Nord : Actes de barbarie envers un enfant de 2 ans, six accusés devant la cour d’assises

Procès Six personnes, dont la mère, comparaissent aux assises du Nord pour des violences envers un enfant de 2 ans et demi, un dossier qui semble aussi cacher des failles administratives

Gilles Durand
La cour d'assises du Nord, à Douai. (Archives).
La cour d'assises du Nord, à Douai. (Archives). — M.Libert/20 Minutes
  • Pendant plus de deux semaines, la cour d’assises du Nord, à Douai, doit juger les sévices et actes de barbarie sur un enfant âgé de deux ans et demi.
  • Aujourd’hui, la victime est placée dans une famille d’accueil. Lors de sa dernière expertise de santé, il souffrait de problèmes neurologiques.
  • Une association de protection de l’enfance, « L’Enfant bleu » pointe aussi les dysfonctionnements de la police et des services sociaux dans le suivi des accusés.

« A la fin de son calvaire, cet enfant ne pouvait plus marcher », raconte un avocat. Pendant plus de deux semaines, la cour d’assises du Nord, à Douai, doit juger les sévices et actes de barbarie commis pendant plusieurs jours, à Auberchicourt, sur un enfant âgé de deux ans et demi au moment des faits. Aujourd’hui, le petit Joris* est placé dans une famille d’accueil. Lors de sa dernière expertise de santé, il souffrait de problèmes neurologiques.

Le procès, qui commence lundi, va donc se pencher sur les différentes responsabilités des six accusés, âgés de 26 à 31 ans. L’enquête a commencé le 18 décembre 2018 lorsque Joris est conduit à l’hôpital par sa mère, Christine P.. Il présente de nombreux coups et blessures sur le visage, le corps et les parties génitales. Le personnel soignant décèle aussi des fractures du tibia et du bassin. L’alerte est donnée. La mère est immédiatement placée en garde à vue. En raison de la gravité des blessures, la petite victime est placée en coma artificiel mais elle s’en sortira.

Martyrisé lors de soirées alcoolisées

Les premières auditions font apparaître une mère dépassée par le comportement agité de Joris. Elle explique que c’est la raison qui l’a poussée à confier son fils, de manière continue, à une amie, Coraline R., qualifiée de « marraine », et son compagnon, Sébastien B.. 

Ce couple venait juste de se réinstaller dans le Nord, après avoir vécu pendant deux ans dans le Lot-et-Garonne avec leurs cinq filles. Tous deux sont accusés d’avoir martyrisé le petit garçon, notamment lors de deux soirées alcoolisées organisées à leur domicile, à une semaine d’intervalle.

Deux de leurs proches, Kévin et Jordan D., présents également à ces soirées, doivent également comparaître pour actes de tortures. Tous les quatre risquent trente ans de réclusion criminelle. Une cinquième accusée, la sœur de Coraline R., est accusée, pour sa part, de non-dénonciations de mauvais traitements.

« C’est miraculeux que Joris soit encore en vie »

« Les faits sont graves, assure Jean-Philippe Broyart, avocat d'« Enfance et partage », une des associations de protection de l’enfance qui s’est portée partie civile. L’enfant a subi des humiliations terribles : manger ses excréments, lécher les chaussures… On lui a sauté à pieds joints sur le corps. » « C’est miraculeux que Joris soit encore en vie car il a subi des violences inouïes », insiste Laurence Micallef-Napoly, avocate de l’asso « L’enfant bleu », également partie civile.

La dernière accusée, c’est la mère de Joris, absente lors de ces soirées, mais qui a reconnu, selon les enquêteurs, avoir également commis des violences envers Joris et son frère aîné de 5 ans, pendant de nombreux mois. Elle encourt une peine de 7 ans d’emprisonnement.

Dysfonctionnements de la police et des services sociaux ?

Mais dans ce dossier, l’asso « L’Enfant bleu » pointe aussi les dysfonctionnements de la police et des services sociaux. « De nombreux faisceaux d’alerte auraient dû davantage mobiliser les services de police et sociaux sur les dangers qui pesaient sur Joris, aussi bien au sein de la cellule familiale que dans l’entourage proche », dénonce-t-elle, dans un communiqué.

L’avocate, Me Micallef-Napoly, évoque « un contexte de violences intrafamiliales connues ». « La mère de Joris avait fait l’objet d’un suivi socio-éducatif pendant plusieurs années. En juin 2017, une énième information préoccupante (IP) pour des blessures suspectes sur le frère aîné de Joris avait été transmise à la cellule de recueil des informations préoccupantes du Nord, mais il n’y avait pas eu de suite. »

Idem pour le couple à qui l’enfant a été confié. Cette fois, l’avocate révèle des « carences du système de protection de l’enfance ».  « En octobre 2017, alors que couple résidait dans le Lot-et-Garonne, leur fille aînée a fait l’objet d’une information préoccupante pour des traces de coups. Le service d’investigation apprend à cette occasion que la famille était suivie dans le Nord depuis sept ans par les services sociaux », constate l’association.

Un flou sur le suivi

En octobre 2018, lorsque le couple redéménage dans le Nord, ils échappent une nouvelle fois à la surveillance des services départementaux. « C’est une situation constatée dans d’autres dossiers, le fait de déménager dans un autre département permet d’échapper aux enquêtes », se désole Laurence Micallef-Napoly. « On a effectivement l’impression qu’ils fuient les services sociaux et qu’il existe un flou sur le suivi des accusés », renchérit Me Broyart.

C’est pourquoi L’Enfant Bleu va plaider, dans ce dossier, pour « la création d’un fichier national des informations préoccupantes et des signalements ». Ce ne sera, certes, pas l’objet du procès, mais l’occasion pour le ministère public de s’emparer d’un sujet brûlant pour « éviter à d’autres enfants d’avoir à subir les terribles conséquences de ce type de défaillances », estime Me Micallef-Napoly.

*Nom d’emprunt.