Procès des attentats du 13-Novembre : « On a du mal à en voir le bout… » Frustration et fatigue après un quatrième report lié au Covid-19

TERRORISME Depuis la fin décembre, six des quatorze accusés présents ont été testés positifs au Covid-19, entraînant quatre reports d’une semaine. Le verdict est désormais attendu fin juin

Caroline Politi
Le procès des attentats du 13-Novembre accuse déjà quatre semaines de retard
Le procès des attentats du 13-Novembre accuse déjà quatre semaines de retard — Benoit PEYRUCQ / AFP
  • Deux nouveaux accusés ont été testés positifs au Covid-19 au procès du 13-Novembre, entraînant un quatrième report.
  • Le verdict est désormais attendu autour du 24 juin.

« C’est pas de chance, d’autant que la circulation du virus est considérablement réduite… », soupire le président de la cour d’assises spécialement composée, Jean-Louis Péries. Mardi, lors d’une audience éclair, le magistrat a annoncé un nouveau report – le quatrième – du procès des attentats du 13-Novembre, deux accusés – Mohamed Bakkali et Sofien Ayari – ayant été testés positifs au Covid-19. Après Salah Abdeslam à la fin décembre, Ali El Haddad Asufi en janvier et Mohamed Amri et Adel Haddadi la semaine dernière, ce sont donc six des quatorze mis en cause présents qui ont contracté le virus en quelques semaines.

« Désormais, il n’y a plus que 45 agents pénitentiaires infectés sur 8.000. Au niveau des détenus, ils sont moins de 50 sur les 13.000 » détenus franciliens, soupire le président. Le magistrat, qui venait d’achever la réorganisation du planning des débats après ces multiples reports, doit « repartir de zéro ». Seule certitude, des audiences se tiendront désormais tous les lundis – cette journée était jusqu’à présent « chômée » pour permettre notamment aux avocats de maintenir leur activité en parallèle de procès – à partir du mois de mars. Le verdict, initialement prévu le 25 mai, pourrait être rendu autour du 24 juin. Soit d’ores et déjà quatre semaines de retard sur le planning initial.

« Ça renforce le sentiment que le procès leur échappe »

« On essaie de prendre ces retards avec philosophie, ils sont plus ou moins le miroir de ce qui se passe en population générale, mais c’est vrai que cela commence à faire beaucoup, qu’on a du mal à en voir le bout », confie Arthur Dénouveaux, rescapé du Bataclan et président de l’association de victimes Life for Paris. Les multiples reports entraînent d’abord des difficultés d’organisation pour les parties civiles qui souhaitent suivre les débats. Si certaines privilégient la web radio, d’autres font des allers-retours, viennent parfois de loin pour assister aux audiences. Or, le planning ne cesse d’être modifié.

Surtout, beaucoup ont le sentiment d’un tunnel dont ils peinent à voir l’issue. Si le procès se termine effectivement le 24 juin – il a débuté le 8 septembre – le délai d’appel, lui, court jusqu’au 8 juillet. Quant à l’audience civile, elle n’a pas encore été fixée. « Dix mois, presque un an avec ce procès dans nos vies, c’est long et éprouvant », insiste le président de Life for Paris. Même la date du 24 juin pose problème : elle tombe en plein Hellfest, festival de musique auquel participent de nombreuses parties civiles. Un détail ? Pas tant que cela. « Ça renforce un sentiment de frustration, l’impression que le procès leur échappe », insiste Arthur Dénouveaux.

« Une forme de relâchement »

Pour les accusés aussi, assure-t-on du côté de la défense, ces multiples reports sont difficiles à vivre. « Ils entraînent indubitablement une forme de relâchement, analyse Me Negar Haeri, qui défend Mohamed Amri. On est forcément plus performant lorsqu’on reste concentré. » Et de préciser : « C’est valable pour eux comme pour nous. Dans un procès aux assises, on est sous cloche, concentré, centré sur l’audience, et ensuite la pression retombe. Là, alors que ce procès est déjà fleuve, on procède par à-coups, il faut se remobiliser à chaque fois. »

Si l’audience a, cette fois-ci, été stoppée à la fin d’une séquence – celle du parcours des terroristes avant les attentats – tous espèrent que les prochaines semaines au cours desquelles les préparatifs et la commission même des faits seront abordés, pourront se dérouler d’une traite. Reprise le 1er mars, donc, « sous réserve que tous les accusés soient en capacité de comparaître », précise le président.