Affaire McKinsey : Quelles sont les enquêtes et les polémiques qui entourent le cabinet de conseils ?

caillou dans la chaussure Des conclusions sévères d’une commission d’enquête sénatoriale en mars aux trois enquêtes ouvertes par le Parquet national financier (PNF), cette affaire n’en finit pas d’embarrasser Emmanuel Macron

20 Minutes avec AFP
Des perquisitions ont été menées mardi 13 décembre 2022 aux sièges parisiens de McKinsey, du parti Renaissance et de l'association de financement du parti présidentiel.
Des perquisitions ont été menées mardi 13 décembre 2022 aux sièges parisiens de McKinsey, du parti Renaissance et de l'association de financement du parti présidentiel. — Lionel BONAVENTURE / AFP
  • Des perquisitions ont été menées mardi 13 décembre 2022 aux sièges parisiens de McKinsey, du parti Renaissance et de l’association de financement du parti présidentiel.
  • Le PNF a ouvert trois procédures : une enquête préliminaire pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée », des investigations pour « tenue non conforme de comptes de campagne » et « minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne », et une information judiciaire pour « favoritisme » et « recel de favoritisme ».
  • 20 Minutes fait le point sur les enquêtes et les polémiques entourant le recours aux cabinets de conseils par l’Etat.

L’affaire McKinsey, le retour. Mardi, des perquisitions ont été menées aux sièges parisiens de McKinsey, du parti Renaissance et de l’association de financement du parti présidentiel. Des conclusions sévères d’une commission d’enquête sénatoriale en mars aux trois enquêtes ouvertes par le Parquet national financier (PNF), cette affaire n’en finit pas d’embarrasser Emmanuel Macron. « 20 Minutes » fait le point sur les enquêtes et la polémique visant les cabinets de conseil, qui fut la principale controverse de la campagne présidentielle.

Quelles sont les trois enquêtes ouvertes par le PNF ?

Plusieurs procédures sont ouvertes. Depuis le 31 mars, le PNF mène une enquête préliminaire pour « blanchiment aggravé de fraude fiscale aggravée », afin de vérifier si le cabinet américain n’a pas mis en place un montage fiscal lui permettant de ne verser aucun impôt sur les sociétés entre 2011 et 2020 en France, ce qu’il réfute.

En octobre, le PNF a par ailleurs confié à des juges d’instruction des investigations pour « tenue non conforme de comptes de campagne » et « minoration d’éléments comptables dans un compte de campagne », à la suite de plusieurs signalements, de plaintes d’élus et de particuliers. Dans ce volet, les enquêteurs s’intéressent aux conditions d’intervention des cabinets de conseil dans les campagnes d’Emmanuel Macron de 2017 et 2022, selon plusieurs sources proches du dossier. Notamment sur des consultants qui auraient travaillé bénévolement pour le candidat.

Une autre information judiciaire a été ouverte pour « favoritisme » et « recel de favoritisme ». Celle-ci se penche plus largement sur le recours de l’État à ces cabinets et sur les conditions de passation des marchés publics dans ce domaine, d’après une source proche du dossier.

Comment est née la controverse politique ?

L’affaire des cabinets de conseil fut la principale polémique de la campagne présidentielle de 2022. Début 2021, Le Canard enchaîné révèle que le gouvernement a fait appel à plusieurs d’entre eux pour l’épauler dans la campagne de vaccination contre le Covid. Le sujet intrigue les sénateurs communistes. Ils obtiennent la création d’une commission d’enquête qui procède à de nombreuses auditions, dont les ministres de la Fonction publique Amélie de Montchalin et de la Santé Olivier Véran.

L’affaire prend de l’ampleur avec la parution d’un livre des journalistes Matthieu Aron et Caroline Michel-Aguirre, Les infiltrés, ou comment les cabinets de conseil ont pris le contrôle de l’État (éd. Allary). Un phénomène vieux d’une vingtaine d’années selon les auteurs, qui estiment que les sommes qui leur sont versées « oscillent entre 1,5 et 3 milliards d’euros par an ».

Le rapport du Sénat, paru le 17 mars, à trois semaines du premier tour de l’élection présidentielle, provoque une déflagration. Les sénateurs dénoncent « un phénomène tentaculaire », évaluent à 893,9 millions d’euros les dépenses de conseil des ministères en 2021, un chiffre qui grimpe à un milliard d’euros tous opérateurs publics confondus. Ils dévoilent aussi des contrats baroques passés avec ces cabinets. Les oppositions s’emparent de ce « scandale d’État ». « Il n’y a pas de combines », se défend Emmanuel Macron. « Quiconque a la preuve qu’il y a une manipulation, qu’il aille au pénal ! »

Le Sénat enfonce le couteau et saisit la justice pour « suspicion de faux témoignage » d’un responsable de McKinsey en France. Ce dernier avait affirmé que son employeur s’acquittait bien de l’impôt sur les sociétés en France. Fin novembre, le ministre de l’Économie, Bruno Le Maire, reconnaît « des abus », désormais « corrigé(s) ». Olivier Véran, devenu porte-parole du gouvernement, répond vertement à cette sortie : « Je ne sais pas ce que c’est qu’une dérive ou un abus ».

Le gouvernement va-t-il vraiment limiter le recours aux cabinets de conseils ?

Dans un document budgétaire publié en octobre, l’exécutif revendique une réduction de 10 % des montants des prestations des cabinets de conseil commandées par l’État au premier semestre 2022. Objectif : diminuer de 15 % la facture sur l’ensemble de l’année. Et, dès 2023, un nouveau cadre s’appliquera à certains contrats : les missions seront pour la plupart plafonnées à 2 millions d’euros et le nombre de prestations réalisées consécutivement par un même prestataire sera limité.

Mais ces nouvelles mesures ne couvrent en réalité qu’environ un quart des dépenses de conseil, excluant notamment les conseils en informatique, selon le président de la commission d’enquête sénatoriale, Arnaud Bazin. Le Sénat a donc relancé son offensive et voté mi-octobre une proposition de loi pour encadrer l’intervention des cabinets.

Le ministre de la Fonction publique, Stanislas Guerini insiste régulièrement sur sa « volonté que le texte chemine », mais le gouvernement ne semble pour autant pas particulièrement pressé de l’inscrire à l’ordre du jour de l’Assemblée. Une telle loi pourrait au final pousser certains spécialistes du conseil à se détourner du secteur public, moins rentable que le privé, s’inquiète aussi le syndicat Syntec, qui représente les cabinets de conseil en France.