Incidents au Stade de France : Avides de réponses, les fans de Liverpool hésitent sur les suites judiciaires proposées par les autorités françaises
ENQUETE Des policiers français ont été dépêchés à Madrid et Londres pour recueillir les plaintes des supporters du Real et de Liverpool
- Les Britanniques et Espagnols, dont plusieurs ont aussi subi des agressions et des vols après le match, « pourront déposer plainte dans leur pays » avait annoncé Gérald Darmanin devant le Sénat le 1er juin dernier.
- Des formulaires de plainte contre X ont été mis en ligne et traduits sur les sites des ambassades françaises à Londres et Madrid et peuvent être adressés au parquet de Bobigny.
- Mais la défiance reste forte du côté des supporteurs qui suspectent les autorités françaises de vouloir « étouffer l’affaire ».
Dix jours après la finale chaotique de la Ligue des champions entre Liverpool et le Real Madrid, la défiance et la colère des fans des Reds s’affichent désormais sur les grilles du stade d’Anfield. « Sécurité ignorée. Darmanin menteur ! », peut-on lire sur une banderole, largement diffusée sur les réseaux sociaux. Accusés par le gouvernement français d’être à l’origine des débordements survenus à l’extérieur du Stade de France le 28 mai dernier, les supporteurs britanniques ont été durablement meurtris par la gestion de l’événement.
Soutenus par les dirigeants de leur club et quelques élus britanniques, les fidèles de Liverpool ont accentué la pression autour de Gérald Darmanin, à l’origine des saillies les plus dures à leur encontre. Sommé de s’expliquer devant les sénateurs Français, le locataire de la place Beauvau a formulé depuis de timides excuses, reconnaissant des « gestes inappropriés » du côté de forces de l’ordre et une organisation défaillante de l’événement sportif par les autorités.
Des formulaires mis en ligne
Pour faire face aux critiques venues d’outre-Manche, le ministre de l’Intérieur a indiqué qu’un dispositif de plainte allait être mis en place pour les supporteurs victimes d’incidents le soir de la finale. Deux formulaires, traduits en espagnol ou en anglais, pour déposer une plainte contre X sont disponibles en effet depuis ce mardi 7 juin sur le site des ambassades de France à Londres et à Madrid.
« Ces plaintes seront ensuite traitées par les juridictions compétentes : le parquet de Bobigny pour les faits commis en Seine-Saint-Denis ou le parquet de Paris » pour les faits commis aux abords des fan-zones déployées dans la capitale, indique la place Beauvau à 20 Minutes. Si aucun lien vers la page proposant de signaler un comportement suspect des policiers auprès de l'IGPN n'est directement proposé, il est possible de dénoncer des faits autres que le vol ou l'agression dans un des formulaires.
En parallèle de ces documents deux policiers ont été dépêchés à Madrid et trois à Londres pour accompagner les éventuels plaignants dans leur démarche. A Madrid, l’ambassade précise que ces fonctionnaires seront présents jusqu’au 17 juin. Les supporteurs lésés ont donc dix jours à peine pour se signaler aux autorités judiciaires françaises. Contactés, les services de l’Ambassade à Londres n’ont pas donné suite à nos sollicitations. Impossible de savoir combien de temps ces policiers resteront sur place côté britannique.
Un traumatisme trop récent
Dans les rangs des supporteurs de Liverpool, le dispositif suscite plus de questions que de soulagement. Rassemblés lors d’une réunion de crise samedi 4 juin, les membres du groupe de supporteurs « Spirit of Shankly » ont fait part de leurs interrogations. « Nous consultons encore nos avocats pour décider de la meilleure marche à suivre », a précisé l’organisation à 20 Minutes.
Pour certains fans, le souvenir de cette soirée reste trop vif pour engager d’ores et déjà des poursuites judiciaires. C’est le cas de Patrick, 55 ans, agressé à la sortie du match. Sans totalement fermer la porte à une plainte « en temps voulu », ce fan des Reds se dit « encore traumatisé » : « Je ne suis pas certain qu’une enquête puisse m’aider à digérer ce que j’ai vécu ce soir-là », confie-t-il.
Un sentiment d’injustice
Pour Carl, au contraire, le dépôt de plainte semble « indispensable ». Présent le soir de la finale avec son fils âgé de 9 ans, cet inconditionnel de Liverpool a lui été visé par des gaz lacrymogènes lancés à l’issue de la rencontre à proximité du stade. « Mon fils est venu assister à un match de foot et il a été victime d’abus qu’il ne méritait absolument pas », justifie-t-il. Un sentiment d’injustice partagé par Mathilde, trentenaire française et fan des Reds depuis son enfance.
Bloquée dans la foule pendant plus de deux heures devant l’une des portes de l’enceinte sportive, la jeune femme a été blessée aux côtes après avoir tenté de fuir des jets de gaz lacrymogènes. « Je ne voyais plus rien et les CRS ont commencé à charger. On n’a pas compris ce qu’il se passait », souffle-t-elle. Membre du groupe « Spirit of Shankly », cette mère de famille se dit prête à participer à une procédure collective mais hésite encore à déposer une plainte formelle en son nom. « On attend de savoir ce que le club et ce que le groupe nous conseille de faire mais clairement, personne au sein des supporteurs ne souhaite que ça en reste là ».
Si l’ampleur des conséquences judiciaires liées à ces incidents est pour l’heure difficile à mesurer, la collecte de témoignages réalisée par le club de Liverpool permet toutefois d’en dessiner les contours. Mise en place lundi 30 mai, la plateforme a déjà reçu plus de 5.000 réponses en vingt-quatre heures avait indiqué le directeur exécutif du club anglais, Billy Hogan. Soucieux de vérifier les éléments et accusations transmises par les supporteurs du club, le patron de Liverpool s’était dit « horrifié par la façon dont des hommes, femmes et enfants, des gens valides et d’autres moins, ont été traités sans discernement au cours de la journée de samedi ».