Procès de l’attentat de Nice : Le dispositif de sécurité sur la promenade des Anglais en question

PARALLELE Même s’il n’est pas l’objet du procès, le dispositif de sécurité le soir du 14 juillet 2016 est présent dans les débats. Le maire de Nice Christian Estrosi doit témoigner ce jeudi alors qu’une instruction judiciaire est toujours en cours sur ce sujet

Fabien Binacchi
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Le camion-bélier de l'attentat du 14-juillet sur la promenade des Anglais, à Nice
Le camion-bélier de l'attentat du 14-juillet sur la promenade des Anglais, à Nice — Luca Bruno/AP/SIPA
  • En plus du procès ouvert à Paris, certaines victimes attendent également une deuxième réponse de la justice sur le dispositif de sécurité en place le soir de l’attentat du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais.
  • Une information judiciaire « entre les mains de deux juges d’instruction » est « toujours en cours » depuis 2017 à ce sujet, indique le procureur de Nice, précisant que la volonté du parquet « est d’aller au bout des investigations ».
  • L’actuel maire de Nice Christian Estrosi et Philippe Pradal, qui l’était au moment des faits, vont témoigner ce jeudi.

Le procès ouvert devant la cour d’assises spéciale de Paris pourra contribuer à « la reconstruction » des victimes. Beaucoup l’espèrent. Mais pour certaines d’entre elles, ces quatre mois d’audience, destinés à juger huit personnes suspectées d’avoir aidé Mohamed Lahouaiej-Bouhlel, ne suffiront pas. Elles attendent également une deuxième réponse de la justice sur le dispositif de sécurité en place le soir de l’attentat du 14 juillet 2016 sur la promenade des Anglais à Nice. « Il y a aussi une recherche de vérité de ce côté-là », expliquait une avocate à 20 Minutes.

Alors y a-t-il eu des lacunes ? La question, qui fait l’objet d’une information judiciaire depuis 2017, s’est déjà largement imposée au fil des débats organisés ces dernières semaines. Et les nouveaux témoignages, ce jeudi après-midi, de l’actuel maire de Nice Christian Estrosi et de Philippe Pradal, qui l’était au moment des faits, seront particulièrement suivis. Leurs réponses sont attendues.

Des différences avec l’Euro, quatre jours plus tôt

Notamment sur la présence du poids lourd avec lequel le terroriste a fait 86 morts et plus de 450 blessés. « Pourquoi n’est-on pas intervenu sur ce camion qui a fait neuf ou onze repérages différents, y compris le jour même, dans la ville la plus surveillée de France ? Comment un camion peut-il rentrer de manière aussi facile », a déjà demandé Philippe Murris, qui a perdu sa fille dans l’attentat, fin septembre.

D’autres parties civiles s’interrogent sur la différence entre les mesures draconiennes de sécurité en vigueur au moment de l’Euro de football, organisées jusqu’au 10 juillet 2016, et celles mises en place quatre jours plus tard pour la Fête nationale.

Les élus de la mairie de Nice pourraient à nouveau renvoyer la responsabilité à l’Etat qui avait « autorisé » les festivités du 14 juillet et « qui arbitre », « in fine », assurait déjà Christian Estrosi au printemps 2019, interrogé alors comme témoin assisté. « Si on avait demandé à la ville d’appliquer un système étanche, nous l’aurions fait », avait-il clamé.

« Quand on voit le résultat, c’était trop léger »

« C’était à l’autorité préfectorale et aux services de la ville d’assurer la protection », a affirmé de son côté l’ex-président François Hollande, auditionné au procès le 10 octobre aux côtés de son ancien ministre de l’Intérieur. Sur les mesures de sécurité, « il n’y a eu aucun relâchement » et « toutes les forces sur le terrain ont été maintenues », ont-ils certifié.

Bernard Cazeneuve indiquait également que 64 policiers nationaux étaient mobilisés sur la Promenade des Anglais, 107 pour tous les événements du 14 juillet à Nice et 197 sur l’ensemble de la circonscription, des chiffres « de 20 % supérieurs aux effectifs mobilisés l’année précédente ».

« Quand on voit le résultat, bien sûr, c’était trop léger » mais le dispositif en place ce soir-là était bien « habituel pour le 14 juillet », a expliqué, de son côté, mardi à la barre, la policière qui a abattu l’auteur de l’attentat dans la cabine de son camion-bélier.

« Mise en danger d’autrui » ?

Le dispositif était-il tout de même « trop léger » dans le contexte de l’époque ? C’est ce que l’information judiciaire « toujours en cours » depuis 2017 et « entre les mains de deux juges d’instruction » doit déterminer, rappelle le procureur de la République de Nice. Sollicité par 20 Minutes, Xavier Bonhomme rappelle que ce second dossier porte sur « la mise en danger d’autrui, risque immédiat de mort ou d’infirmité par violation manifestement délibérée d’obligations réglementaires, de sécurité ou de prudence ».

Une infraction à plusieurs éléments constitutifs très précis. « Il faut démontrer un comportement volontaire d’une ou plusieurs personnes qui, en ayant connaissance du risque, ne prennent pas les mesures nécessaires de protection, tout en sachant que des dommages pouvaient se produire et que la probabilité de leur réalisation était forte », précise le procureur.

Après près de cinq ans de procédure, aucune mise en examen n’a encore été prononcée et certains s’inquiètent que le dossier ne finisse par être classé. Dans un communiqué commun publié mercredi, la Ligue des droits de l’Homme, le Syndicat des avocats de France et le Collectif citoyen 06 réitèrent leur demande « d’un procès spécifique ». « Afin d’éviter toute pression locale », écrivent-elles, ces associations réclament même le « dépaysement de l’information judiciaire en cours » et « que ce dossier ne soit plus instruit à Nice ». La volonté du parquet « est d’aller au bout des investigations », affirme de son côté le procureur Xavier Bonhomme. Dans cet autre dossier, le nombre de parties civiles « évolue quasiment chaque jour » mais, mardi, 182 constitutions avaient déjà été enregistrées, a-t-il encore précisé à 20 Minutes.