Soupçons de conflits d’intérêts : La CJR se prononce ce lundi sur un éventuel renvoi de Dupond-Moretti

CONVOCATION Le ministre affirme avoir « la quasi-assurance » d’être renvoyé en procès

20 Minutes avec AFP
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, lors d'une conférence à Cayenne.
Le ministre de la Justice Eric Dupond-Moretti, lors d'une conférence à Cayenne. — Nicolas DEFAUX/SIPA

Eric Dupond-Moretti est suspendu ce lundi à la décision de la Cour de justice de la République. La CJR doit en effet se prononcer sur un renvoi éventuel en procès du garde des Sceaux, soupçonné de conflits d’intérêts.

L’ancien ténor du barreau, nommé à la tête de la Chancellerie à l’été 2020 et reconduit à ce poste après la réélection en mai d’Emmanuel Macron, est convoqué à 9 heures avec ses avocats devant la commission d’instruction de la CJR. Cette dernière, qui l’a mis en examen pour prises illégales d’intérêt en juillet 2021, lui dira si elle a décidé de le faire comparaître devant sa formation de jugement, seule habilitée à juger les membres du gouvernement pour des crimes ou délits commis dans l’exercice de leur mandat.

« Aucune illusion sur le sens de la décision »

Pour le ministre lui-même, dont les relations avec la magistrature sont notoirement difficiles, la décision ne fait pas de mystère : il a affirmé mardi avoir « la quasi-assurance » d’être renvoyé. Ses avocats ont aussi indiqué vendredi n’avoir « aucune illusion sur le sens de la décision ».

Dans cette éventualité, il s’agirait d’une première pour un ministre de la Justice encore en exercice. « J’ai toujours dit que je tenais ma légitimité du président de la République et de la Première ministre et d’eux seulement », a-t-il toutefois déclaré mardi. Son renvoi ne manquerait pas de poser une nouvelle fois la question du maintien au gouvernement de l’ancien pénaliste.

Eric Dupond-Moretti est accusé d’avoir profité de sa fonction, une fois à la tête du ministère de la Justice, pour régler des comptes avec des magistrats avec lesquels il avait eu maille à partir lorsqu’il était avocat, ce qu’il conteste. Des plaintes de syndicats de magistrats et de l’association anticorruption Anticor, dénonçant deux situations de conflit d’intérêts depuis son arrivée à la Chancellerie, avaient donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire en janvier 2021.

L’affaire « Paul Bismuth »

Le premier dossier concerne l’enquête administrative qu’il a ordonnée en septembre 2020 contre trois magistrats du Parquet national financier. Ils avaient fait éplucher ses factures téléphoniques détaillées quand Eric Dupond-Moretti était encore une star du barreau dans le but de débusquer une éventuelle taupe qui aurait informé Nicolas Sarkozy qu’il était sur écoutes dans l’affaire de corruption dite « Paul Bismuth ».

Dans le second dossier, il est reproché au garde des Sceaux d’avoir diligenté des poursuites administratives contre un ancien juge d’instruction détaché à Monaco, Edouard Levrault, qui avait mis en examen un de ses ex-clients. Le CSM a décidé le 15 septembre de ne pas sanctionner Edouard Levrault, estimant qu' « aucun manquement disciplinaire ne saurait lui être reproché ». Tout au long de l’enquête, Eric Dupond-Moretti a par contre répété n’avoir fait que « suivre les recommandations de son administration ». Un argument qui n’a guère convaincu le ministère public : il a requis en mai un procès contre le ministre.