Procès de l’attentat de Nice : L’hypothèse d’une « manipulation » par le tueur évoquée à l’audience

personnalite Toute la semaine, la cour d’assises spéciale de Paris tente de cerner la personnalité et les motivations de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, l’auteur de l’attentat de la promenade des Anglais abattu par la police

20 Minutes avec AFP
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Le procès se poursuit jusqu'à mi-décembre devant la cour d’assises spéciale de Paris.
Le procès se poursuit jusqu'à mi-décembre devant la cour d’assises spéciale de Paris. — Francois Mori/AP/SIPA
  • L'« hypothèse » selon laquelle l’auteur de l’attentat de Nice aurait volontairement laissé des indices pour impliquer des connaissances, par vengeance ou par sadisme, a été évoquée mardi au procès organisé à Paris.
  • Trois des huit accusés, membres de son entourage, sont renvoyés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT).
  • Des SMS, des photos et des notes manuscrites de Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, les impliquant directement, avaient été retrouvés.

Il y a « des éléments qui peuvent laisser penser qu’il a cherché à mettre son entourage dans la mouise », avance un policier de la sous-direction antiterroriste (Sdat). L'« hypothèse » selon laquelle l’auteur de l’attentat de Nice aurait volontairement laissé des indices pour impliquer des connaissances, par vengeance ou par sadisme, a été évoquée mardi au procès organisé à Paris.

Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, un Niçois de nationalité tunisienne, avait fait 86 morts et plus de 400 blessés le soir du 14 juillet 2016 au volant d’un camion-bélier sur la Promenade des Anglais avant d’être abattu par la police. Toute la semaine, la cour d’assises spéciale de Paris va tenter de cerner sa personnalité et ses motivations.

Des SMS, des photos et des notes manuscrites

Aucune complicité n’a été établie pendant l’enquête, mais trois des huit accusés au procès, membres de son entourage, sont renvoyés pour association de malfaiteurs terroriste (AMT). Ils avaient été rapidement mis en cause après la découverte sur l’assaillant d’un téléphone portable non verrouillé, affichant un SMS envoyé quelques minutes avant l’attentat. Ce message mentionnait le nom de deux d’entre eux : « Salam Ramzi [Arefa…], le pistolet que tu m’as donné hier, c’est très bien. Alors ramène cinq [supplémentaires], c’est pour Chokri [Chafroud] et ses amis ».

Une note vocale quasiment identique, envoyée quelques heures plus tôt, précisait : « Chokri et ses amis sont prêts pour le mois prochain, maintenant ils sont chez Walid », le deuxième prénom de Mohamed Ghraieb, le troisième accusé renvoyé pour AMT.

De plus, chez Mohamed Lahouaiej-Bouhlel sont retrouvés 39 tirages photos issus de clichés pris avec son téléphone, le montrant en compagnie d’autres personnes à la plage ou au café, parfois annotés avec des prénoms. On trouve aussi une feuille où figure une liste manuscrite de noms et de numéros de téléphone.

Une « première » dans une affaire terroriste

« Pensez-vous qu’il s’agit d’une erreur de sa part, d’affolement, ou d’une volonté de manipulation ? », interroge le président de la cour, Laurent Raviot. « Certainement pas de l’affolement », répond l’enquêteur, qui rappelle que l’assaillant a longuement préparé et mûri son acte criminel. A l’invitation d’un avocat de la défense, il reconnaît que « c’est la première fois qu'[il a] affaire » à ce type d’éléments dans une affaire terroriste, domaine généralement marqué par la volonté de « dissimulation » des protagonistes.

« On n’a pas d’éléments objectifs qui permettent de comprendre pourquoi il a fait ça. Je pense qu’il y a une volonté de sa part qu’on retrouve les personnes en question. Je n’ai pas une hypothèse définitive avec des preuves à l’appui. L’analyse de ces éléments sera faite par la cour », précise toutefois le policier de la Sdat.

Auparavant, l’enquêteur avait dressé le portrait d’un « obsédé sexuel », « fasciné par la violence », y compris celle de la propagande de l’organisation Etat islamique (EI), mais chez qui « la volonté de faire du mal » précède d’éventuelles convictions djihadistes.

Radicalisation « dans les dernières semaines »

Sur son profil, l’enquêteur rappelle les témoignages de son ex-femme évoquant des violences conjugales « quasi quotidiennes » ou sa condamnation en mars 2016 à six mois de prison avec sursis pour avoir frappé un homme à la tête.

Dès décembre 2014, Mohamed Lahouaiej-Bouhlel déplore dans un SMS à sa femme la mort de l’auteur de l’attaque du commissariat de Joué-lès-Tours. Il consulte des photos de propagande de l’EI dès mars 2015, après l’attentat au musée du Bardo, près de Tunis. Mais « il y a, je pense, une adhésion à la violence des actions commises, sans qu’il y ait forcément un aspect religieux qui soit prégnant », analyse le policier.

En revanche, « ce qui nous laisse dire qu’il y a une radicalisation dans les dernières semaines, c’est le caractère exponentiel des consultations » à partir de fin juin 2016. Ses amis ont aussi rapporté ce que l’enquêteur qualifie de « signaux faibles de religiosité ». A l’un, il a reproché de boire de l’alcool, à un autre, il a confié faire le ramadan et lui a proposé d’aller à la mosquée, un troisième a remarqué que Mohamed Lahouaiej-Bouhlel écoutait le Coran dans sa voiture et s’est vu reprocher « son short trop court ».

L’attentat de Nice a été revendiqué par l’EI deux jours après, mais l’enquête n’a pas établi de lien direct entre l’assaillant et le groupe djihadiste.