Meurtre d’Elodie Kulik : Trente ans de réclusion requis contre Willy Bardon pour viol et enlèvement, suivis de mort

PROCES En première instance, il avait été condamné à la même peine pour les mêmes infractions

20 Minutes avec AFP
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L'accusation a requis une peine de 30 ans de réclusion criminelle en appel contre Willy Bardon pour viol en réunion, enlèvement et séquestration, suivis de la mort d'Elodie Kulik.
L'accusation a requis une peine de 30 ans de réclusion criminelle en appel contre Willy Bardon pour viol en réunion, enlèvement et séquestration, suivis de la mort d'Elodie Kulik. — FRANCOIS GREUEZ/SIPA

Depuis le début de son procès en appel qui a commencé le 14 juin devant la cour d’assises d’appel du Nord​, Willy Bardon clame son innocence. Mais pas de quoi convaincre l’accusation qui a requis contre lui mercredi une peine de 30 ans de réclusion criminelle, pour « viol en réunion, enlèvement et séquestration » suivis de la mort d’ Elodie Kulik en 2002.

En première instance, en 2019 devant les assises de la Somme, il avait été condamné à trente ans de réclusion pour les mêmes infractions. Dès l’énoncé du verdict, il avait tenté de se suicider en ingurgitant un pesticide.

Un enregistrement « crucial » de 26 secondes

Dans la nuit du 10 au 11 janvier 2002, Elodie Kulik, 24 ans, « a été extraite très violemment » de sa voiture accidentée en bordure d’une départementale, puis « emmenée » à six kilomètres, pour y être « violée, tuée et brûlée », a relaté l’avocate générale, Pascale Girardon. « Cette salle résonne encore de (ses) gémissements d’effroi », a frissonné la substitute générale Annelise Cau. Cette nuit-là, Mme Kulik roule à 60 km/h, « freine sans raison apparente, glisse, fait un tonneau », et appelle les secours, laissant aux enquêteurs un enregistrement de 26 secondes, « crucial », a-t-elle rappelé.

On y perçoit « une discussion entre deux hommes », a décrit Annelise Cau, et « le corps martyrisé d’Elodie a désigné » l’un d’eux : Grégory Wiart, dont le sperme retrouvé sur la victime a été identifié en 2012 grâce à une nouvelle technique d’analyse ADN. Mais décédé en 2003, il n’a jamais été interrogé, et l’enquête s’est tournée vers ses proches.

« La reconnaissance de sa voix » dans l’enregistrement

« Ce qui distingue Willy Bardon » d’autres suspects envisagés, « c’est sa proximité avec Grégory Wiart », qui partageait sa passion du 4x4, des soirées alcoolisées, des femmes, a dit Pascale Girardon. Mais c’est surtout « la reconnaissance de sa voix » dans l’enregistrement par plusieurs proches, notamment cinq personnes placées en garde à vue avec lui, en 2013.

« Willy Bardon a reconnu sa propre voix » devant juge et enquêteurs, a argué Pascale Girardon, y voyant « un demi-aveu ». Elle est revenue sur chaque indice « probant », révélé par les témoignages et écoutes téléphoniques, comme la fébrilité de Willy Bardon tout au long de l’enquête, ou son comportement dragueur, outrancier avec les femmes.

Obsédé par le sexe, « menteur, manipulateur »

« Il y a un double Willy Bardon » : l’un « gentil, serviable », l’autre « infidèle », obsédé par le sexe, « menteur, manipulateur », a-t-elle estimé, relevant aussi ses « expressions peu communes », utilisées dans d’autres contextes mais troublantes, comme « "je vais te violer, te brûler" », lancé à la voix d’un automate.

L’accusation « vous demande de condamner sur des ragots, des rumeurs, des hypothèses (…) des propos rapportés », a déploré Me Marc Bailly, l’un des avocats de Bardon, s’adressant aux jurés. « Ce ne sont pas des preuves ! » « On vous dit que Willy Bardon, c’est un ectoplasme, (…) qui réussit à se faufiler sur deux scènes violentes, sans jamais laisser d’ADN », a-t-il ironisé, pointant l’accusé, attentif dans le box.

« Bande inaudible »

Willy Bardon a toujours dit « "ça ressemble à ma voix, mais je n’étais pas là !" », a dit Me Stéphane Daquo, autre avocat de la défense. Il a souligné la « mauvaise qualité » de la bande, et sa courte durée, soit « 0,7 secondes de voix » du premier locuteur, « deux secondes » pour l’autre, insuffisant pour identifier quelqu’un formellement. Cette « bande inaudible (…) c’est une image floue, furtive », a-t-il jugé, appelant les jurés à acquitter l’accusé, car « il n’existe aucune certitude ».

L’enquête a d’ailleurs été « déloyale, menée à charge », par des enquêteurs qui dix ans après les faits, « sous la pression de leur hiérarchie » et des médias, cherchaient un coupable à tout prix, a assuré le troisième avocat, Me Gabriel Dumenil. Les enquêteurs ont influencé gardés à vue et témoins avec des « questions en entonnoir ». Ses proches « s’attendaient à l’entendre », a-t-il avancé. Et six des douze témoins appelés à la barre ne le reconnaissent pas. Willy Bardon « avait une drague lourde » mais aucune femme n’a jamais porté plainte car « ce n’est pas un prédateur sexuel », a insisté Me Bailly. « Quand on prend vingt ans de votre vie (…) et des coïncidences, on peut en faire ce qu’on veut. »