Montpellier : 30 ans de prison requis contre l’homme qui avait tenté d’égorger le metteur en scène Alain Françon

Assises L’auteur et metteur en scène avait été égorgé dans la rue et n’avait dû sa vie sauve que grâce à l’intervention de passants

J.D. avec AFP
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Le metteur en scène Alain Françon (Archives)
Le metteur en scène Alain Françon (Archives) — ROMUALD MEIGNEUX/SIPA
  • L’avocat général a requis trente ans de prison à l’encontre de Mohamed Kamel, qui avait tenté d’égorger le metteur en scène Alain Françon.
  • Le deuxième jour de procès a été marqué par le témoignage de la victime, un homme de théâtre reconnu dont la carrière a été couronnée de trois Molière, choisi au hasard dans la rue par son agresseur.
  • Plus que la douleur, l’artiste regrette d’avoir « perdu ce que 45 ans de théâtre (lui) ont appris : la confiance, le respect de l’autre ». « Devenir méfiant, c’est quelque chose que je n’aime pas », souffle-t-il.

L’avocat général a réclamé une peine de trente ans de réclusion criminelle, assortie d’une « période de sûreté de 15 ou 20 ans » et d’un suivi sociojudiciaire avec injonction de soins à l’encontre de Mohamed Kamel. Cet Algérien de 33 ans, arrivé en France à l’âge de 11 ans, a tenté le 17 mars 2021 d’égorger l’auteur et metteur en scène Alain Françon.

Avant le réquisitoire, Alain Françon, 77 ans, a raconté « l’acte totalement dénué de sens » dont il a été victime dans le centre historique de Montpellier. Ce grand amoureux de Tchekhov, dont la carrière prolifique a été récompensée de trois Molières, profitait du beau temps pour se promener, avant de rejoindre le conservatoire d’art dramatique où il animait une formation, quand il a été bousculé par un inconnu venant de derrière.

Sauvé grâce à l’intervention de trois personnes

Mais il n’a pas réalisé qu’il était grièvement blessé, explique-t-il, en évoquant les « gens remarquables » qui lui ont porté secours lorsqu’il finit par s’effondrer, avec une profonde plaie à la gorge d’une quinzaine de centimètres. Un autre s’est enfui en voyant le sang gicler. Celle-ci « aurait été rapidement mortelle sans les premiers soins » prodigués par des passants et deux employés d’une pharmacie, a expliqué la médecin légiste qui l’a examiné ce jour-là, après son opération. « Il ne s’est rien passé d’autre », a insisté Alain Françon, réfutant avoir tenu le moindre propos offensant. Lors de sa garde à vue, Mohamed Kamel avait affirmé que le metteur en scène l’avait « mal regardé ».

Plus que la douleur, l’artiste regrette d’avoir « perdu ce que 45 ans de théâtre (lui) ont appris : la confiance, le respect de l’autre ». « Devenir méfiant, c’est quelque chose que je n’aime pas », souffle-t-il. Pendant les deux semaines qui ont suivi l’agression, jusqu’à l’interpellation du suspect, il a « refait le film » de sa vie, se demandant qui il avait pu « vexer ou humilier à ce point » pour mériter cela.

Pour Mohamed Kamel, des « gens pires » sont en prison

Si Mohamed Kamel a reconnu avoir frappé « un vieux », qui l’aurait « mal regardé », il a toujours nié avoir eu l’intention de le tuer. Au procès, il dit être « désolé », puis il évoque « un accident », souligne que sa victime « n’est pas morte », que des « gens pires » ne sont pas en prison… Quelques minutes avant l’agression, ce Montpelliérain vivant d’expédients entre deux passages en prison avait été refoulé de la préfecture de l’Hérault, où il n’avait pas pu déposer une demande de renouvellement de son titre de séjour, faute de rendez-vous. L’agression, « c’est une réponse aveugle et vengeresse sur une victime bouc émissaire désignée au hasard », a avancé un expert psychiatre.

Bien que n’osant plus circuler en métro et craignant les « ombres dans son dos », Alain Françon avait pu reprendre les répétitions, après quelques semaines, et retrouver ses amis acteurs, techniciens, régisseurs. « La fraternité du théâtre, ça a été ma plus grande thérapie », conclut-il. Le verdict est attendu ce mercredi.