Procès de l’attentat de Nice : « Je me vois encore devant la mort », témoigne une adolescente

SIX ANS APRÈS Myrtille, 15 ans aujourd’hui, est la plus jeune victime à avoir témoigné devant la cour d’assises spéciale de Paris où se tient le procès de l’attentat du 14-Juillet depuis six semaines

20 Minutes avec AFP
Le procès de l'attentat de Nice s'est ouvert lundi 5 septembre.
Le procès de l'attentat de Nice s'est ouvert lundi 5 septembre. — Christophe Ena/AP/SIPA
  • « J’ai cette image, encore régulièrement, de moi devant la mort, ne pouvant plus rien faire », a livré son témoignage Myrtille, 15 ans aujourd’hui, sur ce jour du 14-Juillet 2016 à Nice.
  • Elle est la plus jeune à venir à venir devant la cour d’assises spéciale de Paris pour raconter le jour où elle a failli mourir.
  • Peu de mineurs, parmi les centaines qui ont souffert ou souffrent de traumatismes liés à l’attentat, ont eu l’occasion de témoigner devant la cour.

Elle est la plus jeune à venir à venir devant la cour d’assises spéciale de Paris pour raconter le jour où elle a failli mourir. Myrtille, 15 ans aujourd’hui, n’est pas la plus jeune victime de l’attaque au camion-bélier de Nice mais peu de mineurs, parmi les centaines qui ont souffert ou souffrent de traumatismes liés à l’attentat, ont eu l’occasion de témoigner devant la cour. Le soir du 14-Juillet, quinze sur les 86 personnes tuées avaient moins de 18 ans.

« J’ai cette image, encore régulièrement, de moi devant la mort, ne pouvant plus rien faire », raconte avec une voix restée infantile Myrtille, cheveux partiellement teints en blond, caban et pantalon noir, jeudi. Elle se tient bien droite devant la cour. Sur le pupitre, elle a disposé quelques copies perforées, comme celles que les élèves utilisent au lycée, où elle a jeté des notes manuscrites prenant soin, comme pour un devoir, de surligner certains passages. Elle s’efforce de parler clairement mais ne peut de s’empêcher de se masser les mains pour évacuer son stress.

« J’ai entendu des cris puis j’ai vu le camion »

Myrtille avait seulement neuf ans le soir du 14 juillet 2016. « Ce soir-là nous avions décidé d’aller faire du roller (avec son père) sur la promenade des Anglais comme nous le faisions souvent en été », dit-elle. « Je me souviens avoir parlé de la température agréable et d’avoir dit que j’aimerais que tous les soirs soient comme celui-là », poursuit-elle avec un sourire triste.

Après avoir vu le feu d’artifice, Myrtille et son père reviennent vers leur domicile quand soudain « nous avons vu des gens courir vers nous ». Derrière ces gens pris de panique il y a le camion de 19 tonnes du Tunisien Mohamed Lahouaiej-Bouhlel lancé à pleine vitesse sur la foule rassemblée sur la Promenade. « J’ai entendu des cris puis j’ai vu le camion », dit l’adolescente. La petite fille d’alors est littéralement tétanisée.

« Je n’ai pas compris ce qui se passait. J’ai cru que c’était un accident. Que le conducteur avait perdu le contrôle » de son véhicule, explique-t-elle. « A ce moment-là, j’avais peur pour lui ». Le camion s’approche. « J’ai vu des gens sauter » par-dessus une rambarde pour aller sur la plage « mais avec mes rollers je ne pouvais pas le faire ». Myrtille est submergée par l’impression « que plus rien n’est possible ».

Le camion zigzague choisissant là où il y a le plus de monde. Son père la pousse vers la droite. Ils tombent tous les deux sur la chaussée et le camion les frôle. « J’ai vu les roues du camion devant moi et même si cela n’a duré que quelques secondes j’ai parfois l’impression de revivre une scène qui dure une éternité », dit la jeune fille.

« Ça me glace le sang »

Quand elle retrouve ses esprits, son père Kevin, également présent à la barre, l’exhorte de ne pas regarder autour d’elle. En vain. « Les gens hurlaient, criaient, c’était le chaos », se souvient Myrtille. Kevin appelle sa compagne. Myrtille appelle sa mère. « Quand elle a décroché, elle pleurait », dit l’adolescente qui, en entendant les pleurs de sa mère, réalise la tragédie qui vient de se dérouler.

A partir de ce moment c’est le trou noir. « Je ne me souviens ni du lendemain, ni des jours, ni encore des mois qui ont suivi » l’attentat. Ce dont elle se souvient aujourd’hui ce sont « les nuits sans sommeil, les pleurs sans raison apparente, la solitude, les crises de panique au moindre imprévu ». La voix un peu fêlée, elle raconte ces petites choses du quotidien qui la font toujours sursauter ; les voitures qui roulent un trop vite, les feux d’artifice - elle n’en a jamais revu –, le bruit des pétards, voire « un claquement de doigts » brusque. « Ça me glace le sang », dit-elle.



Myrtille parle d' « un poids qui pèse sur ses épaules ». « Rien ni personne ne pourra changer les événements de ce soir-là » mais « peut-être que le procès permettra d’envisager un futur meilleur ». « Peu importe que ce futur soit compliqué, beau ou tumultueux », poursuit Myrtille qui rêve de ne plus rester « enchaînée à ce passé ».