril dernier, il a été relaxé du chef d’association de malfaiteurs dans l’affaire de la triple tentative d’assassinats perpétrée en août 2013, faute de preuve.

Jugé à partir de lundi et jusqu’au 13 février pour deux autres séquences meurtrières le KFC Plombière de 2016 et la Marine Bleue de 2021 s’en tirera-t-il à si bon compte ? Ses avocats multiplient en tout cas les recours, arguant notamment de la nullité du mandat d’arrêt du 24 août 2018 reposant sur l’enquête réalisée dans l’affaire du KFC Plombière. « La mise en cause de Kamel Meziani repose exclusivement sur les déclarations d’un témoin anonyme », plaide son avocat, Raphaël Chiche, qui défend par ailleurs Redoine Faïd, dans sa requête. Par ailleurs, ce dernier « était déjà à l’étranger » à cette époque, ajoute-t-il.

Cette requête a déjà été rejetée en première instance, en appel et est actuellement en cour de cassation. Si la cour n’a pas encore statué d’ici lundi sur cette requête l’affaire devrait être renvoyée, et Kamel Meziani échappera encore, et pour un temps, à la justice. Si elle y donne droit, il pourrait recouvrer la liberté.