Procès : Jugés pour avoir simulé des tirs sur des élus LFI, ils plaident « l’humour gras, beauf »
PROCES Le ministère public a requis quatre mois de détention avec sursis à l'encontre des prévenus. La décision est mise en délibéré au 4 mars
- Deux jeunes hommes sont jugés pour avoir simulé des tirs sur Emmanuel Macron ou des élus La France insoumise.
- Les vidéos, initialement postées sur un compte privé, ont été révélées par un groupe antifa, La jeune garde, et Mediapart.
- Les deux prévenus se sont rencontrés à un meeting de Zemmour. Ce dernier s'est désolidarisé de leur vidéo.
Au tribunal correctionnel à Paris,
« De l’humour gras, beauf » pour l’un. « Une boutade » à la limite du « sketch » pour le second. Telle était, ce mercredi après-midi, la ligne de défense des deux jeunes hommes jugés pour s’être mis en scène, à la mi-décembre, en train de simuler des tirs avec une arme de gros calibre contre Emmanuel Macron et les élus de la France insoumise, Raquel Garrido ou Alexis Corbière. « Jamais, nous avons été sur un ton menaçant. Pour nous, c’était jovial, le but n’était pas de faire mal », insiste Alain R., les mains jointes, devant la barre de la 17e chambre du tribunal correctionnel de Paris.
Lui, la trentaine, exerce comme chef à domicile. Son co-prévenu, Benjamin S., 21 ans, est militaire dans l’armée de terre. Tous deux se sont rencontrés le 8 décembre au meeting de Villepinte d’Eric Zemmour ( ce dernier a condamné les faits). C’est, expliquent-ils, leur passion commune pour le tir qui les a fait se rapprocher. Une semaine après le meeting, ils se retrouvent au stand de tir de Gonesse, en Seine-Saint-Denis, où Alain R. s’entraîne régulièrement. C'est là qu'ils tourneront de courtes vidéos, initialement publiées en « story » sur leurs comptes Instagram, mais rendues publiques le lendemain par un groupe antifasciste et un journaliste de Mediapart.
« Deux balles, trois morts, ça a ricoché sur un antifa »
« Ben voyons, les amis, on va éclater qui, là ? Du jeune gaucho, du jeune communiste, du jeune bougnoule mental ? », s’exclame le premier, avant d’ouvrir le feu, un fusil à lunette à la main, puis de mimer un second tir sur Emmanuel Macron. Dans une seconde vidéo, son acolyte prend pour cible l’ancienne porte-parole de la France Insoumise, Raquel Garrido. « Du Garrido sauvage, s’exclame-t-il. De la truie très poilue et très vorace, donc il faut de grosses cartouches. » Il mime ensuite un tir sur le député LFI Alexis Corbière. « Deux balles, trois morts, ça a ricoché sur un antifa », lance-t-il, avant de poursuivre ses tirs factices. « Il y a des drapeaux algériens et des marocains, j’ai vu là-bas, donc on va s’empresser de tirer. »
« Toutes les personnes de mon compte ont compris que ce n’était pas sérieux, insiste à la barre Benjamin S, chemise grise et tatouage sur le bas du crâne. Personne ne m’a dit "tu as raison, faut passer à l’acte". » L’un comme l’autre l’affirment, ces vidéos avaient un caractère « privé » et n’avaient pas vocation à être diffusées ailleurs que sur leurs comptes, par ailleurs verrouillés. Lui a 400 abonnés, Alain R. seulement 14. « Je souris, on n’est pas cagoulé, on n’est pas menaçant sur les vidéos », poursuit le prévenu, qui fait actuellement l’objet d’une procédure pour être radié de l’armée. Et d’insister : « C’est juste que sur le moment, ça nous a fait rigoler, et je me suis dit que les gens à qui j’allais partager la vidéo, ça allait les faire rire. »
« On se chambre, on se titille »
Lorsque le tribunal leur fait remarquer le caractère raciste de leurs propos, tous deux s’offusquent, arguent être, pour l’un d’origine marocaine, pour l’autre d’origine algérienne. « On se chambre, on se titille », assure Alain R.. Quid de ce terme, « bougnoule mental » qu’il emploie ? Il assure qu’il s’agit simplement d’évoquer la « mentalité arabe ». « Si les propos avaient été portés par deux personnes typées maghrébines, le retentissement n’aurait pas été le même », estime son co-prévenu.
Un humour qui n’a manifestement pas fait rire les principaux intéressés. Si Emmanuel Macron ne s’est pas porté partie civile, les deux élus LFI ont porté plainte. Alexis Corbière était même présent ce mercredi. « Je veux qu’ils comprennent que même sur 400 personnes, cela peut être interprété comme un signal, que cela peut faire tourner la tête de quelqu’un », insiste le député, qui confie qu’après son débat avec Eric Zemmour sur le plateau de Cyril Hanouna, le 16 décembre, il a reçu « des centaines de messages très violents sur les réseaux sociaux ». Le ministère public a requis quatre mois de détention avec sursis à leur encontre, une « peine préventive et dissuasive », et réclamé une interdiction de port d’arme pendant 5 ans. La décision a été mise en délibéré au 4 mars.