Affaire de viol au 36 : Après une condamnation ferme en 2019, les deux ex-policiers de la BRI jugés en appel

PROCES Placés sous contrôle judiciaire depuis leur condamnation en première instance en janvier 2019, Antoine Q. et Nicolas R. doivent de nouveau comparaître à partir de ce mardi

Hélène Sergent
Les ex-policiers de la BRI avaient été condamnés à sept ans de prison ferme en 2019.
Les ex-policiers de la BRI avaient été condamnés à sept ans de prison ferme en 2019. — Francois Mori/AP/SIPA
  • Emily Spanton, une Canadienne de 42 ans, accuse deux ex-policiers de la BRI de l’avoir violée en 2014 dans les célèbres locaux de la police judiciaire, au 36 Quai des Orfèvres, à Paris.
  • Jugés en 2019 une première fois, les deux accusés avaient été reconnus coupables de viol en réunion et avaient été condamnés à une peine de 7 ans de prison ferme.
  • Les deux hommes, placés depuis sous contrôle judiciaire, ont fait appel de cette condamnation et doivent être jugés à nouveau à partir de ce mardi à Créteil.

En 2019, le procès d’Antoine Q. et Nicolas R. s’était terminé brutalement pour ces deux anciens policiers d’élite. Condamnés à sept ans de prison ferme et reconnus coupables de viol en réunion par la cour d’assises de Paris, ces ex-membres de la prestigieuse brigade de recherche et d’intervention (BRI) avaient alors quitté l’île de la Cité menottes aux poignets. Une issue marquante, à l’image des débats qui s’étaient tenus pendant trois semaines.

Accusés depuis 2014 par une touriste canadienne, Emily Spanton, les deux hommes ont fait immédiatement appel de cette décision. Ce mardi, tous doivent se retrouver au tribunal de Créteil pour le procès en appel de cette affaire du « viol du 36 », en référence aux locaux historiques de la police judiciaire, le 36 Quai des Orfèvres, où se sont déroulés les faits.

Deux versions opposées

Huit ans après le déclenchement de l’affaire, un nouveau jury populaire aura la lourde tâche de se replonger dans cette nuit du 22 avril 2014. Ce soir-là, les deux policiers font la rencontre d’Emily Spanton dans un pub irlandais, le Galway, où les hommes du « 36 » ont leurs habitudes. Cette touriste canadienne âgée de 34 ans partage plusieurs verres avec les deux accusés, flirte et échange quelques baisers. Peu après minuit, ils lui proposent une visite improvisée des célèbres locaux de la police judiciaire, situés à quelques pas du bar, sur l’île de la Cité. La jeune femme, qui titube à cause de l’alcool, accepte et les suit.

A partir de leur arrivée sur place, les récits divergent et s’opposent en tous points. Emily Spanton accuse Nicolas R. et Antoine Q. de l’avoir violée et de lui avoir imposé des fellations. Plusieurs témoins attesteront de l’état de « choc » de la touriste ressortie du « 36 », sans ses collants, ses escarpins à la main et en larmes. « Ils ont voulu du sexe avec moi que je voulais pas », dira-t-elle à l’un des policiers chargés de garder l’entrée du bâtiment historique. De leur côté, les deux hommes démentent catégoriquement les faits qui leur sont reprochés et plaident pour des relations « consenties ».

En première instance, cette défense n’avait pas convaincu la cour. Dans ses motivations, le président avait fustigé les dépositions « évolutives, fantaisistes et peu crédibles » des anciens policiers de la BRI et mis en avant « les déclarations constantes » de la victime. Pour justifier leur verdict, le magistrat et les jurés s’étaient aussi appuyés sur divers « éléments scientifiques et techniques » comme les expertises téléphoniques, génétiques et psychologiques menées lors de l’enquête. Un SMS embarrassant, envoyé par Nicolas R. à l’un de ses collègues pour l’inviter à le rejoindre et dans lequel il qualifiait la victime de « touseuse » (pour « partouzeuse »), effacé après le dépôt de plainte d’Emily Spanton, a notamment été retenu comme élément à charge.

Un procès particulièrement attendu

Renvoyé à deux reprises à cause de l’épidémie de Covid-19 puis après l’hospitalisation de l’avocat d’un des deux accusés, Me Thierry Herzog, le procès en appel est particulièrement attendu par les deux parties. « L’audience en première instance a été extrêmement violente avec une défense très agressive vis-à-vis de la partie civile. Mais je suis très admirative de ma cliente, elle tient la route et elle est très solide », confie l’avocate d’Emily Spanton, Me Sophie Obadia.

Dans l’attente de ce deuxième procès, les policiers ont, eux, été placés sous contrôle judiciaire après avoir effectué plusieurs semaines de détention. Chargé de défendre Nicolas R., Pascal Garbarini souligne lui aussi la « combativité » de son client : « Il veut faire éclater son innocence. Il vit évidemment très mal cette accusation, c’est un fardeau pour lui », indique l’avocat à 20 Minutes. Jugés jusqu’au 22 avril, les deux accusés encourent jusqu’à vingt ans de réclusion.

20 secondes de contexte

20 Minutes a décidé d'anonymiser les policiers mis en cause dans cette affaire car, bien qu'ils soient aujourd'hui suspendus de leurs fonctions, ils peuvent, en tant qu'ex-membre de la BRI, être couverts par l'arrêté du 7 avril 2011 relatif au respect de l'anonymat de certains fonctionnaires de police.