Marseille : Un mort, trois frères et de multiples récidivistes, qui sont les prévenus de l' « affaire Tatoo » ?

PROCES Une trentaine de personnes comparaissent pendant un mois devant le tribunal correctionnel de Marseille pour un vaste trafic international de cocaïne entre l’Amérique du Sud, Paris et le sud de la France

Mathilde Ceilles
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Illustration de cocaïne
Illustration de cocaïne — Sebastien Ortola / 20 Minutes
  • Sur les 28 personnes appelées à la barre ce mercredi pour le premier jour du procès Tatoo à Marseille, seules 20 ont répondu présents.
  • Certains se sont en effet fait porter pâles, tandis que d’autres ont été tués avant d’être jugés dans cette vaste affaire de trafic internationale de cocaïne entre l’Amérique latine, la France et l’Italie.
  • Les prévenus jugés dans ce dossier, souvent multirécidivistes, sont soupçonnés d’avoir acheminé en 2014 des valises de drogue dans les aéroports français en communiquant via le système Tatoo, très en vogue à la fin du siècle dernier.

Les têtes grisonnantes s’alignent aux côtés des crânes rasés et autres calvities devant la septième chambre du tribunal correctionnel de Marseille. Sur les 28 prévenus appelés ce mercredi à la barre, la majorité est âgée d’une cinquantaine d’années. Des quinquagénaires jugés dans une affaire tentaculaire de trafic international de cocaïne entre l’Amérique du Sud, la France et l’Italie. Selon les enquêteurs, ce réseau, qui communiquait via les bipers Tatoo très en vogue dans les années 1990, avait acheminé entre 2012 et 2014 dans des aéroports parisiens, grâce à des bagagistes corrompus, des valises chargées de 24 à 36 kg d’une cocaïne extrêmement pure en provenance notamment de Colombie. Elle était ensuite vendue en région parisienne, dans le sud de la France et même en Italie.


Des quinquagénaires, qui, après examen de leurs casiers judiciaires par la présidente du tribunal en ce premier jour de procès, n’en sont pas à leur coup d’essai, notamment en matière de trafiquants de drogue, au moment de leurs arrestations en 2014 dans ce dossier rocambolesque. Nombre d’entre eux ont déjà été condamnés à plusieurs reprises pour des faits remontant parfois au siècle dernier, à l’image d’un certain Vincent Saccomano. Celui qui est aujourd’hui responsable des crêpes et des gaufres dans un snack d’un centre commercial des Alpes-Maritimes a eu affaire avec la justice pour la première fois en 1985 et a été emprisonné notamment pour « assassinat ». Considéré comme un pilier du « gang des Alpes », bande impliquée notamment dans des affaires d’extorsions, Vincent Saccomano a été déjà condamné dans le passé pour trafic de stupéfiants. « J’ai eu la bêtise, la faiblesse de vouloir rendre service à un copain qui avait refait la maison de ma mère, justifie-t-il. Au moment de payer, au lieu de régler, il m’a demandé de lui présenter quelqu’un qui pouvait lui faire faire plus d’argent. Il voulait faire un peu de trafic. Et j’ai eu la faiblesse, la bêtise d’accepter. »

Un réseau de famille

Et en la matière, il est loin d’être le seul dans ce dossier. Considéré avec ses deux frères comme les têtes de ce vaste réseau, Abdelkrim Seraf traîne lui aussi derrière lui un lourd casier judiciaire. « Je relève trois condamnations pour des faits en lien avec le trafic de stupéfiants », souffle la présidente. « Pour la première, en 1996, j’étais jeune », justifie Abdelkrim Seraf. Le procureur de la République précise que dans cette même affaire, deux autres personnes avaient été condamnées à ses côtés, et se retrouvent de nouveau dans l’affaire Tatoo. Et parmi elle, un certain Karim, qui n’est autre que le frère d’Abdelkrim Seraf.

En effet, dans ce milieu mis à jour par la police, tout le monde semble se connaître. Et pour cause : chacun appartient au cercle familial de l’autre, de près ou de loin, donnant l’impression que le réseau était tenu par une petite tribu. Ainsi, selon les enquêteurs, les trois frères Seraf avaient recruté beaux-frères et cousins pour les épauler dans leur entreprise, tandis que plusieurs compagnes de membres présumés du réseau se retrouvent à leur tour à la barre pour « association de malfaiteurs ».

Absence et silence

Mais dans cette famille, en ce premier jour de procès, plusieurs voix clés manquent à l’appel. Sur les 28 prévenus, 20 seulement ont répondu présents. Deux des prévenus, deux Colombiens qui auraient joué les intermédiaires entre les fournisseurs et les bagagistes corrompus, sont en fuite et sous le coup d’un mandat d’arrêt. Un prévenu ne se présentera jamais, et pour cause : selon son avocat, il est mort l’année dernière « dans des conditions mystérieuses. » Protagoniste de ce dossier, Kamel Seraf a été pour sa part admis la semaine dernière dans une clinique psychiatrique, durant un mois… soit le temps de la durée du procès. Un autre prévenu s’est fait porter pâle pour quelques jours.

Le signe que certains ont peur de parler ? Un silence de plomb entoure en effet ce dossier… et les déclarations des prévenus, comme Francisco Jimenez Galvan. Considéré comme ayant joué le rôle d’intermédiaire entre les frères Seraf et les narcotrafiquants colombiens, le sexagénaire a prévenu d’emblée : « Je ne veux pas mentir, vous raconter des conneries. Je préfère par respect garder le silence. Vous avez tout le dossier. »