Nord : La misère sociale au cœur du procès pour actes de barbarie envers un enfant de 2 ans

JUSTICE Le premier jour du procès de six adultes, accusés d'actes de barbarie envers un enfant de 2 ans et demi, a décortiqué la personnalité du principal accusé

Gilles Durand
— 
Le procès pour actes de barbarie envers un enfants de 2 ans et demi a débuté, lundi 9 janvier 2023, aux assises du Nord, à Douai.
Le procès pour actes de barbarie envers un enfants de 2 ans et demi a débuté, lundi 9 janvier 2023, aux assises du Nord, à Douai. — G. Durand
  • Six accusés comparaissent, depuis ce lundi et jusqu’au 24 janvier, devant la cour d’assises du Nord, à Douai après la découverte, en décembre 2018, de multiples fractures et blessures sur un enfant de 2 ans et demi.
  • Le premier jour du procès pour actes de barbarie a apporté son lot d’histoires familiales sordides, mais aussi un coup d’éclat inhabituel.
  • La demi-sœur de l’accusé, amenée de force au tribunal, a violemment refusé de témoigner à la barre.

Une demi-sœur qui refuse de témoigner, une mère qui sanglote… Le premier jour du procès pour actes de barbarie envers un enfant de 2 ans et demi a apporté son lot d’histoires familiales sordides, mais déclenché aussi un coup d’éclat inhabituel.

Six accusés comparaissent, depuis ce lundi et jusqu’au 24 janvier, devant la cour d’assises du Nord, à Douai après la découverte, en décembre 2018, de multiples fractures et blessures sur le petit Joris*. L’enquête montrera que l’enfant avait subi un véritable calvaire au sein d’une famille de substitution.

Violent refus de témoigner

Au cœur de cette affaire, la personnalité de Sébastien B., amant de la mère du petit Joris, et un des principaux accusés. Il avait hébergé, pendant deux semaines, l’enfant, avec son épouse Coraline R., à Auberchicourt. 

La première matinée a donc été émaillée d’un épisode singulier : le violent refus de témoigner de la part d’une demi-sœur de Sébastien B.. Amenée de force au tribunal, la jeune fille a résisté aux policiers qui ont fini par l’évacuer, à la demande de la présidente Sylvie Karas. « J’espère que tu vas payer. Et toi, grosse p…, tu as vu ce que tu as fait à mon frère ? », s’est-elle écriée, avant de sortir. 

Cette violente crise et la virulence des propos envoyés vers le banc des accusés en dit long sur l’ambiance délétère et misérable qui entoure la famille, plus décomposée que recomposée, de Sébastien B..

Agressé en prison

Les cheveux courts, le visage tuméfié et deux coquards sous les yeux, le jeune homme de 33 ans, doté d'un QI très faible, a du mal à s’exprimer. Samedi, il a été agressé en prison. « Une agression à cause de cette affaire », a témoigné une autre de ses demi-sœurs qui plaide en sa faveur. « Il était toujours là pour aider. » Elle raconte leur enfance, les hommes qui se succédaient à la maison, tous aussi violents et alcooliques les uns que les autres. « Je voudrais oublier tout ça », glisse-t-elle.

« Il a vécu une enfance épouvantable, comme j’ai rarement vu », résume l’enquêteur de personnalité qui parle d’une mère ne sachant ni lire, ni écrire et qui accepte les divers sévices infligés à son enfant « souffre-douleur » par ses différents compagnons. Jusqu’aux agressions sexuelles quand il était bébé de la part du père, condamné beaucoup plus tard.. 

« Il s’est construit dans un contexte de violence, précise encore l’enquêteur. Il n’a eu aucun repère, aucun point d’ancrage. Il est desséché sur le plan affectif. » D’ailleurs, l’accusé ne se souvient même pas de la date de naissance de ses filles. « Les gens que vous avez rencontrés vous ont-ils parlé de sentiments, d’amour ? », lui demande alors Me Loïc Bussy, l’avocat de Sébastien B.. « Personne », répond l’enquêteur.

Une vie instable, où règne l’adultère

S’ensuit une condamnation à 17 ans pour agression sexuelle sur sa sœur, puis une vie instable où règne l’adultère, sans réel boulot et sous l’emprise visiblement de sa femme, Coraline R., elle aussi accusée d’actes de tortures. Les signalements contre le couple s’accumulent à propos déjà de mauvais traitements envers les filles de Sébastien B., mais les services sociaux se heurtent à des déménagements successifs. « C’est difficile de vous trouver ! », blâme la présidente.

Jusqu’au jour où la mère de Joris*, elle aussi accusée de violences, décide de se rendre à l’hôpital, le 18 décembre 2018, pour faire examiner l’enfant. Les mauvais traitements et humiliations subis par Sébastien B. durant sa jeunesse trouve alors un terrible écho. L’enquête déterminera des violences indicibles. L’enfant, jugé turbulent et qualifié de « pile électrique », a servi de défouloir. Il a été attaché, frappé, humilié, utilisé comme ballon de foot…

Les prochains jours, la cour doit examiner la personnalité des cinq autres accusés. Avec, toujours, la misère sociale en toile de fond.

* Prénom d’emprunt