Attentat sur les Champs-Elysées : Trois des quatre hommes jugés ne connaissaient pas le terroriste

PROCES Quatre hommes comparaissent à partir de ce lundi devant la cour d’assises spéciale, soupçonnés d’avoir participé, à divers degrés, à l’assassinat de Xavier Jugelé, sur les Champs-Elysées

Caroline Politi
Xavier Jugelé a été tué le 20 avril 2017 sur les Champs-Elysées.
Xavier Jugelé a été tué le 20 avril 2017 sur les Champs-Elysées. — bertrand GUAY / AFP
  • Le 20 avril 2017, le brigadier Xavier Jugelé participait à une mission de sécurisation le long des Champs-Elysées, à Paris, quand Karim Cheurfi a ouvert le feu avec une Kalachnikov. Atteint par deux balles, le policier est mort sur le coup.
  • Sur les quatre hommes jugés ce lundi pour avoir participé à cet attentat d’une manière ou d’une autre, un seul comparaît pour des faits de terrorisme, les trois autres sont renvoyés pour détention d’arme.
  • Tous ont toujours nié leur implication dans l’attentat perpétré par Karim Cheurfi.

« Un homme calme, déterminé à [les] tuer. » C’est le souvenir que garde Cédric, ancien sous-brigadier au sein de la direction de l’ordre public et de la circulation (DOPC), du terroriste qui, le 20 avril 2017 – soit trois jours avant le premier tour de la présidentielle – a ouvert le feu sur sa compagnie. Ce soir-là, il participait à une mission de sécurisation le long des Champs-Elysées, certains de ses collègues étaient déployés le long de l’avenue, lui et le brigadier Xavier Jugelé étaient restés à proximité du camion. Ils n’ont pas vu Karim Cheurfi arriver, une Kalachnikov à la main. Cédric a été touché à la fesse, son collègue, atteint de deux balles, est mort sur le coup. Un autre fonctionnaire a été légèrement blessé et une touriste a reçu une balle perdue au niveau de la main.

Comme beaucoup d’affaires de terrorisme, le procès, qui s’ouvre lundi devant la cour d’assises spéciale, se tiendra sans son auteur, ce dernier ayant été abattu quelques instants après avoir ouvert le feu. Dans le box, trois des quatre accusés ne l’ont même jamais rencontré. Ces amis d’enfance, aujourd’hui âgés de 27, 28 et 29 ans, comparaissent pour le simple délit de détention et cession illégale d’arme. Celle, en l’occurrence, utilisée par le terroriste pour abattre sa victime. Seul Nourredine A., le cousin de l’un d’entre eux, est jugé pour association de malfaiteurs terroriste criminelle, les magistrats instructeurs ayant estimé qu’il ne pouvait ignorer, si ce n’est le projet précis de l’assaillant, du moins sa radicalisation et sa volonté de passer à l’acte.

La Kalachnikov au cœur des investigations

L’enquête s’était rapidement concentrée sur la provenance de la Kalachnikov utilisée lors de cette funeste soirée. Deux empreintes ADN avaient été identifiées sur l’arme, celles de deux jeunes hommes, quasiment inconnus de la justice et plus encore des services de renseignement. Aux magistrats qui l’interrogeaient, le plus âgé des trois, Yanis A., a confié avoir découvert en 2016, un peu par hasard, l’arme dans l’une des caves de son immeuble. Il s’en était alors ouvert à deux de ses amis proches, Médérik M. et Mohamed B., leur confiant qu’il espérait en tirer un peu d’argent.

C’est ce dernier qui est soupçonné d’avoir joué le rôle d’intermédiaire : Nourredine A., 31 ans et 19 mentions au casier pour des faits de droit commun, n’est autre que son cousin. Selon son récit, ce dernier lui aurait confié, en mars 2017, être à la recherche d’une arme « pour faire peur » à la suite « d’embrouilles » dans son quartier. D’où l’idée de le mettre en relation avec Yanis A. lorsque celui-ci sera rentré du Mexique où il est vacances pour participer au fameux « spring break » américain. La transaction est finalement organisée début avril mais Nourredine A. ne garde pas l’arme : il la cède à Karim Cheurfi, en échange de sa moto.

De longs moments passés avec le terroriste

Les investigations n’ont pas permis de mettre en lumière des éléments faisant apparaître une quelconque radicalisation des quatre accusés. Mais Nourredine A., qui a vu Karim Cheurfi à plusieurs reprises les semaines précédant l’assassinat de Xavier Jugelé, pouvait-il ignorer ses intentions ? L’accusé affirme qu’il espérait simplement, en se rapprochant de lui, l’amadouer pour obtenir sa moto à un bon prix. Jamais, jure-t-il, il n’a entendu le terroriste tenir des propos haineux.

Les deux hommes sont originaires du même quartier et se sont rencontrés en prison, sans devenir pour autant amis. Karim Cheurfi purgeait alors une peine de 15 ans de prison pour, avoir tenté, en 2001, de renverser un policier hors service avec sa voiture puis s’être saisi de l’arme du fonctionnaire qui l’interrogeait lors de sa garde à vue et lui avoir tiré dessus. Une haine des forces de l’ordre qui ne l’a pas quitté à sa sortie de détention, en 2015.

Si Karim Cheurfi n’était pas fiché pour sa radicalité religieuse – il s’est converti en prison –, la section antiterroriste du parquet de Paris était saisie d’une enquête le concernant pour avoir confié, en décembre 2016, « son intention de tuer des flics » à un homme qu’il venait à peine de rencontrer. Au cours de leurs investigations, les enquêteurs ont découvert, dans les jours qui ont suivi, qu’il s’est présenté à la mosquée de Montefermeil affirmant qu’il cherchait des armes puis a commandé trois couteaux de chasse sur Internet. A-t-il pu s’ouvrir à des inconnus et cacher ses intentions à un homme qu’il fréquentait régulièrement ? C’est ce que devra déterminer la cour d’assises spéciale au cours de ces deux semaines d’audience.