Paris : Franco Lollia, militant « anti-négrophobie », jugé pour avoir tagué la statue de Colbert

PROCES Activiste guadeloupéen, Franco Lollia a été arrêté en juin pour avoir peinturluré la statue de Colbert en rouge afin de rappeler que ce dernier a légalisé l’esclavage dans les colonies françaises

Caroline Politi
Le 23 juin, la statue de Colbert a été peinturlurée par des militants pour dénoncer la
Le 23 juin, la statue de Colbert a été peinturlurée par des militants pour dénoncer la — Thibault Camus/AP/SIPA
  • Le procès de Franco Lollia, déjà deux fois renvoyé, se tient ce lundi 10 mai, jour de la commémoration de l’abolition de l’esclavage. Une date hautement symbolique.
  • Le militant reconnaît avoir tagué la statue de Colbert pour dénoncer la « négrophobie d’Etat ».
  • Il encourt 3.750 euros d’amende et une peine de travail d’intérêt général.

Franco Lollia n’aurait pu rêver d’une date plus symbolique pour son procès. Cet activiste guadeloupéen, figure de la lutte contre le racisme​, comparaît ce lundi, jour de commémoration de l’abolition de l’esclavage, devant le tribunal correctionnel de Paris pour avoir tagué  « négrophobie d’Etat » sur la statue de Colbert qui trône devant l’Assemblée nationale. « Ce hasard concernant la date de son procès, au-delà du symbole, est particulièrement intéressant, sourit l’une de ses avocates, Me Evita Chevry. Pour une fois, le 10 mai, on n’aura pas seulement les grands discours, la réalité se jouera au palais de justice, on pourra voir où nous en sommes réellement dans notre histoire. »

Porte-parole de la « brigade anti-négrohobie », Franco Lollia n’a jamais nié pas son geste, bien au contraire, il l’a revendiqué. En peinturlurant, en juin dernier, la statue de l’ancien ministre de Louis XIV, considéré comme l’initiateur du « Code noir », qui a légalisé l’esclavage dans les colonies françaises, le militant entendait dénoncer « l’hypocrisie » de la France qui met en avant une figure contestée de l’histoire de France devant l’un des monuments phare de la démocratie. « Nous ne nous attaquons pas à Colbert, un homme mort et enterré, mais bien à l’État français qui utilise ces figurines pour nous cracher au visage chaque jour que Dieu fait », a-t-il expliqué à la presse en janvier dernier alors que son procès venait tout juste d’être renvoyé après le dépôt par la défense d’une question prioritaire de constitutionnalité (QPC).

Un mouvement international

Cet acte symbolique – pour lequel il encourt néanmoins 3.750 euros d’amende et des travaux d’intérêt général – fait écho au mouvement américain « black lives matter » qui a gagné en visibilité après la mort de George Floyd aux Etats-Unis. Un peu partout dans le monde, la présence dans l’espace publique de figures de l’esclavagisme ou de la colonisation a été dénoncée. A Lille, deux jours avant l’action de Franco Lollia, le piédestal de la statue du général Faidherbe a été tagué des mots « colon » et « assassin » en référence aux campagnes coloniales auxquelles il a participé au XIXe siècle. Quelques jours plus tard, à Marseille, ce sont deux statues commémoratives des anciennes colonies d’Afrique et d’Asie qui ont subi le même sort​. Sur l’une a été taguée « les colonisés d’Afrique niquent la France », sur la seconde « Les colonisés d’Asie nikent la France ».

« Mon client a eu ce geste fort pour provoquer le débat. Cela fait des années, qu’il écrit des courriers aux institutions pour tenter de faire porter sa voix sans jamais avoir de réponse », insiste son avocate, qui voit dans cette action une volonté de favoriser le vivre-ensemble. « On ne peut pas dire "assimilez-vous" mais garder dans l’ombre une partie de notre histoire. »

Un terrain sur lequel refusait de se placer, en janvier dernier, l’avocate de l’Assemblée nationale, Me Saida Benouari, qui voyait dans cette affaire avant un dossier « de dégradation matérielle ». « J’entends l’argument de l’action symbolique, mais quid du préjudice matériel ? Quel est le sens de dégrader des biens appartenant au domaine public ? », avait-elle déclaré lors de la dernière audience.